Dans son édition du 25 mars 2000, Le Monde publie un supplément de seize pages consacré à " Kosovo, un an après ". Etrange supplément : il ne contient aucune synthèse journalistique de la guerre et de ses conséquences. Hors les deux pages centrales qui enquêtent sur " les travaux pratiques de Bernard Kouchner ", on ne lit qu’une juxtaposition de points de vue de gouvernants et d’intellectuels.
La question des manipulations médiatiques - auxquelles Le Monde s’est volontiers prêté et dont, sans doute, il a aussi été victime - est abordée à l’occasion d’un entretien avec Jamie Shea, porte-parole du secrétaire général de l’OTAN. Jamie Shea est interrogé par Luc Rosenzweig.
Le Monde " Comment expliquez-vous que des informations délivrées par vous-mêmes sur les exactions serbes au Kosovo n’ont pas été ensuite confirmées par les enquêtes sur le terrain ?
Jamie Shea. J’insiste sur le fait que ce type d’informations - sur les viols systématiques, par exemple - étaient toujours répercutées par moi avec l’indication de leurs sources, essentiellement des récits des réfugiés. Mais si on prend la position de se taire avant d’avoir la preuve absolue des faits, on ne dit rien du tout. On a oublié que j’ai été excessivement prudent avec les faits. Par exemple, je n’ai jamais évoqué de chiffres supérieurs à 2 000 exécutions sommaires. "
Comme on le voit, le journaliste du Monde reproche au porte-parole de l’OTAN… d’avoir porté la parole de l’organisation atlantique. Ce reproche serait naïf, s’il ne permettait au journal de ne publier aucun bilan critique…