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En brèves et en vrac

Le Monde en 2000-2001

Le Monde par lui-même ou tel qu’en lui-même. En vrac, quelques aperçus [*].

Le Monde, offensé, défend son indépendance

Claude Allègre, ayant publié [après son « départ » du Ministère de l’Education Nationale] un impérissable ouvrage, où il se présente comme la victime d’un complot fomenté par le SNES et la presse, Le Monde du jeudi 31 août 2000 lui inflige deux sévères leçons de morale.

D’abord en publiant - sous le titre « Un "plan médias" exceptionnel » - un encadré qui recense toutes les prestations de Claude Allègre prévues dans la presse, à la radio et à la télévision. Merci Le Monde d’avoir ainsi mis en évidence la complaisance des chers confrères à l’égard des personnages et des ouvrages incontournables : il est de notoriété publique que Le Monde ne se prête jamais à de tels "plans médias"...

Seconde leçon : un encadré, mystérieusement signé E.P. et vigoureusement titré « L’à-peu-près », défend l’honneur de la presse et du "quotidien de référence". À la thèse du complot, E.P. oppose ceci : « Cette vision policière de l’histoire n’appellerait pas de commentaire si, pour tenter de lui donner consistance, M. Allègre n’embarquait pas la presse et plus particulièrement Le Monde parmi les comploteurs (...). »

Et E.P. de rappeler que, en trois années, Le Monde a publié quatorze entretiens avec Allègre et deux points de vue de ce dernier. « A tel point que - précise E.P.- certains enseignants nous faisaient le procès inverse de celui qu’instruit aujourd’hui l’ex-ministre. » Et E.P. de poursuivre : « La lecture du livre de M. Allègre les rassurera : nous ne sommes ni complaisants ni comploteurs, simplement indépendants ».

Vient alors la morale - provisoire - de la fable : « Sans doute est-ce une qualité insupportable à ceux qui ne voient la vie politique et intellectuelle qu’en termes de réseaux et de manipulations. »

Que E.P. soit rassuré à son tour. Nous avons bien lu :

- que la vision d’Allègre n’aurait valu à son auteur aucun commentaire, si la presse « et plus particulièrement Le Monde » n’avait pas été mise en cause. Comme si cette vision n’avait concerné que la presse.
- que la meilleure preuve de l’indépendance du Monde réside ... dans les accusations infondées de M. Allègre, qui pousse l’ingratitude jusqu’à oublier les entretiens sans aspérités qui lui ont été offerts.
- que la complainte sur l’indépendance permet, derrière la cible offerte par les élucubrations d’un ex-ministre, d’amalgamer les outrances vaniteuses d’un hôte assidu du Monde et toute critique qui met en évidence la logique sociale et économique qui entretient des réseaux et des manipulations dont on ne veut pas entendre parler... tant que l’on peut en être le bénéficiaire. [1]

Le Monde change et change de Bilan du Monde

Chaque année, Le Monde publie un hors-série titré " Bilan du monde ", qui analyse la situation économique et sociale. L’édition 2001, sortie en janvier 2001, se distingue un peu des précédentes.

- Edition 1999 : " L’analyse des 174 pays et des 26 régions françaises ".
- Edition 2000 : " L’analyse des 174 pays et des 26 régions françaises ".
- Edition 2001 : " L’analyse des 174 pays. Le classement des entreprises les plus performantes des 26 régions françaises ". [2]

Le Monde, le trotskiste et l’arbitre des débats (fable)

Le passé trotskiste de Lionel Jospin nous a valu, outre une grande enquête de salubrité politique dont Le Monde a parfois le secret, une grande leçon de morale publique. Nous l’avons retenue. La preuve :

Dans sa chronique télé du Monde daté 15 juin 2001, Luc Rosenzweig exerce son ironie sur "Michel Field, pour qui il était difficile d’exercer son métier d’arbitre de débats sur le sujet trotskiste, puisqu’il ne se cache pas d’avoir eu, lui aussi, quelques affinités avec l’une des chapelles de cette Eglise". Quand M. Rosenzweig veut adresser une remarque à son directeur de la rédaction, pas la peine de la diffuser à 500 000 exemplaires : il est de notoriété publique - il ne l’a jamais dissimulé - qu’Edwy Plenel est un ancien trotskiste.

Mais pourquoi ce dernier devrait-il renoncer à "exercer son métier d’arbitre de débats sur le sujet trotskiste " ?

Edwy Plenel n’en a rien fait, et c’est heureux. Le samedi 9 juin 2001, dans son émission Le Monde des idées sur LCI, il recevait (mais à quel titre ? en qualité de directeur général adjoint du Monde SA ou d’ ancien rédacteur de Rouge, journal de la Ligue communiste révolutionnaire ?) Daniel Bensaïd et Christophe Aguitton, dirigeants de la Ligue communiste révolutionnaire. L’échange nous valut même cet étonnement feint et ce stupéfiant aveu : " J’ai vainement tenté de vous opposer "... [3]

Le Monde, le trotskyste et le cuisinier (fable)

Interrogé par Sylvain Bourmeau (France Culture, le 21 septembre 2001) sur le fait que l’enquête du Monde sur le trotskisme de Jospin n’était pas signée, ce qui n’était pas habituel, Edwy Plenel " révèle " :

« Toute la rédaction sait que c’est moi l’auteur de cet article. Simplement comme je ne signe pas en tant que chef d’orchestre, de chef cuisinier. Je suis aux cuisines comme on pourrait dire que je ne suis pas en salle. Je ne suis pas en salle, je mitonne les plats en cuisine. Donc on a eu un débat. Si je signais exceptionnellement ce papier, ça engageait la collectivité Le Monde derrière la signature d’un ancien trotskiste qui révélait le passé trotskiste du Premier-ministre. Donc ça brouillait. C’est ça qui a été l’avis de Jean-Marie Colombani et d’autres confrères de la rédaction du journal. Donc bon, d’où cette signature collective au nom de la rédaction du Monde. »

Tout cela est limpide, et ça ne brouille plus ... [4]

Le Monde réforme le FMI et les organismes internationaux

Dans l’éditorial du Monde du 24 août, paru sous le titre " Le tango argentin de Bush" on pouvait lire ceci : « Les Européens peuvent se réjouir de voir que le président George W. Bush a changé complètement d’avis et a finalement accepté que le Fonds monétaire international (FMI) accorde un nouveau prêt de 8 milliards de dollars à l’Argentine. »

Le Monde - qui s’adresse désormais aux Européens ou parle en leur nom - nous invite donc à des réjouissances. Mais encore ?

Fin de l’édito : « M. Bush a finalement admis que l’aide est indispensable et que, dans une économie mondialisée, le "conduis-toi bien" ne peut suffire. De ce point de vue, les organismes internationaux, comme le FMI, sont indispensables, même si, à l’évidence, ils doivent être réformés. »

De ce point de vue ? Quel point de vue ? Les organismes doivent être réformés ? Par qui ? Comment ? C’est ce que nous lirons sans doute bientôt dans un prochain éditorial du Monde. [5]

 
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Notes

[*Prélevés, sans modification, dans une ancienne présentation chronologique du Monde des années 1999-2002 : la date de publication antérieure est indiquée à la fin de chacun d’entre eux.

[1Première publication : septembre 2000 - titre modifié.

[2Première publication : février 2001 - Source : PLPL n°2-3 - titre modifié.

[3Première publication : juin 2001- titre modifié.

[4Première publication : 05-10-2001 - avec PLPL.

[5Première publication : 15-09-2001.

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