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Forum 2003

Le Canard Enchaîné s’inquiète des penchants démocratiques de ses confrères

Dans son édition du 12 novembre, alors que s’ouvrait le FSE , Le Canard Enchaîné, sous le titre « Poids et alters  » , s’attachait surtout, comme nombre de ses confrères, à railler les tentatives de récupérations par les partis politiques, : « des réacs aux réformistes, tout le monde est altermondialiste ! ». Mais il donnait aussi, sur le FSE lui-même, plus d’informations que tous les autres hebdomadaires français réunis - ce qui, il est vrai, n’est pas difficile  : « 60 000 personnes environ sont attendues (…) Et les participants ne sont pas venus pour rigoler, mais pour gamberger, discuter, chercher de nouveaux gestes militants, bâtir des propositions, imaginer des alternatives … Plus de 500 ateliers, des séances plénières et des séminaires à foison ! Sur la dérèglementation des services publics, l’AGCS, la démilitarisation de la recherche, la justice des mineurs, les logiciels libres, la manière de sortir du nucléaire, les droits des handicapés, etc.  ». Et plutôt que de mépriser la diversité des composantes du Forum en ironisant, comme tant d’autres, sur son caractère hétéroclite, Le Canard tentait d’expliquer le foisonnement qui se trouve désormais « du côté des associations »  : « [les partis et les syndicats NDLR], à force de realpolitik, de dire et répéter qu’il fallait accompagner le mouvement de globalisation, que la moindre réformette était techniquement infaisable (comme l’emblématique Taxe Tobin, autrefois moquée, aujourd’hui considérée comme pas si utopique que ça), qu’il ne fallait pas s’opposer aux fonds de pension, ni aux OGM, ni aux brevets à tout va, bref à rien, ont fini par propager l’impression que la politique est impuissante ». Et ce sont paradoxalement les altermondialistes qui réinjectent une envie de politique  ». Une prise de position favorable certes, mais surtout une pratique du journalisme qui tranche avec les commentaires écrasants de mépris qui tiennent lieu d’information.


Le 19 novembre
, sous le titre « Le sel de l’alter », Le Canard Enchaîné, plus nettement encore, réfute les commentaires plus ou moins arrogants sur le « supermarché de la contestation » (France Inter) ou « le fourre-tout  » que représenterait le FSE (Le Nouvel Observateur du 20 novembre) : « La semaine durant, on n’a pas cessé d’entendre la même rengaine : toutes ces parlotes des altermondialistes, ce Forum social européen (…) c’était bien beau, certes sympathique même ; débattre, c’est formidable, même au FN on débat, mais tout ça débouche sur quoi ? Où est leur programme ? Où sont leurs propositions ?Pourquoi n’entrent-ils pas en politique ? Les idées, c’est bien beau, mais il faut aller au charbon ! »
Et J-L.P de relever : « Curieux, ce mépris pour les idées comme pour la parole. (…) Comme si les altermondialistes, qui ne sont vraiment apparus sur la scène mondiale qu’à Seattle, il y a trois ans, devaient nous fournir illico, clefs en mains, un programme politique novateur, solide et réaliste, sans compter des troupes en état de marche, des têtes d’affiche capables de séduire les électeurs et, en prime, des conditions historiques nécessaires à la prise du pouvoir… ».

Le Canard a raison… mais Le Canard se trompe peut-être sur un point : le « mépris pour les idées comme pour la parole » n’a rien de « curieux ». C’est l’ordinaire de la pratique des journalistes de haut vol : ils ne respectent vraiment que les idées qu’ils échangent entre eux et les prises de parole qu’ils orchestrent dans les pages « débat » qu’ils arbitrent ou dans les émissions qu’il organisent. Cela seul, ou presque, mérite à leurs yeux d’être considéré comme des confrontations démocratiques.

 
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