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L’actualité des médias n°76 (juillet-début septembre 2010)

par William Salama,

Bolloré croit au papier - Le PDG de France Télévisions annonce… - L’emprise d’Orange. Les radios font le plein de publicité

I. Professions

 Appel à la grève pour tous journalistes. Par le SNJ, notamment, et par voie de communiqué de presse, dont voici un extrait « Attaques haineuses de la part du gouvernement Sarkozy contre les médias coupables d’avoir révélé l’affaire Bettencourt, dérives sécuritaires et xénophobes, menaces sur les « niches fiscales »… Ne soyons pas dupes de ces manipulations qui ne consistent qu’à détourner l’opinion des vrais enjeux sociaux. Le 7 septembre, crions plus haut et plus fort que jamais notre hostilité à un projet de réforme qui fait peser l’effort sur les plus menacés. Ensemble, construisons notre bouclier... social. ». À noter que les organisations syndicales de France Télévisions ont également décidé d’une grande journée de mobilisation le 7 septembre. Idem chez France 24 (lire plus bas). Le 8, les quotidiens étaient absents des kiosques.

 Suppressions d’emplois. Selon le CGT (SNJ-CGT), mettant à jour notre comptage, 2009 a engendré 3000 suppressions d’emplois de journalistes et surtout, des reporters-photographes qui collaborent avec les agences de presse photographiques. Or, « contrairement à une idée diffuse, colportée par certains employeurs et certaines de leurs organisations professionnelles, ce n’est pas le statut du journaliste qui est la cause de la crise du photojournalisme, mais bien un modèle éditorial et une volonté de s’affranchir de toute règle sociale  » (licenciements, contrats foireux, précarité). Le syndicat demande ainsi de « faire appliquer la loi Cressard de 1974 » et promet d’accompagner « toutes les actions menées, devant les tribunaux ou non, par les reporters-photographes pour la reconnaissance de tous leurs droits ». Cqfd.

II. AFP et presse écrite

 Orientation « grand public » de l’AFP ? Au cœur de l’été, des couteaux ont été pointés sur l’AFP (lettre, étude juridique sur le statut), par les principaux lobbys de la presse écrite (SPN, SPQR). Motif, l’évocation par son nouveau PDG, Emmanuel Hoog, de l’idée de développer une offre à destination du grand public. Mais, écrit Le Figaro (23 juillet) « certains éditeurs voient d’un mauvais œil une orientation grand public de l’AFP […] qui pourrait concurrencer l’offre de presse quotidienne, nationale et régionale, alors même que la presse constitue l’un des principaux clients de l’agence ». Reste que Hoog ne se laisse pas impressionner, affirmant au Monde du 3 septembre : « Cette histoire de pré carré témoigne d’une vision malthusienne des choses, alors que la consommation d’informations dans le monde connaît une croissance exponentielle" […] "Il serait absurde que la troisième agence mondiale n’ait pas une application sur iPad, sur les smartphones, ainsi qu’un site Internet" »

1. Presse quotidienne nationale

  La Croix va se faire imprimer ailleurs. La Croix a trouvé moins cher que l’imprimerie d’Amaury (Le Parisien). 19 salariés (sur 179) de Sicavic pourraient pâtir du retrait du quotidien catholique (Les Echos, 2 septembre).

  La Tribune cherche de l’argent  ; Les Echos se refont . L’économie embellie …Cédé « pour un euro symbolique » dans « L’Actualité des médias n°75) La Tribune, est à la recherche de 15 millions d’euros (et non plus 8) pour se « recapitaliser et recentrer sa ligne éditoriale tout en réduisant sa pagination », relaie Le Figaro (7 septembre). Ca en fait des contraintes. Du côté de la concurrence, c’est la rentrée en beauté, Les Echos lance le 9 septembre, avec une nouvelle maquette (plus d’infographies et de couleurs) en print et pour les supports numériques.

 Le « Bolloré » est prêt. Ainsi, interviewé dans Le Figaro du 2 septembre, le Pdg du groupe éponyme et détenteur de 33 % d’Havas (publicité, etc.) affirme : « Tout est prêt : le titre, la maquette, une équipe de 30 personnes et une personnalité extérieure qui nous rejoindra pour compléter l’équipe. Mais pour le lancement, nous avons tout notre temps. Nous avons des questions à régler avec le Syndicat du livre et il faut que Presstalis voie plus clair sur son avenir. » (cf. ici même « Presstalis sauvée du bilan »).

 Bolloré est attentif au Parisien , mais pas le seul. Même aplomb pour le journal d’Amaury (cf. « Le Parisien/Aujourd’hui bientôt en vente ? » dans « L’Actualité des médias n°75) : « Je regarde le dossier du Parisien, comme tous ceux du secteur [1].C’est un beau titre, qui dispose de contenus de qualité, d’une base logistique importante, et son positionnement n’est pas antinomique avec nos journaux Direct Matin et Direct Soir. Le groupe Bolloré est l’un des rares aujourd’hui à croire dans l’avenir de la presse papier et à vouloir réellement y investir. » (Le Figaro du 2 septembre).

  France-Soir , morne plaine. Ca balance à France-Soir, et dans tous les sens du terme. Ainsi de Christian de Villeneuve, et de Gilles Prévaux, limogés durant cet été. Ce dernier écrit d’ailleurs une lettre assez amère et éloquente à son successeur. Extrait : « Le Président [l’« oligarque » russe Alexandre Pugachev] n’était jamais content. Il voulait des scandales, toujours des scandales, pour ne pas en dire plus... ». On peut lire cette prose en intégralité et en.pdf sur le site du Figaro.]]. À la suite de ce courrier, Alexandre Pugachev déclare comprendre « l’inquiétude de la rédaction liée au départ de Christian de Villeneuve » et tient « à la rassurer. » Et ajoute : « En aucun cas, je ne souhaite transformer France-Soir en un quotidien trash, populiste ou en un « Bild à la française  » (Le Figaro, 23 août).

2. Périodiques

  Be se marie avec Envy . Le groupe Marie Claire va créer avec Lagardère Active une société « commune d’édition » pour fusionner leurs hebdos féminins Be (du premier) et Envy (du dernier). « Une dizaine de salariés sur la quarante, seront intégré au nouveau titre, des "solutions de reclassement" devant être trouvées pour les autres » (Newsletter de Cb News du 30 août). Selon le groupe Marie-Claire, il s’agit d’un « choix stratégique ».

3. Presse en ligne

 Des salariés fuient Evene. Un site du Figaro (evene.fr) a proposé un plan de départs volontaires. Or (on se demande pourquoi), il a été « étendu à la demande des salariés  », soit à 25 d’entre eux. Ce qui va permettre à Bertrand Gié, directeur des nouveaux médias de « réorganiser » le groupe « pour produire des contenus. » Entre-temps « ça [sic] continue avec des collaborations extérieures" ». Des pigistes, en somme … (Newsletter de Cb News, 27 août).

II. Audiovisuel

1. Télévisions

 Rémy Pfimlin pour l’entreprise unique et le numérique. Le nouveau Pdg de France se dit « convaincu des bienfaits de l’entreprise unique qui permet de mutualiser les coûts techniques, de structures, de coordonner l’ensemble des fonctions supports (finances, RH, informatique, achats…). C’est une source importante d’économies et je souhaite accélérer ce processus de coordination. » [2].

Autre « priorité absolue », le numérique qui « doit imprégner tout France Télévisions ». Pfimlin veut donc « agir rapidement » via une stratégie qui « implique de profonds changements dans l’organisation du travail et les unités de programmes doivent penser systématiquement les déclinaisons numériques de la grille. »

Côté social, immobilisme. Pfimlin a « rencontré toutes les organisations syndicales » et leur a exposé son “plan de route”. Je leur ai dit que tout ce qui a déjà été négocié et approuvé par les partenaires sociaux doit être entériné le plus rapidement possible.  » (Le Figaro, 29 août).

 France Télévisions et l’argent de la publicité, pour longtemps. C’est jour de fête pour France Télévisions qui a annoncé un surplus de recettes publicitaires de 70 millions d’euros d’ici fin octobre par rapport au budget 2010 grâce sa filiale (France Télévisons Publicité). Mais cela va-t-il durer ? « A moins bien sûr que l’État ne décide de reprendre une partie de cette cagnotte comme il l’avait déjà fait en 2009. En effet, l’an dernier sur les 110 millions de surplus publicitaires, l’État avait repris 30 millions.  » (Le Figaro, 20 août). Et d’ailleurs, pourvu que ça dure ? « La suppression totale de la publicité sur France Télévisions pourrait être reportée d’un ou deux ans, ce qui la repousserait au-delà de 2012 », (Les Echos et La Tribune du 3 septembre).

 Ça chauffe chez France 24. Alain de Pouzilhac, Pdg et Christine Ockrent, depuis qu’a a été rétrogradée directrice générale se fritent et mettent la mauvaise ambiance par cette « guerre de position » (Le Monde, 2 septembre). Le SNJ-CGT de France 24 a donc appelé à une assemblée générale pour soumettre au vote une « motion de défiance contre la direction  ». De son côté, la CFDT, « inquiète de la situation de France 24 et de sa gestion », a déposé un préavis de grève « illimité » pour le 6 septembre, avant de le lever, toutefois, devant la riposte de la direction s’engageant à « retrouver l’équilibre financier en 2010 et 2011 » et « qu’aucun plan de sauvegarde de l’entreprise n’aurait lieu ni en 2010 ni en 2011. » (AFP).

 Consortium des télévisions.. On peut être concurrents mais s’allier pour créer un environnement favorable à son expansion. C’est pourquoi les principales chaînes de télévision publiques et privées françaises et allemandes[ (France Télévisions, TF1, M6, ARD ZDF, RTL et ProSieben]) ainsi que des groupes électroniques se sont unis dans un consortium pour « la généralisation d’une nouvelle technologie […] qui vise à marier deux mondes encore distincts : la diffusion de la télévision par la TNT et celle par Internet. Cette nouvelle norme pourrait enfin faire du téléviseur un écran interactif avec une voie de retour par Internet. » (Le Figaro, 30 août). Apple de son côté, lance Apple TV (Les Echos, 2 septembre), sa propre norme de TV HD.

 TF1 à fond dans la diversification. Dans le cadre de sa politique de diversification des revenus, a annoncé le groupe audiovisuel « TF1 lance un site de comparaison d’assurances pour l’automobile, la moto, la santé et l’habitation  », gratuit. (Newsletter de Cb News, 31août).

 Orange s’entendrait avec Canal +. La fusion des chaînes de télévision Orange Cinéma Séries et TPS de Canal devraient être finalisées dans les prochaines semaines (Le Figaro, 2 septembre)..Selon La Tribune du 27 août, cela prendrait la forme « officiellement  », d’un « « “partenariat", noué autour d’une filiale commune détenue à parts égales (50% chacun), avec un contrôle conjoint sur les programmes, une présidence tournante ». Mais Le quotidien souligne, qu’en réalité, « c’est Canal qui gérera seul le nouvel ensemble et qui devra acheter seul les futurs programmes ». Du côté des intéressés, pas de confirmation, ni d’infirmation …

2. Radios

 Radios privées : grande marée de ressources publicitaires - Les radios privées sont en fond et débordent d’idées.
- Europe 1 se vante de « la plus forte progression du chiffre d’affaires publicitaire de la bande FM" (+15% en données brutes)  » et d’« avoir multiplié par 10 les recettes hors publicité de la radio (5% de son CA total) grâce notamment aux produits dérivés ». (Newsletter de Cb News, 31 août).
- RTL, aussi au niveau publicitaire, n’est pas en reste et décide de communiquer sur ses invités par affichage interactif « un procédé inédit et qualitatif » (sic) qui consiste à diffuser chaque soir « de 18 heures à la fermeture du métro, un visuel animé où figurera le principal invité du lendemain matin (l’invité politique de Jean-Michel Apathie, celui d’Yves Calvi ou de Laissez vous tenter)  » (Newsletter de Cb News, 3 septembre). On frétille d’impatience …
- Les radios du groupe NRJ renouent avec la croissance avec notamment « un regain » de ses recettes publicitaires et « une hausse de 1% du chiffre d’affaires du pôle médias musicaux et événementiels qui comporte les quatre radios françaises (malgré la forte perte d’audience de celles-ci) » (Newsletter de Cb News, 1er septembre). Mais au fait, quid du coup de chaleur social de l’été ? (Voir L’actualité des médias n° 75)

Mais, mais : les journalistes et animateurs des radios musicales Virgin Radio et RFM (groupe Lagardère) étaient en grève le 1er septembre, un mouvement peu fréquent dans le milieu des radios musicales privées, justifié par le projet de fermeture massive des stations (une vingtaine de station, 30 salariés). Dans ce contexte, la direction de Lagardère a indiqué « avoir décidé de relancer RFM et Virgin Radio » avec une grosse campagne publicitaire (Newsletter de Cb News, 26 août).

 Radio France garantit par le COM. Signature fin juillet du contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec l’Etat, qui garantit le fonctionnement et le développement (du groupe) pendant les 5 prochaines années. Jean-Luc Hees, le patron de Radio France, s’est « réjouit » d’avoir ainsi les moyens de ses ambitions (Newsletter de Cb News, 31août).

 OPDA, directeur de France Culture. En remplacement de Bruno Patino (transféré par la voie céleste des vases communiquant à France Télévisions), voici Olivier Poivre d’Arvor. Le « frère de Patrick », qui dirige depuis 1999, l’organisme Cultures France (?) le mérite sans doute ...

 
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Notes

[1Axel Springer, le fonds d’investissement Fondations Capital, et Orange « plutôt intéressé par les activités numériques du groupe et pourrait s’associer à un éventuel repreneur. » (Le Monde, 2 septembre)

[2Cependant, selon le SNJ-CGT, la fusion envisagée entre les rédactions ne serait plus « souhaitée » par la direction (Les Echos, 2 septembre)

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