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L’actualité des médias n°28 (5 juin au 2 septembre 04)

par William Salama,

Aucune trêve n’est venue rompre le train infernal de l’actualité médiatique.
Voici rappelés les principaux développements du modèle économique de l’audiovisuel, la presse écrite payante ou donnée et de l’édition.

1. Audiovisuel

 Secteur public / Television. Deux nouvelles ont réjoui Le Figaro Economie. Le 25 juillet : « La redevance sera adossée à la taxe d’habitation », et, le 28, « Le gouvernement tente de préserver l’audiovisuel public de la rigueur ».

Voici la méthode de préservation : « Le ministre de la communication a fait tout ce qui était en son pouvoir pour maintenir les engagements de l’Etat envers la télévision et la radio publiques... Soit une augmentation de 2 %... Cette augmentation ne résout pas pour autant l’équation étroite et compliquée de l’audiovisuel public... A Bercy, on continue de penser que seule l’ouverture de la publicité sur FranceTélévisions permettra de dégager les sommes nécessaires à son développement ».

On note par ailleurs les « départs » comme des signes à prendre en compte. S’ils sont plus apparents que le travail de sape des fondamentaux du service public, les commentaires du Monde (24 août) sont assez caractéristiques de cette mentalité. Ils se focalisent sur la prochaine fin de mandat de Marc Tessier et les problèmes d’audience des chaînes publiques qui expliqueraient à France 2, les démissions de Laurence Bachmann (directrice de la fiction de la 3, en avril dernier), et du directeur des programmes, François Tron.

Ajoutons les commentaires sur la mise à l’écart de Gérard Leclerc, rédacteur en chef du service politique et économique de France 2 et de Daniel Bilalian (Journal de 13 heures), que l’on ne plaint pas, et qui « ne comprend(s) pas » (L’Humanité, 18 juin). « Il faut redonner un peu de crédibilité et de vigueur au service politique  » lui rétorque Arlette Chabot qui reprend « France 2 en main  » (sic) - Le Figaro Economie du 22 juin. Voilà qui a le mérite d’être clair.

 Secteur public / Radio. Même stratégie d’endormissement ? A lire Jean-Paul Cluzel (PDG de Radio France) dans le Figaro du 11 juin, l’on craignait un massacre à la rentrée : « L’audience de France Inter était un "véritable problème" ». Mais la rentrée s’est déroulée, à la grande joie des médias, sans « bruit » ou sans « bouleversement de grille », de manière « fluide » et avec cet objectif peu effrayant de draguer les « jeunes » en gardant les vieux (Les Echos, 26 août).

L’audience des radios généralistes au deuxième trimestre rendue publique le 19 juillet montrait, il est vrai, un média de moins en moins attractif ; des généralistes et des thématiques à la peine ; des musicales qui en profitent.

Quant à France-Culture, L’Humanité constate que la nouvelle grille de rentrée sème le trouble, et cite la lettre ouverte de collaborateurs de chaîne publié ici même(23 juillet).

 Les héros du PAF : Nanisme et ambition). Nos « héros du PAF » sont des nains handicapés, selon Yves de Kerdrel des Echos (20 juillet). Cela commence par une lamentation libérale à faire pleurer dans les succursales des traders : « L’échec des négociations (Dasssault-Bouygues -ndrl) entre ces deux géants français des médias témoigne une nouvelle fois de la difficulté qu’ont les champions français de l’audiovisuel de trouver, dans leurs secteurs des opérations de croissance externe satisfaisante par le prix et la taille  ». Et l’éditorialiste d’analyser cet handicap en trois temps : l’excès de régulation, l’obligation de financer un tiers de la production cinématographique et les « guerres picrocholines », au sujet de la TNT (lire plus bas) jusqu’à l’affrontement des deux bouquets TPS (TF1et M6) et Canalsat.

 L’enjeu des chaînes thématiques. La dernière étude d’audience Mediacabsat l’indique : les petites chaînes du câble et du satellite sont de plus en plus regardées par les dépensiers 4-14 ans.

Or, peu importe que « sur 95 chaînes thématiques très peu soient rentables » selon Le Lay, patron de TF1 (Capital, juillet-août). Cela ne l’empêche évidemment pas d’en collecter, la dernière en date étant Match TV cédée par Lagardère et qu’il va fusionner avec Breizh TV, afin, dit Le Figaro Economie d’en « faire une minigénéraliste agressive qui se renforcera sur le câble et le satellite avant d’aller prendre place sur la TNT  » (1er septembre). Un investissement à moyen terme.

A noter, qu’un modèle se profile, celui des annonceurs diffuseurs. Ainsi le distributeur Carrefour rêve d’une chaîne télé (Le Figaro Économie du 12 juillet).

Bref, la feuille de route passe plus que jamais par la nécessité de contrôler la diffusion, les contenus (« demain, les médias offriront des contenus sur mesure » Les Echos du 5 août), et tout ce qui a un écran pour les faire converger et regarder : hertzien, TNT, câble, satellite, téléphones mobiles, ordinateur, télévision haute définition ...

 L’enjeu de la diffusion. Eurazeo - un fonds d’investissement de chez nous -, qui avait raté Editis, se venge sur Eutelsat, le 20 juillet. D’autres, Apax Partners, Apollo Management, Madison Dearborn Partners et Permira - ils s’y sont mis à 5 - ont ramassé l’opérateur de satellites américain Intelsat pour 5 milliards de dollars le18 août

« A l’exception notable du luxembourgeois SES Global, coté en Bourse, la plupart des grands opérateurs de satellites dans le monde sont contrôlés, ou en passe de l’être, par des investisseurs purement financiers », note platement Le Figaro Économie du 18 août .

On pourrait compléter par le câble : un autre fonds d’investissement, Cinven, est en lice pour France Télécom câble et NC Numéricâble (Les Echos, 10 août), tandis que News Corp, le bouquet de l’australien Rupert Murdoch a racheté Noos, au printemps dernier.

Nos grand groupes de médias ne sont pas en reste : M6 qui a amélioré de 10.2 % son résultat net au premier semestre, envisage tout comme Canal +, selon Les Echos, de se lancer dans la téléphonie mobile en tant qu’opérateur.

En ligne de mire : la convergence que permettra l’UMTS que testent nos opérateurs historique en France, alors qu’en Asie c’est déjà demain : « Musique et télévision débarquent sur les téléphones mobiles coréens » (Les Echos, 20 août).

  L’enjeu de la TNT. Au début de l’été, malgré un lancement annoncé en 2005, la guerre des ondes se radicalisait sur la norme de TVHD (Télévision Haute Définition) entre les pro-MPEG4 (TF1 et M6) et les pro-MPEG-2 (AB, Bolloré, et NR et Canal Plus qui ne la condamne pas sur le câble et le satellite, mais la juge inadaptée pour la télévision numérique terrestre).

Derrière la norme, une vraie lutte de territoire et de chiffonniers. En effet, les hertziennes de la TNT captent 80 % de la publicité (ce qui n’empêche pas Tavernost de réclamer une « seconde coupure publicitaire ») n’ont pas envie que les nouveaux entrants (Bolloré, Ab, NRJ) sur la plate-forme, basée dans un premier temps sur la gratuité, ne se servent dans leurs ressources.

Nicolas de Tavernost, Pdg de M6 est de ce point de vue très cadré dans ses arguments. A savoir, ne pas dévaloriser le modèle payant et « préserver les grands équilibres de la télévision en France ». Dans une interview donnée au Figaro Economie, le 3 juillet, il rappelait donc la loi du plus fort : nous sommes les plus rentables et nous investissons, pas eux, donc nous devons garder notre part du gâteau.

Mais, puisque la TNT est inéluctable, ces mouvements d’inerties pour la freiner se sont accompagnés d’un calcul à long terme consistant à promouvoir une norme qui, en 2006, obligera les foyers à s’équiper en décodeurs et en téléviseurs Haute Définition pour recevoir ces chaînes.

TF1 et M6 ont donc mis sur orbite un lobby adoubé par le ministre de l’industrie Patrick Devedjian. Baptisé le « HD Forum », il réunit - du producteur au consommateur - un panel complet de diffuseurs, fabricants et distributeurs intéressés par la TVHD : Darty, EutelSat, FNAC, Noos, Panasonic, Sharp...TDF, TF1, Thompson.

En face, d’autres lobbys sont apparus ou ont mué comme l’ACCeS qui s’est renommé pour intégrer l’ADSL et la TNT dans son action tandis que Marc Pallain, vice-président du directoire d’NRJ Group prenait la tête, le 27 juillet de la Coordination de la TNT (ex-« Association pour le lancement de la TNT »).

Le dossier devenait « explosif » selon Le Canard Enchaîné (21 juillet). Et Raffarin, le 23, souffla la mèche en faveur de la norme la plus populaire, le MPEG-2, en douchant au passage son sarkozien de ministre Devedjian, si peu rétif au lobbying de TF1.

Derniers épisodes de cette lutte ? La bataille des normes étant réglée, c’est au tour de la diffusion de freiner le processus - TF1 souhaitant conserver TDF alors que NRJ opte pour sa filiale Towercast (Le Figaro Economie, 22 août). Sans oublier la question de l’interopérabilité des décodeurs qui n’est pas tranchée et risque d’opposer TF1 et Canal Plus (Les Echos, 25 août).

 L’enjeu de la télévision locale. Ca manœuvre toujours et la fièvre montre que ce sera juteux : « Huit candidats pour une télé locale à Marseille » (Libération du 17 juin) ; « Un canal qui rend fada » (Télérama du 17 juin).

Fin juillet : le groupe France-Antilles/Comareg est entré dans le capital du groupe audiovisuel Antennes Locales à hauteur de 34%. Une structure détenue en partie par Berlys (le fonds d’investissement de Pierre Bergé et Yves-Saint Laurent). Le même Comareg s’apprête à lancer un gratuit (lire plus bas rubrique « gratuits »).

Sur ce sujet, lire ici-même « Alerte sur Marseille : les grosses pointures se lancent dans la télé locale ! »

 Déclarations. Patrick Le Lay : « Nous vendons du temps de cerveau humain disponible » ; le métier de TF1 « c’est d’aider Coca-Cola à vendre son produit ».
Ce dernier peu bien se foutre de l’émoi des médias suite à sa déclaration... Son cynisme est prolifique : une hausse des recettes publicitaires pour la chaîne de 6,9 % au deuxième semestre qui subliment son bénéfice au 17,3 % (Les Echos, 1er septembre)

 CII morte et ressuscitée. Mi-juillet, Michel Barnier (ministre des Affaires étrangères) remet en cause la chaîne d’information internationale, du fait de son absence de financement, puis la réanime, en la plaçant dans un coma prolongé, en demandant le 21 juillet de revoir son « périmètre ». La voilà ressuscitée depuis peu, sous la protection désormais de Donnedieu de Vabres (ministre de la Culture et de la Communication), grâce en partie à la magie de l’actualité : « Le rôle prépondérant que la chaîne qatarienne al-Jezira a joué dans la couverture de la prise d’otages des deux journalistes français en Irak a cruellement rappelé à la France toute l’importance que revêtent les chaînes d’informations internationales dans la guerre médiatique mondiale »(Le Figaro Economie, du 1er septembre).

Sans omettre une ire présidentielle que l’on suppose terrible à la lecture de ce recadrage vexé : « Imaginer que Michel Barnier entre en opposition sur ce sujet avec Jacques Chirac qui avait souhaité, dès février 2002, la création « d’une grande chaîne d’information internationale en français, capable de rivaliser avec la BBC ou CNN » serait une ineptie » [1].

  10 ans de LCI, en grand(e) (cirage de) pompe. À l’occasion de son dixième anniversaire en forme de plébiscite médiatique, La chaîne d’info de TF1 a régalé « le Tout Paris politique  » qui s’est « pressé » à la soirée au Centre Georges Pompidou à Paris (Sarkozy, sa femme, et Bernard Tapie qui donne aussi dans la comédie) - AFP du 22 juin.

Mais Jean-Claude Dassier (son DG) a su rester modeste - « nous sommes devenus incontournables » (France Soir du 22 juin) - en promettant de « nouveaux réseaux de diffusion pour accroître son audience » - Les Echos du 22 juin.

 Placements stratégiques. Lagardère investit en Pologne en prenant le contrôle de Radio Zet (23 août) et reste intéressé, en France, par les quatre réseaux MFM qui permettrait à son groupe de rivaliser avec la puissante NRJ sans dépasser le seuil encore légal de concentration des 150 millions d’habitants arrosables de pubs et de sous-produits sonores des maisons de disques (Les Échos du 19 août).

Sur la TNT Philippe Labro, conseiller pour les médias du groupe Bolloré présidera la chaîne Direct 8 (du groupe ... Bolloré).

TF1 embauche madame Douste-Blazy, la productrice Dominique Cantien (Le Canard Enchaîné, 25 août). Elle n’a pas pu refuser car « on dit rarement non à Tf1 » - sic et CQFD.

2- Presse écrite

 Le pluralisme a besoin de Dassault. Il y eut comme un réveil tardif, le 18 juin, date à laquelle Serge Dassault, président du groupe aéronautique indique sur la radio BFM que son groupe « vendra les journaux qui perdent de l’argent » (près 1700 emplois menacés dans la presse, selon la CGT).

Premier tollé : les médias, dont Libération, crient enfin au loup, mais après qu’il soit entré dans la bergerie et s’apprête à bouffer tout le monde. Même au Figaro un texte sur l’indépendance est émis.

9 juillet, Le Figaro : « Serge Dassault devient président de la Socpresse », avec un invité surprise : le groupe Bouygues qui envisage d’entrer dans le capital de l’avionneur.

Deuxième tollé : Libération du 9 juillet : « Deux mastodontes pour un monopole sur l’info, Main basse sur la pub, Les télés locales à la merci de TF1, Des machines de pouvoir au service de la droite ».

La réplique des Echos ? Pragmatique : « L’arrivée de Bouygues et TF1 ne devrait pas poser de problèmes de concentration  ». Et l’absolution du ministre Donnedieu de Vabres à l’Assemblée Nationale ? Limpide : « le pluralisme a besoin de moyens financiers pour être une réalité concrète ».

Mais le 19 juillet Bouygues et TF1 rompent les négociations avec le groupe Dassault. Tant pis pour le pluralisme, la peur de la perte de pouvoir personnelle l’a emporté : « A la dernière minute, Serge Dassault a fait capoter la négociation sur un point précis : les droits de préemption. Leur application, dans la version prévue, aurait pu permettre au groupe Bouygues d’acquérir en moins de deux ans, 35 % du capital, c’est à dire la minorité de blocage » (Le Canard Enchaîné, 13juillet).

Du coup, ne sachant certainement pas quoi faire de son argent, (« faute d’opportunité d’investissement »), Bouygues annonçait, le 26 juillet, qu’il reverserait 1,7 milliard à ses actionnaires.

 La droite n’a plus besoin de la presse Dassault ? Dans « La vérité sur la presse », article paru dans son Marianne du 24 juillet, Jean-François Kahn n’a peut-être pas tort lorsqu’il émet l’idée que « Dassault n’est pas pire qu’Hersant ... Le mégagroupe... est beaucoup moins influent idéologiquement et politiquement que celui qui s’est constitué autour du Monde avec Télérama, la Vie, le Nouvel Observateur, Courrier international, des quotidiens régionaux, etc. ... Le groupe Hachette-Filipacchi, également propriété d’un marchand d’armes lié au pouvoir en place, réalise un chiffre d’affaires plus important que la Socpresse, et Prisma Presse, succursale de l’allemand Bertelsmann (Géo, Femme actuelle, Capital, Voici, Gala, etc.), diffuse plus d’exemplaires cumulés (6,3 millions), tandis que le groupe Emap-Excelsior, à capitaux britanniques, n’est pas très loin du groupe Dassault. ».

En effet, dans le confortable emplacement « Analyses » du Monde (17 août), à propos du « très gros contrat » d’achat d’avions Rafale (3 milliards d’euros) par l’Etat Chirac concédé à Dassault, on peut lire : « Un mois après le rachat par Serge Dassault de la Socpresse (qui compte 70 titres dont Le Figaro, L’Express, La Voix du Nord, Le Progrès, Le Dauphiné libéré, Presse Océan...), sans doute y a-t-il dans ce contrat plus qu’une coïncidence. “ C’est une sucette pour neutraliser la presse Dassault et pour qu’elle ne tombe pas dans le "sarkozysme"", assure un grand patron qui connaît le dossier. » CQFD.

Autre élément à ajouter à ce dossier médiatico-politique : selon Capital de septembre, Martin Bouygues et Sarkozy sont à tu et à toi, se téléphonant chaque jour, étant témoins de mariages, et parrains des rejetons, etc. Une « proximité qui dérange Jacques Chirac persuadé que TF1 soutient son rival ».

Le rapport de Sarkozy avec les patrons a décidément un pouvoir de fascination assez confondant, puisque, après Capital, Le Point traite le même sujet et ajoute également une proximité avec Dassault (26 août).

Le journaliste Patrick Bonnazza ne se rend même plus compte de sa complaisance quand il écrit : « Fan, il n’en fait pas mystère, au risque d’irriter l’Elysée, qui redoute que Serge ne quitte son orbite ».Ou quand il cite Lagardère : « Nicolas n’est pas qu’une force de caractère, c’est aussi une vison, un projet pour le pays » ...

 Le pluralisme a-t-il encore besoin de France-Soir ? A peine la reprise de France-Soir par un promoteur immobilier est-elle annoncée le 19 juillet, que Libération sent « l’embrouille » (20 juillet). A raison. Le 25 juillet, le personnel déclenche le droit d’alerte, et le 1er août, en s’abstenant de vote lors du CE qui devait avaliser la cession, il la fait annuler. Car le promoteur ne se pointera jamais, et du coup le gérant italien Presse Alliance restant propriétaire annonce la mise en place d’un « projet opérationnel » de réduction des coûts pour octobre... Bref, France-Soir va encore virer parmi ses 100 employés dont... 60 journalistes.

Le 14 août, Le Monde offrait une tribune à Christian Gourdet délégué syndical CGT du journal. Dans « Et si on sauvait France-Soir ? », il lance un appel désespéré, à la pluralité (décidément), la déontologie et à l’emploi : « Leur modèle (à Presse Alliance), c’est Nike. Faire fabriquer les chaussures par des petites mains de Singapour ou de quelque endroit mal identifié du tiers-monde, et se contenter d’exploiter la marque. Et l’info dans tout ça, et le travail de journaliste, et l’investigation, et l’enquête, et l’analyse, et (oh ! le gros mot) la déontologie, direz-vous ? Décidément, vous ne comprenez rien à l’économie moderne. »

De fait, si l’intersyndicale en appelle à Raffarin (Libération, 11 août), l’écho ne répond pas. Deux poids, deux mesures : on se souviendra une fois de plus du cynisme du ministre Donnedieu de Vabres donnant son axiome du libéralisme à l’Assemblée Nationale : « le pluralisme a besoin de moyens financiers pour être une réalité concrète ».

Jean-François Kahn (encore lui...), qui s’aime en chevalier blanc de la lutte pour le pluralisme, note : « En ce qui nous (Marianne - ndlr) concerne, au nom de notre combat en faveur du pluralisme, nous avons concrètement offert notre aide à France-Soir... Mais ce que nous ne pouvons pas faire, c’est nous substituer à une direction qui se suicide, ou suppléer à une profession qui s’en fout » (20 août).

Vraisemblablement sourde à cette offre, une « partie de la rédaction » de France-Soir s’est résolue à passer une petite annonce dans ... Libération le 30 août indiquant qu’elle cherchait un repreneur.

 Amabilités entre France-Soir et Le Monde. N’y voir aucun rapport ? France-Soir au lendemain (15 août) de la tribune de Christian Gourdet dans Le Monde fait un rappel une seconde fois [2] de cette histoire peu glorieuse : « sur le chantier du futur siège du journal Le Monde, des immigrés travaillent dans des conditions proches de l’esclavage ».

 Crédibilité des médias - sondage BVA. Thème de la mutique université d’été d’Hourtin, et, l’objet d’un sondage proposé comme il se doit par Libération (23 août), son partenaire. Une étude de plus, sans surprise, qui prétend montrer que nous autres, Français, sommes très « partagés sur la qualité du travail journalistique  ».

Exemple imparable : « Les Français sont critiques sur les traitement des événements qui se sont déroulés (et ont été relatés ») en France (RER D procès Outreau) et méfiants sur les traitement des attentats à Madrid et sur le débat sur l’existence en Irak d’armes ». Ah.

Détail amusant, à ce stade, le sondage a été effectué « juste après un événement peu flatteur pour la presse écrite : la fausse agression du RER D ». Autre cocasserie : on note que la télévision arrive en tête du média le plus crédible (28 %) et que la presse quotidienne tombe en un an de 41 à 27 %. Ce qui tombe, c’est le cas de le redire, mal pour Libération, quotidien national, qui face à l’insoutenable vérité, offre en guise d’autocritique sa mauvaise foi : « Que ce jugement soit justifié ou non, au moins dans ces derniers cas, tout se passe comme si la méfiance globale de l’opinion vis-à-vis des médias l’emportait sur une appréciation au cas par cas du traitement des événements. » ...
(Lire aussi L’arroseur arrosé (1) : le "baromètre" sur les Français et les médias).

  Lancements. Chez HFM (écurie Lagardère) : Elle girl et Elle à Paris sortent leur 2ème numéro les 4 octobre et 2 novembre prochains

Bayard Presse lance Muze, mensuel culturel pour les jeunes femmes sur les thématiques « culture, allure, littérature » (sic). Le tirage initial est de 100.000 exemplaires mais ils seront contents avec 45.00 vendus.

Le Journal de la Maison lance un « magalogue » tiré à 150 000 exemplaires.

La Comareg (groupe France Antilles) lance un hebdomadaire gratuit à Paris en septembre : 40 pages de vraie publicité et 16 pages de rédactionnel pour inciter à consommer (Paru Vendu).

3. Edition

 Editis édite et « Hachette achète ». Le 3 août [3], Bruxelles donnait son feu vert au rachat par Wendel Investissement de 60 % d’Editis faisant donc de Seillière le numéro deux de l’édition française (573 millions d’euros de chiffres d’affaires).
Le groupe devrait disposer, sur trois ans, d’une capacité d’investissement de 300 millions d’euros » (« Hachette achète », Libération, 26 août).

 Rentrée littéraire, le cauchemar des libraires, le ras-le-bol des critiques. Rentrée ou plutôt « La ventrée » selon l’horrible titre de France-Soir du 19 août qui interroge Janine Brémond : « Quand Wendel a racheté Editis, il a tout de suite annoncé qu’il fallait augmenter les taux de profits à 20 %. Du jamais vu dans l’édition ».

De la littérature et/ou des produits qui ne seront jamais lus à temps par ces pauvres critiques à plaindre parmi les 1333 livres dont 661 romans qui sortent cette année, une véritable loterie accompagnée d’une érosion de marges de 5 % (La Tribune, 26 août) qui sera certainement compensée, comme le veut l’usage, par l’augmentation de celles des poches (20 %) et des manuels scolaires (30 %).
L’Expansion du 26 août annonce pompeusement « La révolution culturelle » et dénonce les « nouveaux boss », « la disparition des lecteurs », et « l’arrivée du marketing - un business à la fois rentable et affolé  ».

Mais tous les médias sont d’accord sur ces points. Et leur constat, comme de coutume, ne fait que valider l’état de fait.

4. Et pour finir...

 Fox News. Une enquête en profondeur sur la chaîne d’info américaine la plus controversée http://www.outfoxed.org/

 TV réalité. Une analyse fine et dénonciatrice du pouvoir de l’argent et de la dogmatisation de la compétition, par le cinéaste Robert Guédiguian « Vive la télévision ! » Le Monde, du 10 août : « Dans "Star Academy", comme dans toutes les émissions de ce genre, il s’agit, à l’inverse, de berner, d’abuser, de manipuler le public... De l’assujettir en lui faisant croire que la réalité représentée est la réalité elle-même. »

 Journaux alternatifs. “Les vrais gens de la vraie vie” dans les médias, ça existe. Revue de détails de ces Journaux alternatifs, indépendants et libres dans le Monde Diplomatique de septembre. L’article qui va avec signé Philippe Descamps, journaliste à Grenoble, s’intitule : « Les petites voix de la dissidence ».

 
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Notes

[1« Même sans " sa " chaîne d’information internationale, la France est présente dans le paysage audiovisuel international. Mais en ordre dispersé » rappelle L’Humanité (20 août) en balayant les RFI et consorts dans « les voix de la France ».

[2Autour du 12 août chaque quotidien dont France-Soir a évoqué cette affaire où l’on retrouve d’ailleurs Bouygues (« encore hors la loi » ?) se demande L’Humanité, 12 août).

[3Le même jour son désormais rival, Hachette (avec 1,3 milliards de chiffre d’affaires) fait son shopping outre-Manche et s’offre Hodder Headline.

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