« C’est fini », bien que l’histoire continue. Il est vrai que la machine à produire du sens qu’est la presse, est restée plutôt unidirectionnelle. Le feuilleton est la seule chose qui importait pendant des mois. Tous les ingrédients étaient présents : les bons et les mauvais dans tous les secteurs sauf les médias ; les relations tumultueuses au sein des gouvernements ; les ingérences fédérales ; l’arrivée des policiers allemands. Bref, tout était prêt pour appliquer au mieux les enseignements des sections journalismes des universités et d’ailleurs : « Racontez une histoire. Si les choses deviennent compliquées utilisez des métaphores qui parlent ou imitez par exemple les fables de La Fontaine. »
La presse romande, à l’image de 24 Heures, a au moins retenu la morale du renard et du corbeau. Sachez que tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute. Elle a donc mis en scène autant les représentants des gouvernements, des partis de tout bord et des nouvelles figures des mouvements alter-mondialistes en phase d’institutionnalisation qui composent l’essentiel de leur fond de roulement, mais aussi les forces de l’ordre et les casseurs, qui assurent toujours la partie spectaculaire et qui contribuent à restreindre la place potentielle des débats de fonds.
En guise de bilan et pour faire amende honorable, 24 Heures convoque un sociologue de l’Université de Lausanne pour nous révéler ce que nous étions à cent lieues d’imaginer : « Il fallait que ça tourne mal. » Ah ! Oui ! Et pourquoi ? « Parce qu’elle était particulièrement calme, cette première manifestation [jeudi] anti-G8 a provoqué des réorientations stratégiques des uns et des autres. D’abord de la part des médias : le fait d’avoir annoncé une catastrophe imminente et de voir que cela ne se produisait pas encore a amené la presse à nuancer ses propos. » Lui aussi connaît bien la morale de La Fontaine et nous ne pensons pas que la presse se passe de sitôt de ces propos que par ailleurs nous entendions dans tous les cafés lausannois.
La réalité, au risque de vous déplaire, c’est que toutes les pages que vous pourrez lire dans la presse - et y compris celle-ci puisqu’elle est une critique des premières - ne parle pas du fond des problèmes, à savoir l’exploitation d’une majorité par une minorité, les impérialismes des membres du G8, l’intensification des pressions faites sur les environnements sociaux et naturels. Nous nous voyons contraint de vous renvoyer vers d’autres genres littéraires, mais si vous aimez les romans, de grâce achetez des romans.
Roger Raemy