France 2, le 29 mai, au journal de 13 heures.
Daniel Bilalian ouvre la « séquence » consacrée au G8 en annonçant qu’Evian est « transformé en véritable camp retranché, en chaîne : Parallèlement, j’allais dire, en face de ce sommet du G8, les antimondialistes ou plutôt, comme ils s’appellent eux-mêmes, les altermondialistes, c’est-à-dire qui proposent une alternative à notre système économique, ceux préparent eux aussi à ce sommet, en parallèle donc (..) Au moins 30000 participants (...) en marge donc du G8 ».
« En parallèle », « en marge », « j’allais dire en face » : on se demande, sans doute en vain, à quoi tend cette insistance. Reste l’effort de précision terminologique. « Antimondialistes », les antimondialisation » : ces vocables n’ont jamais été ceux du mouvement qui s’oppose à la mondialisation libérale. En forçant les journalistes à changer parfois de vocable, ils ont remporté une petit victoire symbolique. Victoire inégale et précaire. On peut entendre sur la même chaîne, indifféremment et en alternance, « antimondialiste » ou altermondialiste ». Claire Chazal, sur TF1, garde un faible pour anti-mondialisation, mais, sur la même chaîne Michel Scott opte pour altermondialiste.
Mais revenons à France 2 le 29 mai, au journal de 13 heures. Nathalie Moisan propose un reportage où l’on voit et entend Christophe Aguitton au cours d’un réunion préparatoire : « se « l’équipe politique qui pilote le contre G8 achève l’organisation des manifestations du week-end ». Quelques phrases d’Antoine Boulangé (Agir contre la guerre) permettent fugitivement de se faire une vague idée des objectifs. Transition : « Georges Bush et Jacques Chirac, prisonniers du capitalisme, c’est l’autre image de ce contre-sommet. Cette fois, nous nous trouvons à Annemasse » où les ONG préparent quatre jours de débat. Bernard Pinaud explique brièvement leur sens. Deux participantes témoignent : elles osent venues « pour imaginer, disent-elles, un monde plus juste. »
C’est le meilleur reportage que l’on ait pu voir jusqu’à présent... C’est assez dire la tyrannie exercée par les formats de reportage d’1 mn 30 maximum : tenter de tout dire en si peu de temps, c’est inévitablement ne pas dire grand-chose et mêler, récit d’ambiance, évocation de personnages, informations factuelles et explications, au risque de ne plus entendre grand-chose de ces dernières.
Sur France 3, le 29 mai, dans « le 19/20 ».
Même type de reportage, centré sur l’atmosphère et mêlant plus encore que le précédent l’anecdote et le sens. . « Les premiers manifestant sont arrivés dans une ambiance plutôt bon enfant. ». Dans la langue automatique du journalisme, l’ « ambiance bon enfant » renvoie à son contraire redouté : : « violent », « agressif ». Un petit parfum de soulagement et de sympathie plus ou moins affecte. Surtout quand les images qui suivent décrivent un groupe de manifestants allemands qui descendent une rose à la main, pour témoigner de leurs intentions pacifiques, comme le confirment les brefs propos soutirés à deux d’entre eux.
Tout se passe bien ; « les autorités suisses se sont montrées efficaces ». Passons à Annemasse, au « village intergalactique ». Là aussi, inutile de le dire, l’atmosphère est « bon enfant. »
Vient alors le moment de parler du sommet pour un autre monde : « quelques phrases de Gustave Massiah explique clairement les enjeux ... en 15 secondes exactement. Et cette conclusion apaisante et apaisée : « « Evian ne sera pas Gênes. L’anti-G8 veut bannir toutes les violences. Comme on a parlé un peu de tout, ce qui en ressort ? Presque rien. Et une fois encore, on ne sait s’il faut l’imputer aux reporters ou aux contraintes du « format ».
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TF1, 29 mai, au journal de 20 heures.
Parmi les titre celui-ci : « Depuis minuit, Evian et sa région et sa région sont déclarés « Zone d’exception. Le contre-sommet pour un autre monde s’est ouvert ». L’ordre n’est pas anodin.
Premier reportage : « A Evian, le compte à rebours a commencé ». On s’attarde longuement sur les plongeurs, les hélicoptères, les motards et les vérifications : l’usage et la distribution de badges, le centre ville désert. Et l’on conclut sur les 26 barrages dressés autour de la ville.
A toute vitesse, sur quelques images, un information : le « Sommet pour un autre monde qui regroupe tous les antimondialisation s’est ouvert ». « Dans le calme ». Ouf ! Et l’on enchaîne :
Un rapide sujet sur la manifestation de Lausanne, dont on retiendra que les manifestants « ont défilé, là encore, dans une ambiance plutôt calme ». 5000 personnes « ont donné le coup d’envoi ». Et pour finir : « Aucun incident en début de soirée n’avait été signalé »
Mais précision imprécise du présentateur : « Depuis que ce reportage nous est parvenu, des heurs... »
Nouveau sujet : sur l’arrivée de 1000 manifestants en provenance d’Allemagne. Ouverture du commentaire : « Ils ont tout juste passé l’âge des colonies de vacances, et pourtant leur expédition y ressemble ». Et le reportage de nous offrir quelques scènes du voyage en train : « les premières idées fusent » Quelques bribes de discours alternatif dans la bouche d’un participant. Suivi aussitôt sur le réveil provoqué par les manifestants qui ont pris le train en gare de Cologne. Une information d’importance, accompagnée de cette précision utile : « Pas de qyuoi perturber les organisateurs, réfugiés dans la voiture de queue. Ils réfléchissent aux moyens d’action ». Ah bon !
Bref : « Un contre-sommet pacifique pour faire oublier les incidents de Gênes et de Nice
France 3, le « 12-14, 30 mai.
Introduction sur la mobilisation policière et ... les risques sanitaires, pour « lancer » un reportage de Christophe Nardoni, devenu - à sa demande ou sur commande, on ne sait - grand spécialiste des questions sécuritaires et sanitaires : des camps d’entraînement de CRS en Dordogne aux dispositifs de sécurité autour du lac. Ce qui nous vaut un « sujet » qui égrène des informations sur : la mobilisation des équipes de la Croix-Rouge, la tente dressée sur le parking de l’Hôpital, la préparation du service des urgences (et 2 brefs entretiens), sur le centre de transfusion sanguine ... et sur la météo.
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TF1, 13h, 30 mai.
Jean-Pierre Pernaut ouvre le journal sur les nouvelles de la météo : temps ensoleillé qui nous vaut un reportage à Malo-les-bains, où il fait beau aussi et où les gens sont content qu’il fasse beau. Deuxième temps fort du journal : le dernier décollage du Concorde à Roissy. Beaucoup d’émotion, évidemment. Et après ces informations qui alternent Météo-la-joie et Concorde-la-tristesse, nouvelle séquence : G8 et contre G8.
D’abord à Evian. Un reportage entièrement dédié à la sécurité du sommet. 16 000 hommes en armes pour assurer la sécurité. Et cet aveu : « Evian devenu camp retranché, on l’a vu toute la semaine, ... » On a vu, en effet.
Passons à Genève. Un reportage de Miche Scott. Rapide compte-rendu du rassemblement du jour, assorti d’un commentaire de Christophe Aguitton qui se félicite de l’attitude des forces de police, sans se douter du sens que revêtent ses propos dans el contexte où ils on montré..
« Face à face tendu » avec les forces de police.
Il est temps de passer au « sujet » suivant. A Saint-Pétersbourg....
France 3 19/20, 30 mai
Un reportage de Claude Guéraud sur le contre-sommet à Annemasse. Où s’enchaînent de brèves déclarations de Jean Ziegler, Suzan Georges, José Bové.
Un tel reportage ferait presque oublier celui du « 12-14 » dédié à la sécurité sanitaire. Il pourrait presque faire croire qu’un espace est ménagé à la « contestation ». On se surprend même à penser que le journaliste a convenablement fait son travail. Mais d’où vient alors le sentiment que cet ilot d’1 mn 30, cerné de reportages sécuritaires et anecdotiques contribue à épaissir la bouillie informe de l’information télévisée ?
France 2, 13 heures, 31 mai.
Un correspondant nous écrit :
« Je viens de voir le JT de France 2. Un seul reportage sur le G8 : consacré à une simulation de CRS et "leurs nouvelles techniques", "une nouvelle arme dissuasive" : un projectile antipersonnel moins nocif que les flashball. Une parole de CRS est insérée dans le reportage : "c’est un métier d’hommes, les gars" et le journaliste (je crois que c’est Michael Darmon) de commenter : "oui, un métier d’hommes". Etc... »
France 2, 20 heures, 31 mai.
Pour Béatrice Schönberg, la cause est entendue : les « casseurs » se sont affrontés avec le service d’ordre du Parti socialiste et avec la police pour empêcher la venue de M. Hollande. Quoi qu’on pense des événements, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette version est plutôt... Comment dire : simplifiée ou caricaturale ?
A suivre...