Accueil > Critiques > (...) > 2002 : Le Forum social européen de Florence

Les médias et le Forum social européen

France 2 et France 3 : service minimum sur le service public

par Henri Maler,

Manifestement, il n’entre pas dans les " missions du Service public " de rendre compte des débats européens, quand ils se mènent en l’absence des gouvernements, en dehors des partis politiques installés et des institutions officielles. Une fois oublié le Forum proprement dit, voici ce qui reste.

I. Avant la manifestation : le service public est en panne

Jeudi 7 novembre, 19-20 de France 3 et 20 heures de France 2 : pas une phrase, pas un mot.

Vendredi 8 novembre, 12-14 de France 3 et 13 heures de France 2 : pas une phrase, pas un mot.

France 2 et France 3 sont des chaînes " de service public ". C’est sans doute la raison pour laquelle pas un mot n’a été consacré au Forum pendant deux jours. Il est vrai que de graves accidents de la route ont mobilisé la rédaction autour de David Pujadas et que " la question du jour " à treize heures concernait ... les risques de thromboses dans les transports aériens.

Vendredi 8 novembre, en soirée

Le 19-20 de France 3 accorde une large place à " l’actualité internationale ", mais ne dit pas un mot sur le Forum Social Européen.

Il n’en va pas de même au journal de France 2 de 20 heures, présenté par Béatrice Schönberg.

Sur des images non identifiées (ni date, ni circonstances) qui montre une échauffourée avec des forces de police, ce commentaire :

" En Italie, la ville de Florence avant la grande manifestation de demain lors du Forum Social Européen. La ville est quadrillée par les forces de police. Cette ville-musée est désertée par les touristes. Au moins 300 0000 sympathisants antimondialisation sont attendus pour une grande marche pacifiste. Et que se passe-t-il à la frontière franco-allemande. Des forces de l’ordre ont été déployées des deux côtés pour contrôler l’arrivée éventuelle de cars se dirigeant vers Florence. Une opération pour l’instant très préventive. "

Suit alors l’annonce d’un reportage, que l’on ne verra pas : " Apparemment nous avons un petit problème avec ce sujet qu’on verra sans doute un peu plus tard ". Qu’importe. Béatrice Schonberg enchaîne sur le " sujet " suivant : les avortements provoqués par l’oubli de la pilule.

Echantillon exemplaire d’écriture automatique ou d’inconscient journalistique : Béatrice Schönberg fait parler la ville-musée et les forces de police. Le reste ? Elle ne connaît pas...

II. Après la manifestation : le service public a vu la manif’

Samedi 9 novembre

Sur France 3, le 19-20 s’ouvre sur ... " la saisie de cocaïne en plein Paris ". Suit une séquence - plutôt correcte - sur les réfugiés de Calais. A quoi succèdent des " sujets " sur l’enquête sur l’attentat de Djerba, la " question irakienne ", une attaque israélienne en Palestine. Le journal est commencé depuis près de 10 minutes quand vient le reportage sur la manifestation de Florence.

A peine plus de 2 mn. D’abord pour annoncer : " Non à la guerre contre l’Irak. Plusieurs centaines de milliers d’antimondialistes [sic] ont brandi [re-sic] ce slogan ". Ensuite pour diffuser un reportage qui chiffre " entre 400 000 et 1 million " le nombre des manifestants, souligne " une ambiance très pacifiste, très ’Peace and Love’ des années 70 ", donne la parole à un manifestant polonais et un manifestant colombien (un aperçu de la dimension internationale du Forum) et insiste à nouveau sur l’absence d’incidents : " A Florence, la manifestation fut festive ". Point final.

Su France 2, Béatrice Schôonberg ouvre le journal sur ce titre " Plus de 400 000 manifestants dans les rues de Florence. Une grande marche pacifiste soudée (...) ".

Et Béatrice Schôonberg de s’octroyer 35 secondes (sur les 2 mn que durera la séquence) pour nous apprendre la nouvelle : " Une mobilisation inattendue (...) Pas d’incidents pour l’instant (...) " . Et ceci : " Quadrillé par d’importantes forces de l’ordre pour éviter que se produisent les tragiques incidents de Gênes, le cortège déambule depuis cet après-midi dans la ville historique (...) ".

Le non-dit (mais est-ce intentionnel ? L’inconscient est très bavard sur le petit écran...) : l’absence d’incident est dû au quadrillage effectué par les forces police. Et les tragiques incidents de Gênes sont d’origine inconnue.

Suit alors un reportage d’Isabelle Saes qui rappelle les objectifs de la manifestation, met en valeur une " ambiance de fête ", et donne la parole à trois manifestants.

Les reportages sur la manifestation proposés sur France 2 et France 3, sans doute routiniers dans leur construction, étaient loin d’être indécents. Au contraire. Et cependant indigents.

Questions lancinantes proposées à la critique : est-ce au talent des reporters que l’on doit qu’ils soient honorables en dépit de leur brièveté ? Est-ce au format ou au format imposé (2 mn maxi) que l’on doit leur pauvreté ? D’où vient que le pire n’est jamais sûr, mais seulement probable ?

En tout cas, sur le service public, c’est toujours le service minimum.

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

A la une