En ce mardi 21 mai, les principales « unes » de la PQR avaient comme un air de famille.
Que ce soit à l’Est :
… au Sud :
… au Nord :
… ou à l’Ouest :
À croire que Macron aurait organisé un huis-clos en compagnie des plus hauts dignitaires de la PQR !
Et de fait : le 20 mai, soit la veille de la publication de ces « unes » historiques, une poignée de journalistes issus des principaux titres de la presse régionale étaient en effet conviés à l’Élysée pour réaliser un entretien avec le Président. Un dispositif particulièrement contraint que résume le rédacteur en chef de La Voix du Nord :
Une interview d’une heure trente, encadrée de façon inédite puisque les participants devaient s’engager à coécrire sur place une version unique des réponses présidentielles, puis à la soumettre à la relecture de l’Élysée avant toute publication du texte validé.
Le quotidien ne s’est pas présenté [1], pas plus que Le Télégramme, dont le directeur de l’information s’est exprimé sur Twitter :
Mais comme on l’a vu, ils ne furent qu’une minorité de récalcitrants [2], dont l’effronterie n’eut d’égal que la servilité du Parisien qui, une fois de plus, remporte la palme :
Avec un nouveau prix pour la mise en scène photographique et le sens aigu de la titraille (ceci est un montage) :
À moins que le grand vainqueur ne soit cette fois-ci le groupe La Montagne Centre France, propriété de la fondation Varenne, qui n’a pas lésiné sur les moyens (privilège de la concentration) :
Vous avez dit misère du journalisme ?
Il faut dire que le Président aurait tort de se priver : au vu du nombre de relais journalistiques disposés à répondre favorablement à sa proposition, cette opération de communication, comme toutes celles qui ont précédé, s’est avérée parfaitement rentable. Selon Le Monde, Emmanuel Macron a ainsi « négocié cet entretien consacré à l’Europe avec le Syndicat de la presse quotidienne régionale », regroupant les principaux groupes de presse entre les mains desquels se concentre l’immense majorité des titres régionaux [3]. Un syndicat présidé depuis 2018 par Jean-Michel Baylet [4], qui apporta son soutien à Emmanuel Macron lors de la dernière présidentielle [5] et qui demeure PDG du groupe La Dépêche dirigé… en famille :
Elle est pas belle la vie ?
Le pluralisme sous Macron, ce fut d’abord le quadrillage des « unes » de la presse écrite généraliste et people, des mois avant la présidentielle de 2017 [6]. Le pluralisme sous Macron, ce fut ensuite la circulation circulaire permanente de la communication entre politiques et journalistes, où les plus serviles parmi les seconds ont rabâché la « pédagogie » des premiers, martelé la nécessité de leurs « réformes », relayé la primeur de leur « cap » politique. Le pluralisme sous Macron, c’est évidemment les quatre chaînes d’information en continu nationales, branchées des heures entières sur les épisodes successifs du « grand débat ». Ou le traitement médiatique des gilets jaunes. Le pluralisme sous Macron, c’est enfin un temps d’antenne démesurément supérieur accordé à LREM au regard de la plupart des autres partis dans la campagne pour les élections européennes. Ceci à la faveur de critères pour le moins alambiqués, entérinés dans une loi de juin 2018 qui fait suite à une proposition formulée par le parti En Marche ! lui-même dès les législatives de 2017 [7]. Le pluralisme sous Macron, c’est en définitive la mascarade incarnée par ce nouvel entretien, dont on raconte qu’il fut « accordé » à la presse quotidienne régionale, quand tout porte à croire que l’opération de communication fut allègrement co-fabriquée.
Mais on viendra nous dire que le suivisme des médias français ne pose aucun problème à la « démocratie ».
Pauline Perrenot