Accueil > Critiques > (...) > Télévisions publiques : sous le règne de Sarkozy

Et maintenant ? (sur le démantèlement de l’audiovisuel public, SNJ-CGT et SNRT-CGT)

Nous publions ci-dessous un communiqué du SNJ-CGT et du SNRT-CGT (Acrimed).

Le président de la république a donné la consigne sur le dossier de l’audiovisuel public. Comme pour la fonction publique, les 35H, les retraites, ce sera celle de la casse. Mais fallait-il s’en étonner lorsque que ce dernier prévenait qu’il fallait dans ce secteur « des groupes privés puissants » et prévoyait pour y parvenir le transfert massif des recettes publicitaires du public dans le privé ?

Naissance d’un nain audiovisuel

Cette orientation repose sur des choix économiques et politiques fondamentaux pour M. Sarkozy. De toute évidence, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour aider à la constitution de groupes audiovisuels privés « de dimension internationale » comme il l’a dit à l’Intersyndicale et répété dans son entretien au Monde du 17 juillet.

Dans ce cadre, le rôle et la place du service public dans l’économie du secteur audiovisuel se doivent d’être réduits. Le choix du président engage donc la télévision publique dans une stratégie de miniaturisation économique. Par conséquent, ce qui guette France Télévisions c’est le sur place. En effet, pendant que les chaînes privées conforteront leur chiffre d’affaires leur permettant l’achat de programmes innovants, France télévisions mettra toute son énergie et son savoir faire à la gestion « quotidienne » des économies.

Rediffusions, productions au rabais, diffusion de sports confidentiels seront de rigueur. Résultat ? Un boulevard d’audience pour le privé qui réunira toutes les conditions économiques pour se développer à grande échelle, une impasse pour le public qui stagnera dans sa dimension minimale.

Quel avenir sans moyens financiers ?

Pour la CGT, contrairement aux déclarations « à l’euro l’euro » du président de la République et de certains ministres, le compte n’y est pas. Non seulement ces annonces font abstraction de la réalité financière des entreprises qui composent France télévisions mais au delà elles ignorent les moyens nécessaires à la continuité de ses missions.

Ainsi, comment ne pas se poser la question de l’évolution des coûts de grille lorsque l’on sait que celle ci dépasse largement celle du coût de la vie. Que peuvent valoir ces assurances qui défient la loi du marché ? Doit-on croire qu’elles arrêteront l’inflation des programmes parce que la télévision publique sera subitement financée par de l’argent public ?

Qui peut être assez naïf pour imaginer que l’arrivée de nouveaux entrants aussi puissants que les opérateurs télécoms (100 fois plus de cash flow que les chaînes publiques) auront un effet neutre sur le coût des grilles de programmes ? Le marché du foot en 2008 et la guerre entre Orange et Canal n’est elle pas assez parlante ?

Danger imminent

L’autre danger pour France télévisions, c’est la perte de recettes publicitaires dès 2008. L’addition de la seconde coupure, de l’heure d’horloge et de l’augmentation du volume horaire de 6 à 9 minutes vont permettre à TF1 et M6 d’engranger jusqu’à 40% de recettes publicitaire supplémentaire.

Comble d’ironie, cette position hégémonique permettra aussi aux chaînes privées de casser les prix pendant la journée, au moment où France télévision aura le droit de conserver ses écrans de publicité à partir de 2009 avant 20H.

A cela, s’ajoutent les 140 M€ d’économies en internes que France télévisions devra s’imposer chaque année... Autant de facteurs paralysants qui mettront les chaînes publiques dans des situations schizophréniques.

La magie du « global média »

Face à ce chambardement financier, économique et social, le « global média » sera-t-il le nouvel eldorado sinon la planche de salut de la télévision publique à la française ? D’ores et déjà, séminaires évangéliques et colloques d’auto persuasion sont organisés aux quatre coins du groupe.

Mais le global média, dans un modèle économique des plus étriqué, ne risque-t-il pas de se réduire à un recentrage sur l’info inter chaînes et à l’abandon des programmes régionaux pour France 3 et RFO ? Ces dernières ne risquent-elles pas d’être réduites au rôle de simples diffuseurs ? Est-ce un hasard si la commission Copé a prévu le transfert de 80M€ supplémentaires par an pris sur les programmes régionaux de France 3 vers les producteurs privés ?

Plus précisément, quelle sera la place du service public sur le global média, lorsque l’on voit que cette évolution est contestée par Bruxelles et stoppée en Allemagne pour des chaînes comme ARD et ZDF ?

Dans ce contexte, quels types de développement et à quelle échelle seront-ils permis à France Télévisions dans le cadre stratégique ? Si pour la CGT, la place du service public sur le global média est un enjeu majeur, il n’est pas question qu’il se fasse au rabais, au détriment de son industrie de programmes, de sa dimension sociale, des métiers, de la diversité des entités éditoriales de chaque chaîne. Ce sont toutes ces questions que posera l’Intersyndicale à Viviane Reding, commissaire européenne chargée des médias qui la recevra le 11 septembre à 11H30 à Bruxelles.

La bataille de l’opinion

Pour nous, il est inadmissible qu’une entreprise qui n’a jamais été déficitaire soit ainsi méthodiquement sabotée. En basculant 800 M€ de ressources publicitaires annuelles dans le secteur privé sans pour autant compenser la perte, le gouvernement va déclencher une restructuration de grande ampleur.

N’est-ce pas une première qu’un état fragilise ainsi une entreprise publique financièrement saine ? N’est-on pas en face d’une distorsion inversée de concurrence quand l’actionnaire public décide d’accorder tous les avantages aux concurrents des entreprises dont il est censé garantir la bonne gestion ? Est-il de bonne gouvernance de déstabiliser ainsi ces entreprises aux seules fins d’améliorer les résultats des entreprises privées du secteur déjà largement bénéficiaires ?

Toutes ces questions devront être posées dans les semaines qui viennent. Bientôt la bataille parlementaire va s’engager et avec elle, celle de l’opinion publique, qui s’est déjà montrée largement favorable aux salariés des entreprises publiques.

La CGT va amplifier ce mouvement. Elle invite toutes celles et tous ceux, salariés, professionnels, téléspectateurs et citoyens, qui n’acceptent pas cette mise à mort programmée de ce bien commun qu’est la télévision publique, à interpeller leurs élus locaux, acteurs régionaux, députés et sénateurs et à se joindre aux actions revendicatives qui seront organisées pour mettre un frein au l’infernal scenario mis en œuvre le 8 janvier.

Paris le 23 juillet 2008

 
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