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De quelques comparutions immédiates de responsables du NFP

par Eloi de Fourques,

Dans la guerre déclarée au Nouveau Front populaire (NFP) par un front éditocratique en roue libre, les interviews sont des moments stratégiques. Pendant la campagne des élections législatives, le NFP a eu droit à un temps d’antenne, dans des médias de plus en plus explicitement hostiles. Comment tendre un micro sans donner la parole ? Démonstration.


Un mot de la méthode


Nous avons relevé les questions posées par les journalistes et chroniqueurs à des personnalités politiques du NFP dans le cadre de la campagne électorale dans trois émissions :

  Manuel Bompard, interrogé par Laurence Ferrari (CNews, le 11 juin)
  Olivier Faure, interrogé par Apolline de Malherbe (RMC, le 13 juin)
  Raquel Garrido, interrogée par Oriane Mancini (Public Sénat, le 13 juin)

Trois entretiens, relativement courts et une quarantaine de questions que l’on peut regrouper en cinq grandes catégories :

  Questions sur les désaccords (entre partis du NFP)
  Questions sur les personnes
  Questions sur les valeurs
  Questions sur les programmes
  Questions sur l’organisation interne du parti

Une dernière catégorie regroupe les questions qui n’en sont pas, mais qui s’avèrent de pures affirmations – c’est-à-dire des commentaires (malveillants). Cette grille d’analyse ainsi constituée a été appliquée à deux entretiens plus longs, sur BFM-TV, animés par Benjamin Duhamel :

  avec Fabien Roussel, le 13 juin, en présence de nombreux interlocuteurs, dont Natacha Polony, Charles Consigny, Bruno Jeudy et Aurélie Casse ;
  avec Manuel Bompard, le 16 juin, en présence de Bruno Jeudy et Amandine Atalaya.


I. Fabien Roussel, BFM-TV, 13 juin


Pour replacer l’émission dans son contexte, précisons que celle-ci a lieu quelques heures après l’accord des partis de gauche autour de la création du NFP. C’est ce qui explique aussi le titre de l’émission du soir : « Le choc »…


Bilan : Sur 50 questions, une sur quatre entretient la personnalisation de la campagne, le plus souvent en attisant les différends entre les composantes du NFP. Seul 18% des questions portent sur le programme. Un quart des interventions ne sont pas des questions mais expriment clairement des opinions, toutes hostiles au NFP. Enfin, sans pouvoir mesurer exactement le temps consacré à chaque catégorie, il est clair que le temps consacré au débat sur le programme du NFP a été particulièrement court.

Quant aux questions qui n’en sont pas, la liste parle d’elle-même, pour ne rien dire des commentateurs, occupés à répéter les raisons de voir LFI, le PCF, le NFP comme des repoussoirs – c’est probablement le sort réservé aux membres des autres formations politiques… Dans un déséquilibre manifeste dans le rapport droite/gauche, c’est un interrogatoire en règle que subit Fabien Roussel (qu’on a connu mieux accueilli dans les médias) avec des questions récurrentes et redondantes, comme pour le pousser à la faute.


II. Manuel Bompard, BFM-TV, 16 juin


La veille de l’émission, on apprenait le retrait de la candidature d’Adrien Quatennens et la non reconduction de l’investiture de quelques candidats « frondeurs » de LFI, ainsi que le dépôt de candidature de François Hollande… Un contexte qui fournit beaucoup d’occasions de ne pas parler du programme du NFP…


Bilan : Sur 48 questions, une sur deux porte sur la personnalisation de la campagne et les valeurs (il est parfois difficile de dissocier ces deux catégories dans la mesure où l’objet de la personnalisation peut être associé à la question de l’antisémitisme). Par ailleurs, une question sur trois concerne l’exploitation des écarts entre les différents partis du NFP. On note également que le programme occupe une nouvelle fois très peu de place dans le débat et arrive en toute fin d’interview.

Ce dont ne rend pas compte cette grille de lecture, c’est l’atmosphère de tension dans laquelle s’est déroulée l’interview, Manuel Bompard récusant souvent l’intérêt des questions et finissant par répondre ostensiblement aux questions qu’il se posait à lui-même. L’insert de Bruno Jeudy sur le « Comité Robespierre » et l’attitude des journalistes vis-à-vis de la désignation des candidats Raphaël Arnault et Aly Diouara ont probablement contribué à l’installation de ce climat. Cela dit, les journalistes ont été moins incisifs que lors de l’émission précédente qui portait bien son titre : le choc.

En résumé, cette interview est globalement semblable à la précédente : priorité aux jeux politiciens et la personnalisation de la campagne au détriment d’un débat sur le fond – le programme. Toutes deux illustrent le traitement médiatique infligé au NFP, comme à la Nupes avant lui : critiquez, disqualifiez, étouffez, il en restera toujours quelque chose.


Eloi de Fourques

 
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