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Co-Errances : diffuser autrement

Face à la concentration de l’édition et de la diffusion, une société coopérative d’intérêt collectif : un autre projet, d’autres pratiques. C’est ce que propose Co-errances que nous présentons ici à partir des textes qu’ils nous ont confiés [PS de 2009 : Depuis la coopérative a été dissoute,. mais pas l’intérêt de l’intiative et de ses analyses]. (Acrimed)

sociéte cooperative d’intéret collectif de diffusion/distribution - textes, images, sons -

[ La coopérative étant dissoute, toutes les ccordonnées sont périmées (Acrimed, 2008)]

Le constat Co-Errances :
Le marché de l’Edition et de la distribution en France

Un marché en progression depuis 3 ans - 2000, 2001, 2002 - représentant plus de 2,6 milliards d’euros en 2002 (source Syndicat National de l’Edition)

En 2002, deux acteurs se répartissent plus de 70% du marché de l’édition :
- Vivendi Universal Publishing avec Plon, Nathan, Larousse, La Découverte, Belfond, Julliard, 10/18, Pocket, etc.
- Hachette avec Grasset, Fayard, Stock, Calmann-Levy, Hatier, Le Livre de Poche, Lattès, etc.

En 2003, avec le rachat de V.U.P., le groupe Hachette, c’est :

- 98% des dictionnaires de langue française
- 82% du livre scolaire
- 52% du livre de poche
- 45% de la littérature générale
et ... 70% de la distribution

Les grands groupes de communication et de médias, nés de fusions successives, ont aujourd’hui achevé d’inverser le processus de commercialisation des œuvres de l’esprit : la culture, marché d’offre, doit paradoxalement répondre aujourd’hui à une "demande" formatée et suscitée par le marketing. Le marché précède la création, le média son "contenu".

Dans ce contexte, l’œuvre de l’esprit est réduite à être un produit standardisé, le public à une masse de consommateurs passifs harcelés par la publicité. Indices de vente et d’audimat font loi quant à la valeur d’un livre, d’un film, d’une musique.

L’édition et la distribution en France : une situation unique au monde qui se caractérise par une concentration horizontale et une intégration verticale totale. Ce constat, poussé à l’extrême, pourrait se traduire par le schéma suivant :
- Un livre écrit par un auteur salarié du groupe Lagardère,
- Edité par Grasset (groupe Lagardère),
- Distribué et diffusé par des filiales du groupe Lagardère,
- Promu par les régies de Lagardère Active Publicité et diffusé sur les ondes de la station Europe 1 (groupe Lagardère),
- Vendu chez Virgin (groupe Lagardère)
- Critiqué par les journaux Elle, Paris-Match, Le Journal du Dimanche (groupe Lagardère) eux-mêmes distribués par les NNPP (groupe Lagardère) dans les Relay (ex-Relais H du groupe Lagardère)
- Lu par les employés du groupe Lagardère.

Les produits culturels "de masse" des industries du loisir se substituent à toute autre forme de création. Ces produits sont conçus par des entreprises vendant indifféremment des livres, des journaux ou des missiles, des films ou des produits boursiers.

À côté de cette industrie monopolistique au "contenant" phagocytant le contenu, une multitude de collectifs, d’associations, d’auteurs, de réalisateurs, de journalistes, d’artistes inventent, élaborent, produisent des œuvres (livres, revues, films documentaires et de fiction, productions audio, photographies et œuvres multimédia) qui refusent obstinément d’adhérer aux exigences d’un tel marché. De la même manière, des librairies, des cinémas, des espaces culturels indépendants résistent aux pressions des idéologies du marché et s’acharnent à faire vivre ces œuvres.

Ces démarches, nombreuses, touchent un public lassé d’être pris en otage par le marketing. Elles demeurent cependant peu visibles, peu ou pas connues. Les circuits traditionnels de diffusion, quadrillés par de grands groupes commerciaux, ne peuvent promouvoir des œuvres dont la spécificité, la nature prospective, atypique ou politique vont par définition à l’encontre de leur nature. Etre diffusé et distribué par eux, tenter d’atteindre un public à travers les chaînes qui leur appartiennent constitue au mieux un parcours du combattant, au pire un suicide programmé : nous ne produisons pas la même chose ; nous ne travaillons pas de la même façon ; nous n’avons pas pour objectif de couvrir d’une seule enseigne la planète culturelle ; nous ne voulons pas que les œuvres que nous proposons au public soient livrées à la compétition des " coups de cœur " et des " meilleures ventes ".

Le projet Co-Errances : un autre espace

Nous pourrions résumer la situation en disant : " Nous savons produire autrement, mais nous ne savons pas encore diffuser autrement. " Le premier objectif de Co-Errances est de pallier ce manque en créant un espace de diffusion et de distribution parallèle aux grands circuits de commercialisation de la culture dominante. Co-Errances se veut un espace qui privilégie la diversité et l’exigence de contenus plutôt que la consommation passive, un espace qui s’adresse à un public " acteur-auteur de ses actes ", qui appelle et favorise la réponse de ce public.

Mais l’ambition de Co-Errances n’est pas de proposer un modèle unique contre le modèle dominant. La production culturelle est diverse. Sa diffusion doit l’être aussi. Co-Errances a également pour vocation de susciter d’autres initiatives.

Co-Errances, un amplificateur de liens entre les différents acteurs

En développant un nouveau mode opératoire dans la diffusion de productions immatérielles, et en associant les principaux acteurs concernés dans un fonctionnement coopératif, Co-Errances entend renforcer les liens, démultiplier les possibilités de réciprocité, et favoriser une répartition équitable entre toutes les parties.

S’appuyant sur une spécificité hexagonale que représentent les réseaux des libraires indépendants et de cinémas d’arts et d’essais - sources d’accès à des productions diverses et hors culture dominante -, Co-errances a choisi de se constituer en Société Coopérative d’Intérêt Commun (SCIC) au mois de janvier 2003.

Son objet, dans ses statuts, s’est donc défini comme suit :

« En relation avec l’ensemble de ses usagers et de ses partenaires, Co-errances a pour objet de favoriser, accompagner, développer toute initiative qui contribue à garantir la diversité culturelle, et à accroître la visibilité, la pérennité économique de démarches culturelles indépendantes ou à but non lucratif qui ont une vocation éducative et sociale. Co-errances œuvre dans l’intérêt collectif avec un caractère d’utilité sociale et d’éducation populaire, en favorisant un accès participatif du plus grand nombre à une pluralité d’expressions culturelles et de savoirs. Co-errances agit également pour que les principes d’action et les valeurs de l’économie sociale et solidaire se développent dans le domaine des expressions culturelles. Dans ce sens, Co-errances a pour objet de développer des modes de circulation, des réseaux de diffusion et de distribution, au plan national et international, de productions culturelles sur tout support existant où à venir.

Pour la réalisation de cet objet, avec le souci d’un fonctionnement coopératif, solidaire, dans des logiques de mutualisation, de partage et de réciprocité, Co-errances :
- Concevra, coordonnera et animera des modes et des réseaux de distribution et diffusion au plan national et international de productions culturelles sur tout support,
- Coordonnera la fabrication et l’édition de documents de communication qui relaient l’action de différents acteurs culturels qui partagent des mêmes valeurs et des mêmes exigences de qualité,
- Concevra, produira et organisera des événements publics, manifestations, colloques, conférences, séminaires, spectacles, expressions artistiques susceptibles de favoriser les échanges entre différents acteurs culturels et le public, dans un souci de promouvoir la diversité culturelle, et le dialogue entre différents champs d’expression et différentes cultures,
- Favorisera et développera tout projet commun, toute forme de coopération et de mutualisation de moyens et de ressources entre différents acteurs culturel,
- Soutiendra l’action ou la création de lieux de diffusion culturelle qui contribuent à créer de l’échange public et du lien social,
- Accompagnera, encouragera et soutiendra par tout moyen les activités de chacun de ses usagers,
- Favorisera, développera et accompagnera toute initiative contribuant à développer les principes et les valeurs de l’économie sociale et solidaire dans le champ culturel,
- Editera sur tout support existant ou à venir des œuvres et des productions culturelles pour les faire connaître. »

Une répartition équitable

Co-Errances, société coopérative, entend répartir de façon équitable les efforts, et donc les recettes, des intervenants dans la diffusion : d’un côté les membres via la production des œuvres mais aussi via leur rôle de " délégués régionaux " participant activement à la diffusion et à la distribution et de l’autre les diffuseurs via leurs points de vente. Parce que les livres, revues ou films diffusés sont plus importants que le " marketing ", la part des éditeurs-producteurs ne sera jamais inférieure à 50%. Leurs efforts comme délégués régionaux seront compensés par un pourcentage systématique sur les commandes en provenance de leur région, qu’elles soient issues de points de vente ou non. Concrètement, les membres de Co-Errances diffusant leurs propres productions dans les points de vente de la zone limitrophe de leur activité percevront sur le produit des ventes la part de l’éditeur (50%), à laquelle viendra s’ajouter celle de délégué régional (5-10% en fonction de la remise accordée), soit entre 55 et 60% du prix public hors taxes.

Ceux qui soutiendront l’action de Co-Errances via leur espace de vente seront reconnus comme de véritables partenaires et pourront ainsi bénéficier d’une exclusivité de la part de Co-Errances dans leur zone de chalandise.

Enfin, Co-Errances s’interdit d’indexer la remise aux points de vente sur leur chiffre d’affaires global et refuse donc de consentir aux grandes surfaces des remises supérieures aux indépendants de moindre importance économique.

Editeur co-errances délégué régional points de vente
ventes lieux de diffusion 50% 5% 5-10% 35-40%
abonnements revues France 65% 35%
abonnements revues étranger 65% 35%
ventes internet France 50% 50%
ventes internet étranger 50% 50%

Une diffusion de proximité

L’organisation de Co-Errances tente de répondre au mieux aux principaux objectifs de la coopérative tout en remédiant aux écueils des diffuseurs traditionnels (lenteur et erreurs dans les livraisons, erreurs dans la facturation, ignorance du suivi des commandes par les représentants). La taille et la centralisation des diffuseurs traditionnels les conduit à privilégier les points de vente en fonction de leur chiffre d’affaires, au détriment des petits espaces déjà éprouvés par les remises moindres qui leurs sont consenties. Cette centralisation les conduit également à uniformiser leurs "offices", c’est-à-dire à fournir à tous les points de vente les mêmes productions culturelles, en n’ajustant, dans le meilleur des cas, que le nombre d’exemplaires livrés. Faute de pouvoir exercer un véritable choix, les points de vente sont donc contraints d’accepter des productions qui ne correspondent pas nécessairement à leur public, ni à leur identité.

Seule une véritable relation de proximité permettra donc à la fois aux points de vente de pouvoir faire un véritable choix et de laisser la place à des productions issues de petites structures indépendantes. Seule la proximité permettra en outre, à moindre coût, d’assurer des délais de livraison plus rapide. En effet, alors que dans la plupart des pays européens, un livre, un disque ou une cassette vidéo sont livrés en 48h, il faut aujourd’hui dix jours en moyenne aux diffuseurs classiques pour servir leurs clients. Cette lenteur contribue à asseoir la puissance des grands groupes en favorisant les productions toujours présentes dans les lieux de vente, c’est-à-dire les productions de masse.

C’est pourquoi Co-Errances a choisi un mode décentralisé ; le siège de la coopérative n’est pas un centre hiérarchique mais un point de rencontre et de coordination des actions des membres. Ses attributions propres sont réduites au minimum indispensable : ne seront donc centralisées que les tâches pour lesquelles l’économie d’échelle est évidente (celles qui nécessitent une action simultanée ou dont l’importance et le coût ne peuvent être supportés localement).

- Co-Errances souhaite participer pleinement à la vie culturelle des publics et s’inscrire dans des manifestations recherchant d’abord la qualité plutôt qu’un record d’entrées ou un record d’exemplaires vendus. Co-Errances n’est pas une machine à produire des bénéfices.
- C’est en allant vers le public, et non en ne lui proposant que des grand-messes consuméristes, que Co-Errances entend diffuser ses productions.
- C’est en choisissant des espaces conviviaux, où la proximité permet l’échange, la critique et la culture vivante, que Co-Errances souhaite s’inscrire.

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[ La coopérative étant dissoute, toutes les ccordonnées sont périmées (Acrimed, 2008)]

 
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