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« Un quotidien de référence » ?

Censure : Le Monde confirme (et se contredit)

par Patrick Lemaire,

Un aveu, de vraies-fausses excuses, une invention.

Dans Le Monde daté 9-10 mars 2003, le médiateur Robert Solé confirme que sa précédente chronique, traitant du livre de P. Péan et Ph. Cohen sur Le Monde, a été " amputée " de "quinze lignes " par la direction du journal (voir Le Monde censure son médiateur).

Par ailleurs, le directeur de la rédaction Edwy Plenel "prie " les " lecteurs de bien vouloir excuser cet infime, et exceptionnel, abus de pouvoir ", mais après avoir estimé que " à l’évidence, la coupe était excessive. Les trois premières phrases, qui ont été malencontreusement coupées, relevaient du jugement du médiateur et n’auraient donc pas dû l’être. "

Ce qui revient à dire que ce n’est pas l’ensemble de la coupe - et son principe même - qui est condamnable.

Mercredi 5 mars, au cours d’une discussion en ligne organisée par Le Monde, Pierre Georges, directeur adjoint de la rédaction, avait affirmé :

" Je sais effectivement qu’un paragraphe, un seul, de la dernière tribune du médiateur a été coupé samedi en fin d’édition. Ce paragraphe faisait référence à la publication, pour mardi, donc hier, d’un supplément consacré au livre, supplément envisagé à ce moment-là. La direction de la rédaction, ayant annulé ce supplément, a coupé cette annonce. " [1]

Or, voici le passage supprimé, reproduit samedi 8 mars par le médiateur :

" Le journal ne peut, me semble-t-il, s’en tenir à une réponse générale, une réfutation en bloc de La Face cachée du "Monde". Il faut faire la lumière sur quelques accusations graves, qui risquent d’affecter durablement sa réputation et de resurgir à la moindre occasion. Car cette machine infernale est aussi une bombe à retardement. Une recension des "erreurs, mensonges, diffamations et calomnies" contenues dans le livre a commencé à la rédaction en chef. Elle devrait se traduire, tôt ou tard, par une publication. Le plus vite serait le mieux. Mais les éclaircissements que Le Monde doit à ses lecteurs ne sauraient se limiter à l’édition d’un catalogue d’erreurs. "

Donc pas de " référence à la publication, pour mardi, donc hier, d’un supplément ", la justification de la coupe selon Pierre Georges. Ce n’est pas une information erronée qui a été coupée, mais bien l’appréciation du médiateur qui a été censurée.

Dans sa réponse au livre de P. Péan et Ph. Cohen, la direction du Monde a pointé les nombreuses erreurs factuelles, arguant que c’est la véracité de l’ensemble des informations qui s’en trouve mise en doute [2]. Une logique qui se retournerait contre la direction du Monde, si on l’appliquait à sa " contre-offensive " médiatique : ce qui apparaît comme une invention de Pierre Georges, directeur adjoint de la rédaction, jetterait la suspicion sur l’ensemble des explications fournies par la direction du Monde depuis la sortie du livre. [3]

 
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Notes

[2Une enquête, " si elle se trompe en détail, comment pourrait-elle prétendre avoir raison en général ? " (" "Le Monde" oppose les faits aux accusations calomnieuses ", Le Monde daté 7 mars 2003).

[3Le 7 mars, Edwy Plenel affirme dans un entretien au Point : " rien ne tient dans ce livre, pas une virgule ", et Jean-Marie Colombani explique au Parisien : " La construction de ce livre obéit strictement à ce que Dali appelle le « délire de l’interprétation ». Vous prenez un fait vrai. Vous y ajoutez une interprétation fausse et tordue. Vous prenez un autre fait vrai. Vous y ajoutez une interprétation tordue. Vous mettez les deux interprétations tordues en relation : vous avez un ensemble monstrueux. Il n’y a pas une ligne dans ce livre qui ne soit à charge. " Rien ne tient ", pour l’un ; des " faits vrais " pour l’autre. Comprenne qui pourra.

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