Que dire des grévistes ? Ils sont :
– Irrationnels et archaïques
Les grévistes éprouvent des " craintes, réelles ou non, d’une éventuelle privatisation ". Réelles ou non : qu’importe. Puisque, tout compte fait, ces craintes sont - sans aucun doute - irrationnelles. Qu’on en juge : " En dépit des dénégations de Louis Gallois, président de l’entreprise publique et des propos apaisants du ministre de l’équipement et des transports, Jean-Claude Gayssot, lui-même ancien cheminot, rien n’y fait ". Surtout quand on sait que " le gouvernement a plus d’une fois donné l’assurance qu’il entendait préserver les services publics ". Et n’a jusqu’à présent privatisé aucune entreprise publique... Aussi la SNCF est-elle " prise au piège d’un soupçon déstabilisant ". Mais déstabilisant pour qui ? Pour... les salariés de la SNCF. Traduction : ils sont déstabilisés par un méchant soupçon : celui de la privatisation rampante. Et ça continue : " Dans ce contexte, Cap Clients, le projet de réorganisation par activités, s’interprète comme une nouvelle étape. " S’interprète ? Qui interprète ? " Certains "... " Certains veulent y voir un découpage en centres de profit qui annoncerait un démantèlement ou l’abandon de toute référence à la notion de service public. " C’est sûr : la référence à la notion n’est pas menacée...
– Corporatistes et divisés
Quelles sont les victimes du soupçon déstabilisant ? Toutes les catégories du personnel, une catégorie du personnel ? Qu’importe : les cheminots forment - attention le mot fatal va être lâché - " l’une des dernières communautés de travail qui aient su entretenir son corporatisme ". Le corporatisme, voilà l’ennemi : l’ennemi de la " modernisation ". De surcroît, ce corporatisme est divisé : l’entreprise est confrontée - on ne le dira jamais assez pour souligner leur manque de sérieux - aux " revendications - divergentes - des cheminots ". Ces divergences ne reflètent pas des désaccords - il faudrait les exposer et les débattre - mais un compétition déloyale qui met en péril la modernisation sérieuse : " La CGT de Bernard Thibault - lui aussi ancien cheminot - a compris que la modernisation de la SNCF était la seule chance de survie du service public. Mais elle se heurte à des luttes de pouvoir entre les syndicats. "
– Suicidaires et nuisibles
Ces luttes de pouvoir... font le jeu des partisans de la privatisation. Puisque la CGT " se heurte à des luttes de pouvoir entre les syndicats qui risquent, à terme, de conduire à l’inverse du résultat recherché : en montrant à l’opinion que toute réforme est décidément impossible, les syndicats contestataires vont finir par la convaincre qu’il faudra en venir à la solution la plus radicale, celle de la privatisation, qu’ils prétendent combattre. " C’est l’argument-massue, bon à tous les usages, et dont la CGT elle-même fait parfois les frais : ceux que je désapprouve font le jeu de ceux que je réprouve... Quant aux victimes, ce ne sont pas les salariés, mais... devinez : " Comme à chaque fois, ce sont les usagers - pardon, les clients - qui font les frais de cette bataille indécise. "
Henri Maler