Accueil > Critiques > (...) > 2002 : Le Forum social européen de Florence

Les médias et le Forum social européen

Sud-Ouest : l’ambiguïté

par Christiane Restier-Melleray,

Sauf erreur, "Sud-Ouest" n’a consacré qu’un seul article au Forum Social Européen. Et encore s’agit-il d’un article paru dans "Sud-Ouest Dimanche" du 10 novembre, édition qui n’est pas systématiquement lue par le même public que le quotidien "Sud-Ouest" lui-même.

L’ article de "Sud-Ouest Dimanche" réserve sous la rubrique "L’évènement" une demi page au texte, la moitié supérieure étant occupée par une photo de manifestants brandissant leurs pancartes et sous-titrée : "Non à la guerre". Hier après-midi, à Florence, le slogan a été repris dans toutes les langues au sein de la manifestation".

Ce qui à l’arrivée fait donc une page entière dont le titre se retrouve au centre de la page : ITALIE . La paix sur toutes les lèvre des centaines de milliers de manifestants antimondialisation FLORENCE EN MARCHE CONTRE LA GUERRE EN IRAK (signé Dominique Muret à Florence)

L’article démarre ainsi : [surtitre] "Pari gagné pour les pacifistes. Hier, plusieurs centaines de milliers d’entre eux ont défilé dans les rues de Florence ; sans débordements ni incidents."

Sont décrits : le succès numérique ("les participants étant au mois trois à quatre fois plus nombreux que les 200000 attendus initialement..."), la manifestation en elle-même ("on procède lentement mais dans la bonne humeur"), l’efficacité de l’organisation ("Capitale de l’art, ce joyau de la Renaissance n’a pas subi une égratignure"...) et l’auteur esquisse par petites touches les portraits et les dires de plusieurs manifestants. Cet article procède en effet à une description de l’atmosphère, une évocation des slogans, une reprise de citations glanées ça et là, bref, il se présente comme un reportage de terrain en empathie avec les manifestants.

Le dernier quart seulement est consacré à recadrer l’événement et la question de la globalisation en donnant plus longuement la parole toujours à des manifestants :

"Les gens ont pris peur à cause du G8 de Gênes, mais ici, ce n’est pas du tout la même chose, ajoute sa voisine. Les Florentins qui ont préféré partir ont raté un grand rendez-vous avec leur ville". Un peu plus loin, Alessandra, une jeune artiste de Florence, tient le même discours : "il y a eu une incroyable campagne de presse terrorisante pour empêcher les gens de venir. Mais à la fin , notre présence si nombreuse ici est la meilleure réponse à donner. Nous sommes non violents et nous l’avons montré".

La conclusion revient à un enseignant dont les propos sont repris, tout d’abord et une fois encore sur le thème de la non-violence ("Dire qu’on revendique une autre mondialisation, cela ne veut pas dire qu’on le fait avec violence...") et ,en toute fin d’article, sur le mouvement social ("Pour cet enseignant, ce premier rassemblement antimondialisation européen a finalement été très positif : "Je crois qu’il y a un véritable mouvement qui se dégage en Europe, conclut-il, entre les organisations syndicales, les associations, des partis politiques, des mouvements de jeunes pour revendiquer une autre façon de voir le monde et un autre rapport entre les hommes")

Tombe une dernière phrase bien plate qui, elle, relève du journaliste : "Et désormais, ils ne veulent plus se faire appeler "anti-globalisation" mais "altermondialistes".

Ce qui frappe dans cet article c’est le choix du mode descriptif et de la restitution : narration, discours rapporté, procédés ambigus puisque pouvant être interprétés au gré des opinions du lecteur : c’est du compte-rendu journalistique dans lequel le journaliste relate, cela peut être lu comme un article favorable au mouvement si l’on est soi-même favorable au mouvement, mais cela veut rester au niveau de la description empathique et de la restitution de témoignage.

Impossible de tirer des conclusions claires d’un tel exercice, ce que symbolise le fait que l’ événement a été à la fois occulté par le quotidien et mis en exergue (une page entière) par le journal dominical

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

A la une