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Lu, vu, entendu : « L’été de tous les héros »

Sportifs en tous genres et en tous sports. De Sarkozy-de Villepin à Zidane. De Lance Armstrong à Robert Ménard.

1. Sportifs de haut niveau

 Dominique de Villepin contre Nicolas Sarkozy. La « peoplisation » qui a transformé nos politiques en superstars, vient de s’enrichir d’une nouvelle image : le Gouvernant en sportif.

[Ces photos seront retirées sur simple demande, mais nos lecteurs privés d’une information capaitale]

Par ordre d’apparition Le Figaro 25, puis Marianne 28 juillet.

Et dans le JDD du 7 août, avec un titre d’anthologie : « Villepin et Sarkozy mouillent le maillot »

 Serge Dassault. Célébré par Le Parisien (25 juillet) dans un article intitulé « Le show de Serge Dassault »(Maire de
Corbeil Essones, d’où partait la dernière étape du Tour). D’abord lucide : « POUR PEU, il a presque volé la vedette à Lance Armstrong ! » [admirable « presque »...]. Puis, sans pudeur : « Hier midi, à l’instar du champion américain, Serge Dassault portait un maillot jaune lors de la présentation des coureurs sur les allées Aristide-Briand. » Et, enfin, passionnant : « Quatre ans après avoir déjà fait venir le peloton chez lui, Serge Dassault n’a pas boudé son plaisir en accueillant Lance Armstrong pour sa dernière course. Après les poignées de main et les accolades, l’élu a apporté un cadeau au champion texan. Une médaille d’honneur de la ville ? Non, une caisse de Château-Dassault, un grand cru Saint-Emilion que possède l’avionneur ! »... Produit dopant ?

2. Le triomphe d’Amstrong

 Dopage ? (1). 14 juillet 2005, en pleine folie du tour pendant la grande bagarre des Alpes, la veille d’un long week-end télévisé, Le Monde s’exerce à taper dans la fourmilière : « Armstrong trompe le public et le cyclisme » en proposant une interview de Mike Anderson ancien soigneur et ami de Lance Armstrong. Les propos du « soigneur » donnent envie de passer un week-end chez le septuple vainqueur du Tour. Extraits : « Il m’a licencié pour la découverte que j’ai faite en février 2004 [...] une boîte portant le nom d’un stéroïde [androstenine] dans la salle de bains. [...] juste après, notre relation s’est brusquement détériorée [...] A partir de ce jour, il a cessé de me traiter comme un ami, voire un frère, et a commencé à nous traiter, ma femme Allison et moi, comme des domestiques.  »

Armstrong à nouveau dénoncé comme tricheur : que cela soit vérifié ou non, il y avait de quoi secouer le landernau médiatique. Pas si simple. Si le problème du dopage a bien été évoqué par la presse, le cas Armstrong a été passé sous silence. Histoire de le laisser en paix gagner son septième tour (enjeu marketing 2005) entre deux spots de pubs, et devant les millions de téléspectateurs ? La question est réglée en une brève dans Le Parisien et L’Equipe du même jour (13 juillet 2005). Faut-il y voir une coïncidence ? Ces deux quotidiens appartiennent à Amaury, maison mère d’Amaury Sport Organisation (ASO), la société du Tour. [1]. Quant aux autres quotidiens, il semble qu’ils aient préféré s’en remettre à la Justice (Amstrong a attaqué Anderson pour diffamation) et de s’en prendre à l’infortuné coureur Dario Frigo dont la voiture a été arrêtée et fouillée par des douaniers chanceux qui ont trouvé des produits dopants. Malaise au sein du peloton...

 Dopage ? (2). La Une de France-Soir du 14 juillet se déchaîne donc : « Encore dopés ? ». D’après le journal, l’arrestation de Dario Frigo « relance les spéculations sur l’usage de produits dopants par certains cyclistes du Tour de France ». « l’exaspération [des coureurs vertueux, par ailleurs souvent français qui se plaignent de ne pouvoir suivre] suffira- t- elle à écraser l’infâme [sic] ? Le doute est permis. Sur le Tour aux cadences toujours plus infernales (...) l’improbable porteur du maillot à pois, Mickael Rasmussen, et le superman Armstrong eux courent toujours ». Libération (14 juillet), toujours narquois, note que « les douaniers ont décidemment du flair ou de bonnes informations », avant de conclure : « On aimerait juste que le pouvoir sportif ait l’un ou l’autre de ces deux attributs ». Thème désormais ressassé : « Dopage : les mentalités changent, la suspicion demeure » (AFP du 15 juillet 2005). Que faut-il comprendre ? Tolérance Armstrong en 2005, mais zéro en 2006 ? Le Parisien du 19 juillet allume les derniers feux. Des articles certes moins hypocrites, mais toujours aussi allusifs et inoffensifs. Echantillon : « Ils cherchent tous le secret de Lance Armstrong », « Il a la potion magique », « les gens ne sont pas dupes » (Jalabert), « Ullrich, lui, n’a pas la recette ». Et dans L’Humanité du 19 juillet : « Rassmussen : un danois vraiment très troublant ».

 Dopage (3). Fin d’une époque ? Amstrong quitte le vélo et Jean-Marie Leblanc, directeur du Tour annonce son départ. Au lendemain de la victoire du cycliste américain, le 22 juillet, on ti(t)re à vue, avec un soulagement toutefois encore bridé par les mauvaises habitudes : L’Equipe annonce « la fin d’une équivoque », Le Figaro titre : « Armstrong, géant d’ombre et de lumière » et Libération joue sur les mots : « Le grand manitour ». Dans La Croix, Patrick Clerc, nouveau directeur, boucle la Boucle : « On oubliera Lance Armstrong comme on a oublié Bjorn Bjorg ».

... Mais pas tout de suite. « Armstrong dans la tourmente », lit-on, le 23 août, sur le site de L’Equipe qui se félicite d’un « scoop » : « Coup de tonnerre. Un mois après avoir décroché sa septième victoire dans le Tour de France cet été, Lance Armstrong, jeune retraité, revient sur le devant de la scène. Mais il est cette fois question de dopage. Six de ses échantillons urinaires, collectés lors du Tour 1999 et analysés a posteriori par le labo de Châtenay-Malabry, sont marqués de la signature de l’EPO. Dans son édition du jeudi 23 août, L’Equipe en apporte la preuve. ».

La trêve est rompue jusqu’à l’année prochaine.

3. Le retour de Zidane

 Pour le plus grand bonheur de ses sponsors. Ainsi, Zinedine Zidane est revenu égayer un été asséché en annonçant sa réapparition dans l’équipe de France. Selon France Football, Zidane aurait déclaré avoir eu en pleine nuit une « révélation » qu’il aurait qualifiée de « mystique » : en pleine nuit, quelqu’un de mystérieux dont il aurait refusé de dire le nom l’aurait enjoint de revenir en équipe de France. Face aux sarcasmes consécutifs à cette interview, Zidane a accusé France Football d’avoir déformé ses propos. Quoi qu’il en soit, Zidane a réservé la primeur de l’information sur son retour miraculeux au média le plus crédible : son sponsor, Orange-France Telecom. La Tribune de 5 août, non sans cynisme, nous informe : « le retour de Zidane réjouit Orange et Adidas ». Et Libération du même jour ironise : « Zidane repart en campagne... publicitaire ». Et donne la parole à Dominique Wolton qui s’ « insurge » et à Jean-Marie Charon qui constate « le mélange des genres dans les relations commerciales entre sportifs et les marques » Et précise : « L’information véhiculée par Orange sur Zidane a une vraie valeur informative mais sa visée est purement commerciale ». Donc ?

Dans Le Figaro, le choix du « véhicule » est constaté plutôt que contesté : « Une communication orchestrée par Orange ». L’essentiel est de claironner la nouvelle. Ainsi Le Parisien a trouvé le moyen de rédiger 15 articles sur le sujet entre le 5 au 10 août. « Orange », la fin justifie les moyens car l’en jeu est d’importance « Y aura-t-il un "effet Zidane" sur le moral des Français ? » s’interroge gravement Le Monde du 10 août. On se le demande aussi...

 Pour le plus grand bonheur de TF1. Parmi les sponsors collatéraux, n’oublions pas les diffuseurs : TF1 cache sa joie, mais il faut garder en mémoire le détail que nous avons déjà rapporté [2] : « Sport et TV - Zinedine Zidane, « bankable  ». Selon la lettre d’information Sport.fr « une non qualification des Bleus coûterait cher à TF1, qui milite pour un retour du numéro 10 ». Si les Bleus n’allaient pas en Allemagne l’an prochain, l’impact financier pourrait être bien supérieur. Car cette fois la chaîne a « déboursé 100 millions d’euros pour les vingt-quatre meilleurs matchs de la compétition ! ». TF1, dont la perte « avait atteint de 17 à 19 millions d’euros pour un investissement de 68,7 millions dans le précédent Mondial, en 2002 ». Autre rappel : «  Sortie de Le Lay, lors d’une réunion avec des analystes, relayée par Stratégies (édition du 13/09/2002) : "En France, le nombre de joueurs de foot qui gagnent un million de francs par mois est énorme. Qu’est-ce qui peut justifier cela ? Rien. Surtout quand on ne marque aucun but. Il y a des limites à l’indécence". La suite de l’article est plus cocasse : les analystes s’inquiètent pour la stabilité des recettes de TF1 pour 2002, dans le cas où "l’Irak serait attaqué par les USA". Prudent, Le Lay, échaudé par le zéro but de l’équipe de France en Coupe du Monde (soit 2 % en moins de CA pour la chaîne) rétorque aux analystes : "Il ne faudra pas nous en vouloir si l’US Air Force met à feu et à sang la Planète...". » [3]
Saluons l’esprit sportif et visionnaire du patron de TF1

3. Coups de chaleur

 On connaît la chanson. Dans son cahier « Eté 2005 », Le Monde propose une série « Le tube de l’été » qui revient chaque jour sur une chanson (à partir des années soixante) ». C’était déjà le cas en 1998, sous le titre « Les tubes de l’été »...

 Grand reporter. « Chronique d’une exaspération ordinaire » : tel est le titre d’un article qui commence Une du Monde (28 juillet 2005). Après avoir traîné dans la boue les électeurs du « non », le quotidien a-t-il enfin découvert des motifs de mécontentement légitime chez les Français ? C’est cela, enfin presque. L’auteur explique d’abord que, parmi les « multiples raisons » de la « mauvaise humeur française voire (du) malaise qui s’expriment à toute occasion », « l’une d’elles est une vie quotidienne » caractérisée par les « difficultés », des « aberrations ou des dysfonctionnements » que rencontre « le citoyen ordinaire ». Et dans tout le reste de l’article, Jean-Louis Andreani conte dans le détail les problèmes de facture EDF et de transport aérien de... Jean-Louis Andreani (« Heureusement, tout ce que raconte EDF est faux : nous n’avons pas opté pour un prélèvement automatique, et la facture a été réglée » ; « Notre vol, annoncé à l’heure, partira avec une bonne demi-heure de retard à cause des problèmes à l’embarquement »)... Décidément, les reportages du Monde souffrent cruellement des restrictions budgétaires...

 Robert Ménard, obèse heureux. Lu dans Notre temps (Août 2005 - n°428), page 38 : « Presse. La liberté menacée ». Interview de Robert Ménard (propos recueillis par Luc Le Chatelier).

Mais d’abord qu’est-ce que Notre temps ? C’est une fiche d’Info-presse (lien périmé - novembre 2013) qui nous l’apprend : « Concept : Prenez la vie du bon coté avec Notre temps Magazine ! Chaque mois, on vous dit tout sur votre santé !  ». Et encore : « Contenu rédactionnel : Lisez Notre Temps Magazine ! Vous pouvez compter sur cet allié fidèle pour défendre vos droits et vos revenus, entretenir votre capital santé, développer vos dons en bricolage, cuisine... Les bonnes résolutions pour vivre mieux, les conseils sur votre beauté, sur l’équilibre de votre alimentation, tout est dans Notre temps Magazine ! Profitez de cette offre exclusive pour recevoir chaque mois chez vous, Notre temps magazine ! Abonnez-vous dès aujourd’hui ! ». Et enfin : « Les retraités jeunes et dynamiques lisent chaque mois Notre Temps Magazine  »

Venons-en à l’interview du Président de Reporters sans frontières.

 Question : - Dans nos démocraties, un autre risque menace la presse : la concentration des médias et le poids de la publicité...

 Robert Ménard : - Oui. Il existe ici une menace réelle, non pas sur la liberté d’expression, mais sur la pluralité de l’information. Cependant, à RSF, ce n’est pas notre priorité. Pour faire une comparaison qui vaut ce qu’elle vaut, il y a des problèmes d’alimentation dans le monde : il y a ceux qui crèvent de faim, et, dans nos pays, ceux qui mangent trop. Je crois que la famine passe avant l’obésité...

On comprend pourquoi, telle que Ménard la pratique, la critique des médias de « nos pays » est en cure permanente d’amaigrissement.

 
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Notes

[1ASO, filiale du groupe de presse Amaury réalise 130 millions d’euros de chiffre d’affaires dans l’organisation d’événements sportifs. Elle organise le Tour de France, le Dakar, le Marathon international de Paris et le Semi-Marathon. (d’après Les Echos du 24 juin).

[2Dans « L’actualité des médias n°41 » (28 avril au 6 juin 2005)

[3Publié le 16 novembre 2002, sur notre site, sous le titre « Le Lay ou le comble de la décence ».

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