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Lu, vu, entendu : « Gaîtés printanières »

Joyeux anniversaires ! - Drôles d’enquêtes - Joyeux éditorialistes ! - Intermède comique - La gaie guerre des pétitions.

I. Joyeux anniversaires !

Le journalisme de commémoration réserve des surprises. Pas de « Mai 68, quarante et un an après » cette année, mais plus discrètement l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage et plus traditionnellement celui du 8 mai 1945, en attendant celui du 14 juillet 1789. Mais quand les médias se célèbrent en célébrant leurs anniversaires et quand les animateurs soufflent les bougies de leurs confrères, c’est très gai !

 Anniversaire (1) : Paris Match sur la banquise

120 ans : c’est l’âge de L’Est Républicain, dont nous avons célébré l’autocélébration ici même. Paris Match est deux fois plus jeune, nettement plus prospère et publicitaire.

Pour fêter ses soixante ans, Paris Match est allé peindre son logo (70m X 36 m) sur la banquise du Groenland avec « une peinture biodégradable et sans solvant », afin d’attirer l’attention sur le réchauffement climatique.

Pour cette opération d’utilité publique signalée par le journal La Décroissance, le magazine de Lagardère a mobilisé pendant dix jours cinq de ses plus fins limiers, des motoneiges (« D’ordinaire, c’est interdit : le bruit de l’engin fait fuir les bêtes »), un hélicoptère et un ULM. L’introduction du reportage paru le 25 mars et intitulé « alerte rouge pour la planète blanche », explique : « C’est notre bouteille à la mer : notre logo qui, à la fonte des glaces, retrouvera sa liberté, emporté par les icebergs du Groenland. Depuis la conquête de l’Annapurna, en 1950, l’histoire de notre journal est liée à celle de grandes aventures. Paris Match a flotté au sommet des montagnes et des volcans, sur des îles désertes. Cette fois, il est ancré dans une des dernières merveilles du monde. La plus fragile aussi. »

Le choix de l’emplacement a donné lieu, si on en croit le reportage de Match à sa propre gloire, à une série d’atermoiements comiques : « Sur la montagne, nous sommes éblouis par la beauté de ce cirque un peu irréel, quatre pics entre lesquels on aurait déversé une mare de lait dont le niveau atteint presque le sommet. Notre pauvre logo de 100 mètres serait ridicule ici, invisible timbre-poste perdu dans une immensité de blanc. Le deuxième des icebergs où nous nous rendons ensuite emporte l’adhésion de tous. Ce sera là. Il a vaguement la forme d’une église, sous la lumière bleue d’un vitrail translucide. Devant, une large surface "givrée" pourra accueillir le logo. » Sauver la planète, d’accord, mais pas au détriment de l’image de marque !

Si Paris-Match n’oublie pas de remercier et de citer « les partenaires qui nous ont permis de réaliser le logo [1]  », il serait injuste de ne retenir que l’aspect publicitaire de l’opération. Car elle a permis aussi, et peut-être surtout, de faire progresser le dialogue entre les cultures : « Une fois rentrés, expliquent ainsi les « envoyés spéciaux », nous apprendrons que les locaux, trop timides pour venir quand nous étions là, y vont maintenant régulièrement. Le logo Paris Match est devenu leur balade du dimanche. »

Comme le résument avec éloquence nos aventuriers : « Putain... C’est beau ! »

 Anniversaire (2) : Nicolas Demorand derrière son micro

Sur l’antenne de France Inter, le 5 mai (retenez cette date à l’avenir…), Vincent Josse a souhaité un « joyeux anniversaire » à Nicolas Demorand.... en mettant à contribution son invitée du jour. On écoute ce grand moment de radio :

http://www.acrimed.org/IMG/mp3/EspritCritique05-05-2009-anniversaire.mp3

Sympa, vraiment sympa ! A renouveler lors de la Saint Nicolas.

Et comme un grand moment de convivialité en appelle un autre, le 5 mai toujours, Nicolas Demorand a rendu hommage à l’émission littéraire d’Arrêt sur images, qui l’en remercie dans un « Vite dit » : « Vibrant éloge de Nicolas Demorand, à propos de notre émission littéraire D@ns le texte, sur France Inter ce matin. [...] Avec cette chronique, Demorand gagne son arobase d’honneur. Entre ici, Nicol@s ! »

Acrimed, pendant ce temps, célébrait l’anniversaire de l’auditeur inconnu qui tente désespérément de se faire entendre à l’antenne de France Inter.

II. Drôles d’enquêtes

 Les grandes enquêtes du Figaro  : l’extrême gauche bloque l’Université

Le 5 mai 2009, Le Figaro annonce en « une » : « Universités : comment l’extrême gauche impose le blocage » :

Dans une double page intérieure, deux journalistes ont « enquêté »… et elles ont trouvé ! Quoi ? Des « autonomes » menés par « un intellectuel spécialiste de la subversion » (selon Marc Gontard, président de Rennes II), des « khmers rouges » (« comme les a un jour qualifiés » le même…) qui seraient « proches du Nouveau Parti Anticapitaliste », et même « très proches des trotskistes » selon « l’ancien président de Paris IV »… Et pourquoi pas interroger le nouveau, en pointe dans le mouvement de contestation des « réformes » en cours ?

Toujours est-il que rien dans l’article intitulé « l’extrême gauche à la manœuvre » ne permet d’accréditer cette thèse aberrante. Les deux détectives du Figaro en sont réduites à dresser une liste d’appartenances politiques supposées chez les « contestataires », « nombreux » pourtant « à honnir tout parti politique ou syndicat [mais « proches du NPA »…] et à revendiquer leur "indépendance" », avant de s’en prendre au « double discours » du PS, coupable de fournir une « aide » à la « ronde infinie des obstinés ».

Bref : du grand journalisme, agrémenté d’un éclairage éblouissant de l’expert en balistique Michel Godet, qui « ne décolère pas », et selon lequel les universitaires se tireraient « une balle dans le pied »… Blessure mortelle d’après Yves Thréard qui, dans un funèbre éditorial, enterre l’Université « sans fleurs ni couronnes  » (voir plus bas) [2].

 Les grandes enquêtes de France 2 sur Internet : après Facebook, Twitter

Après « Envoyé spécial », qui proposait le 4 décembre 2008 une enquête sur le réseau social Facebook [3], c’est au tour du « 20 heures » de France 2, le 7 mai dernier, d’« enquêter » sur Twitter, une plateforme de « microblogging » (qui permet d’envoyer des brèves à ses contacts). Un sujet de trois minutes qui constitue ce que France 2 appelle le « dossier » du JT. Pourtant, il est bourré d’inexactitudes, notamment sur les aspects techniques du fonctionnement de Twitter et son supposé rôle d’agence de presse alternative. France 2 croit ainsi savoir que Twitter s’utilise (exclusivement, est-on même porté à croire) via les téléphones portables, alors que l’immense majorité de ses usagers s’y connectent via un ordinateur : « Ce site propose à Monsieur tout le monde, à condition d’avoir un téléphone connecté à internet , de devenir le témoin des internautes du monde entier », annonce l’introduction de l’« enquête ».

Revenant sur quelques « buzz » dans lesquels Twitter aurait joué un rôle, France 2 explique ensuite que la plateforme aurait « décollé » suite à l’envoi par un passager de photos du crash de l’Airbus sur l’Hudson « bien avant les agences de presse ». Et de préciser : « Son arme, un téléphone portable. Par SMS , il a envoyé sa photo sur le site internet de Twitter et instantanément et gratuitement le cliché a été redistribué à 65 millions de personnes sur leurs téléphones portables , l’équivalent de la population française touchée d’un seul clic. » Or, remarque l’auteur du blog Tech/Notes, qui signale cette affaire et à qui nous empruntons ses transcriptions : « La photo n’a pas été envoyée par SMS sur le site internet, mais par twitpic. Cette photo n’a pas été envoyée instantanément à 65 millions de personnes, mais à quelques dizaines, déjà dans les contacts de Janis Krums, qui l’ont retwittée. L’information s’est ensuite propagée de proche en proche. Twitter ne disposait alors pas de 65 millions d’utilisateurs, mais d’à peine 10 millions. Ils sont autour de 20 millions aujourd’hui. » S’ensuivent deux exemples très convaincants : Twitter aurait permis à des touristes pris au piège dans les attentats de Bombay d’appeler à l’aide en direct (ce qui s’est révélé par la suite être une mystification), et permettrait au maire de Neuilly de communiquer avec ses administrés (dont vingt-cinq seulement suivraient les aventures).

Pourtant, la débauche de chiffres continue : « Totalement gratuit, Twitter ne rapporte rien à ses créateurs. Pourtant, depuis son lancement, il connaît une croissance phénoménale : 1000% par mois . Mais un taux de désaffection important également, les deux tiers de ceux qui y viennent se lassent vite et abandonnent le réseau au cours de quelques semaines . » Or, comme le précise Tech/notes : « Lors des meilleurs mois, en mars dernier, la croissance était d’un mois à l’autre de plus de 130% aux États-Unis selon comScore, qui ne mesure que les visites internet. La croissance de 1000%, il est vrai évoquée, porte sur la comparaison par rapport à l’année dernière, ce qui n’a absolument rien à voir. Quant au taux de désaffection, l’analyse est biaisée. Ce taux de 60% évoqué par Nielsen porte sur les déconnexions d’un mois sur l’autre (rien ne dit que l’on n’y revient pas le mois d’après) et ne prend pas en compte l’usage des applications externes, prépondérant. Or, on peut très bien s’inscrire sur Twitter.com, y revenir rarement, et utiliser pourtant le service. »

 « Drôle » de silence : et les « usagers pris en otage »… par les gardiens de prison ?

Pendant plus d’une semaine, un mouvement social des gardiens de prison entraîne le blocage de plusieurs prisons françaises, blocage qui a des conséquences graves sur la vie des prisonniers et de leurs familles. En effet, les gardiens en colère empêchent les transferts de prisonniers au tribunal pour assister aux audiences les concernant, mais aussi les visites des proches, des avocats et des visiteurs de prison. Pourtant, aucun média ne semble s’offusquer de cette « prise en otages » d’« usagers » d’un « service public ». Bizarre...

III. Joyeux éditorialistes !

Il n’est bien sûr pas question de contester à nos chers éditorialistes leur chère liberté de « penser », fût-ce celle de penser n’importe quoi ou de l’écrire n’importe comment. Mais heureusement, à de rares moments, la force du propos est telle qu’on parvient à en rire plutôt qu’à en pleurer. C’est le cas des quelques chefs d’oeuvre suivants.

 Grand prix du lyrisme européiste

Comme d’habitude lorsqu’il s’agit d’Europe, le patron de Ouest-France François-Régis Hutin (dont la femme Jeanne-Françoise préside la Maison de l’Europe de Rennes et de Haute-Bretagne) ne lésine pas sur le lyrisme pour inciter ses lecteurs à aller la célébrer dans les urnes. Qu’on en juge, à travers cette belle « histoire », qui clôt son éditorial du 4 mai 2009 :

« Cette Europe-là a décidé, un beau jour de 1950, un jour de printemps plein de promesses, de s’organiser pour vivre en paix, pour faire progresser le bien-être de ses habitants, pour les rendre tous dignes et heureux de vivre, pour exploiter en commun les richesses, partager les connaissances, dépasser les rancunes et les rancoeurs, sauvegarder les diversités, rassembler les efforts , en un mot, pour faire grandir et pour épanouir les 480 millions d’hommes et de femmes qui la peuplent.

Elle a alors fait savoir à tous que, désormais, elle s’appelait l’Union. L’Union européenne . C’est elle, c’est cette Union qui, issue de nous, vient vers nous pour nous inviter à participer, encore et encore, à son organisation, pour qu’elle soit véritablement reconnue parmi des nations immenses qui grandissent autour d’elle. Reconnue comme une amie , comme une puissance aussi, mais une puissance respectueuse des autres.

Elle vient vers nous, ses citoyens, pour leur dire que seule la réunion de tous les Européens assure leur avenir dans la paix . Et tout cela au milieu d’une crise économique mondiale dont elle s’efforce de limiter les effets qui, sans elle, seraient encore plus dévastateurs.

Voilà d’où nous venons, voilà les enjeux qui sont devant nous, voilà pourquoi nous allons désigner certains d’entre nous, le 7 juin. Pour poursuivre la construction de cette Union que tant de peuples dans le monde admirent et envient . »

 Grand prix du plus fin stratège

Le même jour, dans Libération Laurent Joffrin conçoit des plans de bataille. L’objectif : « Comment battre Nicolas Sarkozy ? ». La tactique est simple : elle consiste à exclure a priori l’extrême-gauche (PCF, NPA, etc...) puisque « rien n’est possible avec la gauche radicale qui poursuit d’autres rêves », pour une « stratégie nouvelle » qui saisirait la main de Bayrou, voire celle de Villepin. La « maison commune de la gauche » commence à pencher sérieusement à droite.

« C’est un passeport pour la défaite. L’Union de la gauche […] c’est maintenir la droite au pouvoir », déclame le stratège qui poursuit : Il est en revanche une stratégie nouvelle qui inquiétera beaucoup plus l’Elysée. Ce n’est pas « l’alliance au centre », comme on le dit platement. C’est la constitution d’un espace politique, culturel et social neuf : la grande coalition de l’après-Sarkozy […] les forces écologistes, les socialistes à l’ancienne comme Jean-Luc Mélenchon, le PS, les partisans de François Bayrou et même les gaullistes sociaux et républicains tentés par un Dominique de Villepin. De quoi s’agit-il ? »

Dans la suite de l’édito, il s’agit d’abord de faire la leçon au PS, « parti de gouvernement habitué aux ors et aux rites, posé sur l’axe horizontal droite-gauche, le PS a du mal à comprendre l’autre dimension, verticale, de la vie politique. La coupure droite-gauche est elle-même traversée d’une deuxième coupure, celle qui sépare le peuple et les élites [4]. » Et surtout de lui vendre Bayrou, « solitaire, improbable, centriste reconverti dans l’insolence, ancien bègue maniant le verbe comme une épée, sorte de Démosthène des campagnes », qui « plaît surtout à gauche », comme le montre un opportun sondage. « La discussion ouverte, publique, franche, sur le fond, telle que l’a proposée par exemple un François Hollande, qui reste le stratège le plus intelligent du PS, est une urgence.

Et c’est le « stratège le plus intelligent » de Libération qui l’affirme : « Les peuples prennent conscience de la folie libérale qui nous a conduits à la crise. Ils veulent une alternative. Celle-ci ne se trouve pas dans les grimoires de l’ancienne gauche. » Grimoires qu’on descendra donc à la cave de la maison Libération.

 Grand prix de l’éditorial le plus social

La sortie de l’étude de l’Insee sur la pauvreté en France, a donné des ailes aux éditorialistes (qui ne l’ont vraisemblablement même pas lue en entier), et à André Schlecht en particulier : « La tranche des 10% de salariés déjà les mieux payés a bénéficié des augmentations les plus fortes. Et c’est exactement l’inverse pour les 10% déjà les plus mal lotis. Cette distorsion est particulièrement nette depuis 2003 : c’est dire qu’entre les extrêmes, la distance n’a cessé de s’allonger. Certes, l’égalité matérielle est et restera une chimère . Et égalitarisme peut rimer avec totalitarisme. On peut aussi justifier les différences  : à chacun selon ses mérites, son dynamisme, ses responsabilités, ses diplômes... Une autre notion mérite cependant d’être cultivée : celle du tissu social. À force d’être étiré, ce tissu risque de rompre, ce qui rendrait vaine toute référence à une loi, un droit, un destin communs. » (L’Alsace, 7 mai 2009).

 Prix spécial du plus grand pédagogue

Subtile analyse de Jean Levallois sur le très médiatisé bilan des deux ans de présidence Sarkozy, : « Le président a sans doute raison de vouloir faire évoluer la France, mais c’est une autre affaire que d’en convaincre les Français. D’autant que les réformes, les meilleures sur le fond, sont systématiquement gâchées dans la forme . Il y a trop souvent humiliation et mépris à l’égard de la catégorie socioprofessionnelle concernée. C’est du gâchis. Alors que sur le fond, en écoutant et en s’expliquant posément davantage, les réactions auraient été différentes . C’est incontestablement le point faible de la méthode Sarkozy. » (La Presse de la Manche, 6 mai 2009).

Le point fort de cette analyse tient sans doute dans cette savoureuse évocation du regrettable « mépris » sarkozien : aucun « mépris » en revanche sous la plume de notre éditorialiste qui, comme tous ses pairs directeurs de conscience, nous expliquent « posément » que si les contre-réformes actuelles sont rejetées, c’est qu’elles sont mal comprises. Merci Jean pour la qualité pédagogique de votre message.

 Grand prix ex-aequo de l’éditorial le mieux informé sur la « réforme » de l’Université.

En ce 5 mai, Yves Thréard dans Le Figaro et [Jean-Michel Apathie sur son bloghttp://blog.rtl.fr/aphatie/index.html?date=20090505] ne comprennent rien à la contestation dans les universités françaises. Sauf une chose : c’est encore un coup des « gauchistes » !

(1) Yves Thréard dégaine :

«  Bien malin celui qui comprend aujourd’hui les motifs précis du désordre régnant dans certaines universités. Dans une vingtaine de facs, la tenue des examens est menacée, voire reportée à la rentrée de septembre. Le parent pauvre de l’enseignement supérieur français continue de creuser sa tombe par la faute de quelques enragés. Il y a pourtant urgence à le guérir, sans quoi il finira par disparaître sans fleurs ni couronnes. […] La timidité ou l’incohérence des politiques menées sont à mettre en cause. Tout comme l’agitation perpétuelle entretenue par les syndicats d’enseignants et d’étudiants qui ont transformé certains établissements en bastions de la contestation gauchiste  : c’est tellement vrai qu’à force de le répéter, le constat pourrait paraître caricatural. » Un peu inquiet par cette perspective, mais rassuré par l’obscurité impénétrable de sa phrase, Yves Thréard enchaîne sur la seule vérité qui vaille : « Le gouvernement a donc eu raison de s’attaquer à cet immense chantier dès son arrivée aux affaires. La loi sur l’autonomie des universités (dite LRU), acceptée par tous , fut votée à l’été 2007. »

Après cette vérité historique, vient le temps d’évoquer les décrets contestés. La présentation, concise, est saisissante : Sans entrer dans les détails, l’idée générale est d’aller vers plus d’efficacité. Et pourtant, la pagaille persiste ici ou là. À tel point que la loi LRU est, elle aussi, remise en question. On ne saurait trop placer tout le monde devant ses responsabilités . Les présidents d’université,[…] Les étudiants […] Les enseignants-chercheurs, dont certains ont jeté leurs élèves dans la rue afin de protéger leurs propres avantages . »

Et le gouvernement ? « Dans ce bras de fer, l’approche du gouvernement est restée pragmatique. Si idéologie il y a, elle est bien du côté des empêcheurs de tourner en rond de l’université. Le systématisme de leur opposition est mortifère  »… Quand les éditos du Figaro sont si vivifiants…

(2) Apathie réplique :

«  La crise universitaire est déroutante . Par ses formes, d’abord. […] Et sur le fond, quels sont les problèmes, les revendications, les espoirs ? Généralement, ceux qui s’expriment dans ce mouvement affichent leur hostilité à l’autonomie décidée par une loi récente. mais quoi exactement dans l’autonomie ? Qui peut le dire  ? En application de ce statut d’autonomie, un décret récent sur les conditions d’enseignement et de recherche vient d’être pris en Conseil des ministres. Ce décret là aussi, malgré une réécriture profonde, semble encore poser problème. De quelle nature ? Et d’une telle gravité qu’aucun accommodement, aucun compromis ne soit possible ?

Bien sûr, des réponses existent à ces questions. Nous en avons tous entendus. Mais elles se situent le plus souvent à un tel niveau de généralités que l’ on ne les retient pas et se perd ainsi la logique d’un conflit dont on ne comprend ni la logique, ni le déroulement.

Résumons : Apathie ne connaît pas ce dossier auquel il ne comprend rien et dont il ne retient pas grand-chose. Sauf cette « idée » : «  Seule surnage l’idée que les diplômes qui seront délivrés cette année dans certaines disciplines n’auront que peu ou pas de valeurs . Voyez d’ailleurs comme tout est opaque . Cette grève et ces blocages n’ont ni visages, ni leaders. Pas une figure ne s’impose dans le débat. Situation anormale, aussi rare qu’étrange . Du coup, les interrogations fleurissent, que Le Figaro de ce matin synthétise de manière affirmative, ce matin, sur sa Une : « Universités, comment l’extrême gauche impose le blocage ».

Et Apathie de s’interroger à son tour sur les interrogations « synthétisées de manière affirmative » du Figaro : «  Est-il pour autant crédible de penser que cette extrême gauche est responsable du désordre dans les facultés françaises ? A défaut d’être juste, l’idée qu’il existe un chef d’orchestre clandestin est rassurante. Au moins, il y a un chef d’orchestre. En réalité, il ne doit pas y en avoir. Cette grève apparaît plutôt comme le long aboutissement de frustrations et d’amertumes diverses, qui ont macéré dans ce lieu clos et préservé qu’est l’université. » Une macération qui a finalement produit un «  long mouvement triste qui peut s’observer davantage comme l’expression d’une dépression collective que d’une entreprise festive. »

Mais heureusement, Jean-Michel est là pour nous redonner le sourire : son ignorance permet de vérifier la qualité du traitement médiatique du conflit

IV. Intermède comique  : Un étudiant piège la presse anglo-saxonne sur Wikipedia

Dans le cadre de recherches sur la globalisation, un étudiant irlandais a mené une expérience en vue d’étudier la diffusion d’informations sur Internet. Juste après la mort du compositeur Maurice Jarre, il a donc ajouté à sa page Wikipedia deux fausses citations [5]… que plusieurs journaux anglo-saxons, dont The Guardian et The Independent, se sont empressés de reprendre. Et la supercherie n’aurait jamais été découverte si l’étudiant ne l’avait pas lui-même signalée aux journaux concernés.

Une occasion de rappeler que la fiabilité de Wikipédia peut pâtir de son fonctionnement, en dépit de la volonté qu’ont ses créateurs d’en améliorer le contrôle. Une occasion surtout de souligner l’écart entre les éditoriaux de la « grande presse », prompte à vilipender les « dérives » d’internet, et les pratiques et les conditions de travail de ses journalistes qui, soumis à des formats et des délais contraignants, prennent l’habitude de chercher leurs informations sur le web et sur Wikipedia, sans prendre le temps ni la peine de les vérifier et de les recouper.

V. La gaie guerre des pétitions

Le dernier conflit opposant Siné Hebdo à Charlie Hebdo a fait couler beaucoup d’encre. Alors qu’une pétition « Délinquants solidaires » contre le « délit de solidarité » a été lancée le 8 avril sans promotion excessive par des militants soutenus par plusieurs ONG, on apprenait qu’un groupe d’intellectuels entendait lancer sa propre pétition (devenue entretemps un « manifeste ») sous la houlette de Siné Hebdo. Une version inachevée de leur texte étant parvenue par erreur à Charlie Hebdo trois heures avant son bouclage, Siné Hebdo accuse son concurrent de lui avoir volé son texte, pour le transformer en pétition, et sans dire un mot de la première [6]. Dans une mise au point parue dans le numéro suivant [7], Charlie reconnaît l’antériorité de l’initiative de son concurrent, qu’il prétend « signe[r] » et il l’invite à mettre en commun les forces des deux journaux, car « il n’est pas question d’une concurrence entre Charlie et Siné Hebdo lorsqu’il s’agit de mettre le nez de Besson dans ses mensonges ».

Une fois encore, Charlie Hebdo, qui manie avec grande dextérité la langue de bois par les voix de Charb [8] ou de la rédactrice en chef récemment promue Sylvie Coma (qui déclare : « Et puis c’est de bonne guerre : Siné nous a piqué notre maquette, notre listing… Il nous cherche ? La guerre, c’est des deux côtés ! »), ne sort pas grandi de cette affaire. Siné Hebdo entendait situer son « Manifeste des 144 » dans la lignée du « manifeste des 121 pour le droit à l’insoumission pendant la guerre d’Algérie » (1960) et du « Manifeste des 343 salopes » pour la dépénalisation de l’avortement » (1971). Hélas, il est probable que son impact sera bien moindre. Le larcin de Charlie Hebdo et l’inévitable querelle qu’il a provoquée n’y seront pas pour rien.

* Et pour finir : un heureux événement…

Et pour finir, la nouvelle la plus réjouissante de ce début de printemps, rapportée par l’hebdomadaire TV Magazine le 26 avril :

« (…) A Paris, à la mairie du XIVe, Françoise Laborde s’est mariée. L’ex-journaliste des 4 vérités, devenue membre du CSA, a dit oui à son complice de longue date Jean-Claude Paris, directeur d’I-télé. L’événement s’est déroulé en présence de sa famille (elle a dansé le soir au Café Barge avec sa sœur Catherine, madame météo de TF1) et de nombreux amis, comme Véronique Genest, Liane Foly, Roselyne Bachelot, Patrick Devedjian, François Bayrou ou encore le patron de Paris première, Jacques Expert. » Les cheminots n’avaient pas été invités. Pour savoir pourquoi, suivre la note [9].

Tous nos vœux de bonheur et d’indépendance.

 
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Notes

[1« Leica Geosystems pour le marquage, Sudlac pour la peinture biodégradable, Berthoud pour les pulvérisateurs, Adventure pour les prises de vues aériennes, la Haute Route et Canada Goose pour les équipements grand froid. »

[2Voir aussi, sur ces deux pages d’anthologie, l’article de Sébastien Fontenelle sur son blog. (lien désormais inaccessible, novembre 2010)

[3« Ban sur le bec ! »- Alerté par un correspondant, nous avons supprimé l’affirmation totalement réductrice selon laquelle Facebook était présenté dans ce reportage « comme un repaire de trafiquants et de pédophiles ». - Acrimed, le 16 mai 2009.

[4Pour une explication en images de cette thèse joffrinienne, on (re)visionnera avec bonheur la vidéo d’une conférence de Laurent Joffrin publiée sur Dailymotion par Cyberbougnat.

[5« On pourrait dire que ma vie elle-même a été une musique de film. La musique était ma vie, la musique m’a donné la vie, et la musique est ce pourquoi je vais rester dans les mémoires longtemps après que je quitterai cette vie. » et « Quand je mourrai, il y aura une dernière valse jouant dans ma tête, que je pourrai seul entendre. »

[6Que Siné Hebdo signale suite à son « manifeste », publié depuis dans la précipitation

[7le jour de la publication du manifeste de Siné Hebdo

[8Lien désormais introuvable, juillet 2010.

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