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Louis Sarkozy : le capital médiatique s’hérite aussi

par Pauline Perrenot,

Le journalisme politique dans sa bulle.

« Cyprien, vous nous révélez une information qui va faire du bruit, plastronne Apolline de Malherbe au micro de RMC. Louis Sarkozy, le fils de l’ancien Président, se lance en politique ! » (11/12) Grande connaisseuse du microcosme médiatique parisien, l’intervieweuse en chef du groupe de Rodolphe Saadé avait – malheureusement – vu juste : la « nouvelle » fait frétiller la presse people (Gala, Public, Purepeople, etc.) autant que le petit monde des journalistes politiques, où l’information est tellement dévaluée que n’importe quel non-événement est promis à un avenir de fait politique.

Huit mois après avoir publié un commentaire tout à fait insipide d’une interview de Louis Sarkozy au Financial Times [1], Libération se sent ainsi obligé de titrer sur l’« exclusivité » de RMC : « Soyez prêts : Louis Sarkozy veut se lancer en politique » (12/12). Une raison d’être pour la rubrique en question, « Chez Pol », entièrement dédiée à « ausculte[r] » les « indiscrétions piquantes, maladresses vaches ou douces confessions » agitant le monde politique…

Le Figaro signe quant à lui un énième article à la gloire des « nouvelles ambitions » du fils Sarkozy (11/12), de concert avec les médias d’extrême droite, qui lorgnent sur son « ambition politique » (Valeurs actuelles, 12/12) au point de préparer leur lectorat à « tout savoir sur le fils de Nicolas Sarkozy » (CNews, 12/12), « un héritier pas comme les autres » qui « esquisse une vision tournée vers l’avenir » (Le JDD, 14/12) en « incarnant une droite réinventée, quitte à casser les codes » (Valeurs actuelles, 15/12). Défense de rire. Toujours à l’affût des coulisses, Le Parisien sort quant à lui la boîte à cirage : « Louis, le Sarkozy revenu des États-Unis pour percer en politique : "Il est jeune, impétueux, fougueux, talentueux" » (12/12).

Et de média en média, de peopolisation en mimétisme, on fait peu à peu gonfler le capital : « On a passé la soirée avec Louis Sarkozy et les Jeunes Républicains dans un bar parisien » (Le Point, 15/12) ; « Rencontres avec des ministres, médiatisation… Comment Louis Sarkozy affirme son ambition politique » (Ouest-France, 14/12) ; « Tel père, tel fils : Louis Sarkozy se lance en politique » (France Inter, 16/12) ; « À peine lancé en politique, Louis Sarkozy déjà adoubé par de nombreuses personnalités : "Il en a sous la pédale" » (Gala, 16/12).

Inutile de s’attarder sur le contenu de ces articles, caractéristiques de la médiocrité du journalisme politique, dont les choix d’agenda et le sens des priorités ne cesseront jamais de surprendre. Leur complaisance prolonge la critique que formulait Arrêt sur images (9/11) à propos de la consécration du « toutologue le plus pistonné de la télé », « filleul de Martin Bouygues, président du groupe Bouygues, actionnaire principal du groupe TF1 ». Groupe TF1 où officie évidemment Louis Sarkozy (sur LCI), en plus des chroniques qu’il commet dans Le Figaro (entre autres).

Visibilité et notoriété médiatiques étant deux critères absolument indispensables à toute carrière politique en devenir, on peut d’ores et déjà affirmer que ces médias – soutiens historiques et indéfectibles du clan Sarkozy – sont un tremplin de premier plan pour le capital du fils… comme pour le népotisme du père. Le gros des troupes de l’audiovisuel suivra tôt ou tard : le livre de Louis Sarkozy (sur Napoléon) est « en cours de traduction chez un grand éditeur français » (dixit la Fondation Napoléon). Tic, tac, tic, tac… matinales radio et magazines télé ne semblent plus très loin. Lesquels, nous n’en doutons pas, rivaliseront de mondanités pour égaler l’émerveillement dont témoignait Anne-Élisabeth Lemoine face à Louis Sarkozy dans « C à vous »… il y a cinq ans : « On voit bien que vous lisez, beaucoup. Vous êtes très cultivé ! » ; « Qu’est-ce qu’il parle bien ! » ; « Votre maman dit qu’elle vous voit un avenir politique, non mais vous avez ça dans le sang, franchement, Louis ! »


Pauline Perrenot

 
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Notes

[1« Aux petits plaisirs de Louis Sarkozy », Libération, 28/04.

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