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Les méfaits de la sondomanie en 2006-2007

Extrait de Tous les médias sont-ils de droite ?, par Mathias Reymond et Grégory Rzepski pour Acrimed

Il y a sondages et sondages :
- les sondages de comportement (« Vous arrive-t-il de naviguer en Méditerranée ? Sur le yacht de Bolloré ? ») qui peuvent être une source précieuse d’information (selon les pratiques effectives abordées…) ;
- les sondages d’intention de vote – sondages d’intention de comportement - (« si l’élection présidentielle de 2012 devait avoir lieu dimanche prochain, pour qui voteriez-vous ? ») ;
- et les sondages d’opinion (« Pensez-vous que Nicolas Sarkozy a/ devrait se consacrer au jardinage ? ou b/ devrait jouer du piano plus souvent ? ») qui construisent artificiellement une « opinion publique » qui n’existe sous cette forme que… grâce aux sondages.

Si l’on ne retient que les deux derniers types de maniements de la sonde, quelles valeurs scientifiques peut-on leur accorder, et surtout quelle est leur portée démocratique ?

Des approximations trompeuses

La prolifération des sondages par temps de campagne est une tendance générale dans les « démocraties modernes ». Aux Etats-Unis, la sondomanie s’est ainsi fortement installée avec le temps : on comptait 3 sondages lors de l’élection présidentielle de 1972, 122 en 1980, 259 en 1988 [1] et « en octobre 2006, selon Patrick Lehingue, à l’occasion des élections de mi-mandats (mid-term), il se publiait les deux dernières semaines, autour de 60 sondages (nationaux ou par Etat) chaque jour [2]… » En France, souligne Alain Garrigou, « chaque élection les suscite si longtemps à l’avance qu’on ose à peine parler de campagne électorale – à moins que ce ne soit l’ordinaire de la politique. » Et de préciser ce que fut cet « ordinaire » en 2002 : « Plus de six mois avant l’échéance présidentielle des 21 avril et 5 mai 2002, ils devinrent hebdomadaires ; et dans les trois premiers mois de l’année, quarante-deux furent effectués par les six principaux instituts. Au seul mois de mars, vingt-six avaient bénéficié de la une de quatre quotidiens (Le Figaro, Le Monde, Libération, Le Parisien) [3]. » Des enquêtes très prémonitoires, on s’en souvient…

La tendance n’a pas été inversée lors de la campagne de 2007. Pour le seul mois de septembre 2006, 19 sondages portant sur l’élection présidentielle à venir ont été publiés [4]. De plus en plus nombreuses, ces publications sont également de plus en plus précoces. Ainsi, le 20 avril 2006, en « une » du Figaro, étaient présentés les résultats d’un sondage qui « donnait » une légère avance à Ségolène Royal (51 contre 49) sous le titre : « 2007 : Royal et Sarkozy champions de leur camp. »

Que valent ces prétendues photographies ? Si les sondages réalisés à quelques jours du scrutin équivalent, plus ou moins, à des simulations de vote, approximatives, mais quasiment en situation, il n’en va pas de même de ceux qui sont effectués plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant une élection. Avant la campagne électorale, avant les débats publics, avant toute connaissance de la liste exacte des candidats, bref avant ce processus de prise de position qui s’intensifie à l’approche de l’échéance. On ne vote pas, au moins tendanciellement, sans se demander pour qui ni pour quoi. Question type des sondeurs : « Si dimanche prochain, vous deviez voter... ». Or, justement, le scrutin n’a pas lieu « dimanche prochain ».

Des sondés insondables [5]

A deux semaines du premier tour, les «  photographies » sondagières sont encore très floues. Ainsi, dans un entretien au Parisien Dimanche, le 8 avril 2007, Roland Cayrol, directeur général de l’institut CSA, estime que la proportion d’indécis est plus élevée chez les électeurs du candidat centriste car François Bayrou « est le réceptacle des déçus provisoires de Ségolène et de Sarko. Ces électeurs ne se sont pas complètement identifiés à leur nouveau choix. Ils se demandent s’ils vont aller jusque-là. » Il ajoute : « La marge de progression – ou de régression – de Bayrou est la plus forte de tous les candidats. Il peut terminer entre 12 et 29% ». Belle marge, en effet, évidemment attribuée à l’indétermination supposée de l’opinion et non à l’indétermination avérée des sondages. Ajoutons que le même institut donnait, le 20 avril, les résultats suivants : Sarkozy à 26,5% ; Royal à 25,5% ; Le Pen à 16,5% et Bayrou à 16% [6]. Au lendemain du premier tour, les résultats officiels accordent un avantage de 3 millions de voix à Bayrou sur Le Pen….

Confrontés à des approximations d’une telle amplitude, les sondeurs répondent que les tout derniers sondages, avant le premier tour de l’élection présidentielle, ont donné grosso modo la répartition des votes : faible score des « petits candidats » (tous en dessous de 5%) et confirmation de l’ordre d’arrivée des quatre candidats les plus « importants » (bien que le score de Le Pen fut surévalué de 3% dans les derniers sondages préélectoraux et le score de Sarkozy, à l’inverse, sous-évalué de 3% également). Et les sondages, entre les deux tours, se sont rapprochés du résultat final de l’élection, le 6 mai. Faut-il pour autant accepter, sans discernement, une technologie apparemment aussi fiable ?

Tous les sondages d’intention de vote préélectoraux ne se valent pas : les sondages réalisés plusieurs semaines avant un scrutin, diffèrent profondément de ceux qui sont réalisés quelques jours auparavant. Aussi devraient-il appeler une interprétation différente..

D’abord parce que ces sondages-là présentent un taux de « non réponses » très élevé parmi les enquêtés effectivement interrogés et un nombre très important, non repris, de refus de répondre globalement au questionnaire. Les enquêteurs des instituts de sondage composent entre 7 000 et 10 000 numéros de téléphone pour obtenir un échantillon de 1 000 personnes, « représentatif » du corps électoral. Ensuite parce que ce taux de « non réponses » varie énormément suivant les instituts de sondage. Les sondages réalisés tout au long de la campagne présidentielle de 2007 par six instituts (CSA, BVA, IFOP, SOFRES, IPSOS et LH2) présentent des taux de non réponse variant, suivant les instituts, entre 6% et 24%. Enfin parce que ces « non-réponses » sont traitées comme des « abstentions » et sont donc exclues de la présentation des scores attribués à tel ou tel candidat. Or, considérer, à 6 mois d’une élection, que les enquêtés qui ne répondent pas ont décidé de s’abstenir, comme le font les instituts, ne peut amener qu’à des erreurs d’interprétation des données collectées.

Ainsi, les courbes, fabriquées minutieusement, semaine après semaine, par les entreprises de sondages et censées suivre les fluctuations des intentions de vote des électeurs (« les évolutions de l’opinion » disent les instituts) ne livrent, en fait, que l’évolution du niveau de la mobilisation électorale… Plus que des intentions de vote d’un corps électoral identique à lui-même et que l’on interrogerait en permanence, les enquêtes d’opinion successives témoignent en réalité des évolutions, en fonction de la mobilisation électorale et de la date du scrutin, des caractéristiques des échantillons de population acceptant de répondre à ce type d’enquête et, partant, de l’évolution de la marge d’erreur des sondages eux-mêmes. Bref : ces derniers peuvent être trompeurs, même quand les sondologues prétendent ne pas s’être trompés.

Il n’empêche… « On refait le match » : avec cette manchette « sportive », le 4 novembre 2007, Le Journal du dimanche revient en « une » sur l’élection présidentielle passée. Six mois après la victoire de Nicolas Sarkozy, la publication d’un sondage IFOP est le prétexte à cette couverture illustrée par les photos de Ségolène Royal et de son vainqueur. L’« enquête » a précisément consisté à « tester » auprès d’« échantillon représentatif » les questions suivantes : « Si dimanche prochain avait lieu le premier ou le second tour de l’élection présidentielle, pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? » Les résultats favorables à Nicolas Sarkozy inspirent cette « analyse » au sondologue Jean-Luc Parodi : « Invités à revoter six mois après l’élection présidentielle, les Français se montrent pour l’essentiel fidèles à leurs choix d’avril-mai. » Cette invention du vote rétrospectif résume, non seulement la valeur scientifique des sondages, mais surtout leur portée démocratique.

Des incitations ravageuses

Coproduits par les médias et les spécialistes, mais aussi par les équipes de campagne des candidats et par les candidats eux-mêmes, les sondages satisfont les intérêts bien compris des premiers et les croyances plus ou moins illusoires des seconds. Reste à prendre la mesure des effets de cette coproduction.

1. La sondomanie a des effets sur la campagne elle-même, qu’elle contribue à dépolitiser. Comme le souligne Patrick Lehingue, le commentaire incessant des fluctuations des courbes de sondage se fait, « au détriment des enjeux économiques ou sociaux qu’une campagne électorale se devrait de décanter, de hiérarchiser et de traduire en propositions programmatiques [7] ». Autrement dit, selon le même auteur, on assiste à « une véritable redéfinition en actes de ce qu’est un scrutin, des fonctions qu’il doit remplir, du rôle que doivent jouer les campagnes électorales [8] ». Ainsi, « seule “l’issue” (qui sera le vainqueur ? le vaincu ? le 3e homme ?) importe, et ce que les anglo-saxons nomment les “issues” (les enjeux) tendent à être éclipsés par cette couverture médiatique en termes de course de petits chevaux [9]. »

Focalisés sur l’issue du premier tour, même quand la liste des candidats n’est pas connue, ces sondages sont du même coup focalisés sur l’affrontement au second tour des candidats susceptibles d’arriver en tête. Les sondologues se protègent en répétant qu’il s’agit de photographies et non de prédictions. Mais la publication à une fréquence élevée et longtemps à l’avance de sondages qui opposent les deux candidats potentiels ou déclarés des deux principales formations politiques tend à accréditer la perspective de leur affrontement inévitable. « Mi-avril 2006, un sondage Ipsos-Le Point annonçait un avantage pour Ségolène Royal sur Nicolas Sarkozy (51% contre 49%). Quelques jours plus tard, un sondage TNS-Sofres-Unilog annonçait un avantage de Nicolas Sarkozy sur Ségolène Royal (51% contre 49%). Début juillet, selon un sondage Ifop-Paris Match (7 juillet 2006), Ségolène Royal battrait Nicolas Sarkozy au second tour (51% contre 49%). Mais un autre sondage annonçait immédiatement après un résultat exactement inverse (Ipsos-Le Point, le 12 juillet 2006) [10]. » Si le résultat d’un tel battage n’est pas garanti (Lionel Jospin l’a appris à ses dépens en 2002), les partis et les citoyens se voient ainsi invités à avaliser l’identité des « principaux » candidats et leur ordre d’arrivée « normal » au premier tour puisque, comme l’explique Alain Garrigou, « les duels purement fictifs sont ainsi de moins en moins perçus comme fictifs, tant la répétition donne de la consistance aux anticipations [11]. » Mais si « les jeux sont faits », à quoi bon jouer et, a fortiori, débattre ? Or les jeux ne sont pas faits et, au grand désespoir des sondeurs, les électeurs n’accréditent pas systématiquement ce que les fictions sondagières leur suggèrent.

Quoi qu’il en soit, les sondomaniaques s’emparent de ces photographies pour construire la trame narrative de leurs commentaires, à l’affût des moindres variations qui témoigneraient de l’évolution de l’opinion ou de possibles rebondissements. Pendant la campagne, presque chaque semaine, à la « une » du Journal du dimanche, un titre adossé à un sondage IFOP annonce ainsi un nouvel épisode de la compétition. Echantillon : « Les trouble-fête » (sur Le Pen et Bayrou, le 29 octobre 2006) ; « Hulot : l’enquête choc » (le 5 novembre 2006) ; « Au coude-à-coude » (sur Royal et Sarkozy, le 3 décembre 2006) ; « La surprise Hulot » (le 7 janvier 2007) ; « La tentation Bayrou » (le 28 janvier 2007) ; « La présidentielle est-elle jouée ? » (le 18 février 2007) ; « Royal-Sarkozy à nouveau au coude-à-coude » (le 25 février 2007) ; « François Bayrou à égalité avec Ségolène Royal » (le 11 mars 2007) ; « Sondage : léger mieux pour la candidate socialiste » (le 18 mars 2007) ; « Bayrou : le coup d’arrêt ? » (le 25 mars 2007) ; « Pourquoi il monte… » (sur Sarkozy, le 8 avril 2007) ; « Ségolène : le nouvel espoir » (le 15 avril 2007).

Jusqu’à la dernière semaine précédant le premier tour du scrutin, le suspense est maintenu. Mais ce n’est pas tout…

2.
La sondomanie fonctionne comme une invitation adressée aux électeurs à se déterminer non en fonction des projets (les enjeux) mais en fonction des scores escomptés. C’est d’ailleurs ce que reconnaissent, dans Le Monde, le 30 mars 2007, deux valeureux serviteurs de la sonde, Roland Cayrol et Stéphane Rozès de l’institut CSA, dans une tribune sobrement intitulé « Plaidoyer pour les sondages ». A les lire, la critique des sondages est sous-tendue par un violent rejet du système démocratique. Et surtout : « Grâce au sondage, le citoyen peut mesurer, en toute responsabilité, le poids de son vote personnel. Ceux qui crient haro sur les sondeurs, ne se méfieraient pas, plutôt, de l’opinion ? » « Mesurer le poids de son vote personnel » ? Vraiment ? Et est-ce le plus important ?

Peu importe à nos sondeurs si la mesure est d’autant plus aléatoire que l’on est éloigné de la date du scrutin et si la spéculation des électeurs sur la cote des chevaux engagés dans la compétition peut les éloigner des débats de fond… Qui peut croire, ne serait-ce qu’un seul instant, que l’incitation sondagière à voter, non en fonction de ses convictions, mais en fonction de calculs électoraux fondés sur des sondages, peut favoriser une politique de transformation sociale digne de ce nom ?

3. Enfin et peut-être surtout, la sondomanie incite les formations politiques à choisir leurs candidats et à profiler leur campagne en fonction des résultats des sondages. Les instituts de sondage ne sont pas seulement des témoins extérieurs de la compétition électorale. Ils en sont des acteurs qui, soutenus par la glose des journalistes, contribuent à sélectionner les candidats et à orienter les débats, à grand renfort d’interprétations biaisées. Ainsi, la plupart des journalistes politiques ont présenté, parmi l’ensemble des prétendants à l’investiture du Parti socialiste, Ségolène Royal comme la candidate de « l’opinion ». Par une heureuse coïncidence, elle fut aussi la candidate des principaux commentateurs, communiant, de gauche à droite, dans la désapprobation de l’archaïsme du PS, dans les railleries convenues sur les « éléphants » du parti ou encore dans la nécessité pour le PS « de s’ouvrir davantage à la société, à tenir compte des sondages, des médias » (Gérard Grunberg du CEVIPOF, Libération, le 17 novembre 2006). Sans doute Ségolène Royal n’est-elle pas une simple créature des sondages et des médias. Mais les médias et les sondages incitent à prendre pour critère du choix du « meilleur candidat » celui qui a « le plus de chance de l’emporter » en fonction de résultats de sondages qui n’ont guère de significations plusieurs mois avant l’élection, comme l’avait déjà montré la promotion sondagière de Balladur en 1995.

C’est ce que relève fort justement Alain Garrigou : « S’il est toujours difficile de se réclamer de bons résultats dans les sondages pour prétendre à l’investiture, ces informations sont assurément dans tous les esprits. Elles commandent des ralliements sans le dire. A moins que cela soit devenu une manière de mettre en scène la politique. On l’a vu en France au printemps 2006 (et ensuite) : après un nouveau sondage opposant Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy avec un score de 51% contre 49% (Sofres-Le Figaro, 26 avril 2006), les réactions politiques étaient reprises par la presse et, le même jour, des dirigeants du Parti socialiste annonçaient leur soutien à la candidate. La coïncidence était peut-être fortuite, mais la dépêche de l’Agence France Presse n’en donna pas le sentiment en annonçant le ralliement de trois présidents de conseil régional dans la même dépêche que le résultat du sondage Sofres [12]. »

Avec les sondages préélectoraux effectués plusieurs mois avant une élection, c’est, en fait, la logique de l’audimat qui est appliquée à la vie politique. On mesure des applaudissements sans nécessairement savoir ce qu’ils signifient et à quoi ils s’adressent.. On pousse les candidats potentiels à faire le cirque devant les caméras pour tenter d’agir sur un score largement illusoire dans l’espoir de se faire plébisciter par les adhérents.

Les équipes des candidats sont obnubilées par l’évolution des courbes d’intention de vote publiées par les médias ou par les résultats des sondages qu’elles font réaliser pour leur propre compte. Cette focalisation conduit à une politique « du coup » qui renforce le caractère feuilletonesque de la campagne. Ce qui est vrai des sondages d’intention de vote l’est également des sondages d’opinion qui prétendent établir “ ce que l’opinion pense ” des candidats eux-mêmes, de leur capacité à résoudre les problèmes les plus divers (et, plus rarement, des propositions qu’ils avancent dans ce but). Ces sondages-là incitent les candidats (et les formations politiques qui les soutiennent) à proposer, en guise de projets répondant aux besoins sociaux prioritaires de leurs électeurs, des réponses calibrées en fonction des résultats des sondages.

Les instituts de sondage ont réussi à imposer aux petits mondes journalistique et politique (et bien au-delà) l’idée que « l’opinion publique » serait réductible à leurs mesures et qu’il serait légitime de réduire, en son nom, le périmètre du débat politique autorisé. Cette croyance partagée se traduit par une véritable addiction des professionnels de la politique. Ainsi à la suite de l’investiture de Ségolène Royal, l’un de ses porte-parole, Julien Dray, aurait expliqué : « Il faut essayer de donner à manger à tous les sondeurs. Ce sont eux qui orientent les analyses politiques de journaux [13]. » D’après Les Echos du 1er août 2007, « la candidate socialiste a dépensé plus que son concurrent en enquêtes et sondages (836 807 euros), contre 527 800 pour l’UMP. » Comme en 2002 puisque, selon Alain Garrigou, Lionel Jospin avait été le candidat le plus gourmand en sondages (pour 630 000 euros contre 580 000 pour Jacques Chirac) quand Jean-Marie Le Pen, lui, n’avait pas commandé de sondages [14] .

Qui peut être assez aveugle ou assez cynique pour prétendre que la sondagite – cette maladie qui frappe simultanément les instituts, les médias et certains responsables politiques – est devenue la forme supérieure d’élaboration d’une politique « de gauche » ? Qui peut croire, en particulier, qu’il soit indifférent que les thèmes de campagne soient choisis en fonction des verdicts des sondages d’opinion, au détriment des programmes (quand les programmes eux-mêmes ne sont pas élaborés en fonction des sondages d’opinion) ?

On l’aura compris : pour éviter les mauvaises surprises, mieux vaut ne pas confier le choix des candidats à « l’arbitrage » des sondologues des instituts ni à celui des sondomaniaques des médias. Pour éviter que le sens du débat public ne soit capturé par ces amateurs de compétition sportive, peut-être faudrait-il se méfier des sondages. Leur ingérence dans le choix des candidats et dans l’évaluation des débats n’est, par elle-même, ni un gage de démocratie ni une garantie d’efficacité électorale. Bien au contraire. Et cela d’autant moins que la construction médiatique de personnages présidentiables contribue, un peu plus, à effacer les enjeux de la Présidentielle.

 
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Notes

[1D’après Serge Halimi, « Etats-Unis, le triomphe des “ingénieurs en consentement” », dans Elections et télévision, Actes du colloque, Valence, avril 1993, p. 57.

[2Patrick Lehingue, Subunda. Coups de sonde dans l’océan des sondages, éditions du Croquant, 2007, , p. 40.

[3Alain Garrigou, L’Ivresse des sondages, La Découverte, 2006, p. 6.

[4Patrick Lehingue, op. cit., p.10

[5D’après Patrick Champagne, « Sondages : des interprétations scientifiquement infondées et politiquement nocives », 9 mai 2007.

[6D’après La Tribune du 30 avril 2007.

[7Patrick Lehingue, op. cit., p.245.

[8Ibid., p.241.

[9Entretien avec Nicolas Ethève paru dans La Marseillaise, le 16 avril 2007.

[10Alain Garrigou, op. cit., p. 94.

[11Ibid., p. 94.

[12L’Ivresse des sondages, op. cit., p.93.

[13D’après Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, La Femme fatale, Albin Michel, 2007, p. 121.

[14Alain Garrigou, op. cit., p. 116.

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