« Un faux sentiment d’urgence sur les licenciements »
Dans un éditorial, daté du 15 juin 2001 - "La gauche et l’entreprise" - Le Monde continue de tenir à jour la liste des déceptions que lui inflige Lionel Jospin. Ce dernier, non content de ne tenir aucun compte des conseils que Le Monde lui prodigue généreusement et d’avoir dissimulé la vérité sur son passé trotskiste, a multiplié les erreurs en défendant de nouveau dispositif légal sur les licenciements adopté par l’Assemblée Nationale. Nul besoin pour Le Monde d’analyser ce dispositif, évidement discutable : il suffit de dénoncer la coupable erreur qui consiste à avoir manqué de fermeté vis-à-vis du PCF et de gloser sur une "deuxième erreur" : "Céder sur le terrain des licenciements". Que signifie céder sur ce terrain ? La suite nous l’apprend aussitôt :
« Sans doute a-t-il voulu effacer une phrase qu’il a prononcée en septembre 1999 après l’annonce des licenciements chez Michelin : "Il ne faut pas tout attendre de l’Etat", disait-il. Il a souhaité montrer qu’au contraire, c’est à l’Etat de définir les règles sociales. A lui d’imposer aux entreprises de ne licencier qu’en dernier ressort et de les justifier. Mais c’est accréditer un faux sentiment d’urgence sur les licenciements. C’est laisser penser qu’ils se multiplient, alors qu’ils ne cessent de diminuer et alors que le pays n’a jamais créé autant d’emplois que depuis trois ans. C’est oublier que, si urgence il y a, elle est de soutenir la croissance par tous les moyens, croissance qui reste bonne (autour de 2,5 %) mais qui deviendrait médiocre si l’opinion, à force d’entendre les Cassandre, basculait dans la crainte et la rétention de sa consommation. »
Ainsi "imposer aux entreprises de ne licencier qu’en dernier ressort et de les justifier" (...), c’est accréditer un faux sentiment d’urgence sur les licenciements.". Le Monde a raison : il n’a y aucune urgence particulière à protéger les salariés contre les licenciements arbitraires... puisqu’elles le font depuis si longtemps ! Il n’y aurait urgence qu’à la condition que le phénomène soit nouveau ! D’ailleurs si ce sentiment d’urgence est faux, c’est parce que les licenciements diminuent. Quelle urgence pourrait-il y avoir à se soigner quand il y a moins de malades ? D’autant que chacun se souvient qu’au plus fort des licenciements collectifs, Le Monde avait soutenu qu’il y avait urgence, notamment en soutenant Edouard Balladur ! Bref : comment ce qui ne fut jamais urgent pourrait-il le devenir ?
Ce qui est urgent, en revanche, c’est de soutenir Laurent Fabius contre l’excès de timidité sociale-libérale de Lionel Jospin, en attendant de s’ appuyer sur François Bayrou pour compenser l’excès de timidité des deux précédents …
(Première publication : juin 2001 - titre modifié)
Un vrai sentiment d’urgence pour les « catégories favorisées »
Dans un éditorial, daté du 15 juin 2001 - "La gauche et l’entreprise" - Le Monde soutenait que légiférer sur le sujet, ce serait pour l’Etat, " accréditer un faux sentiment d’urgence sur les licenciements".
Dans un éditorial, daté du - "Enrayer les délocalisations" - Le Monde soutient les mesures de dégrèvement fiscal destinées à attirer en France des cadres étrangers (et à retenir ceux qui, de France, voudraient partir). Comme le relève notre éditorialiste anonyme, " Toutes ces mesures vont dans le sens de l’allégement et de l’exonération de charges pour des catégories favorisées ". Et de conclure triomphalement qu’il est urgent de les adopter : "des projets de délocalisation sont à l’étude dans un grand nombre de groupes actuellement implantés en France. Il faut agir vite pour enrayer ce mouvement."
(Première publication : octobre 2001- titre modifié)
Une invention urgente du monde : un médicament pour l’industrie pharmaceutique
Le Monde daté du mercredi 7 mars 2001 étale son indignation en titre à la "une" : "Sida : le profit contre la santé".
Ainsi se trouvent stigmatisées les entreprises pharmaceutiques qui ont porté plainte devant la Haute Cour de Pretoria contre le gouvernement sud-africain qui a adopté une loi autorisant la fabrication de médicaments génériques (notamment contre le Sida), en dépit des brevets qui les protègent. Pendant la durée de la procédure, l’application de la loi est suspendue : combien de morts à mettre au compte de l’acharnement judiciaire des défenseurs du profit ? A quand le procès pour non-assistance à - millions de - personnes en danger de mort en raison des coûts prohibitifs de médicaments essentiels ? Le Monde ne pose pas ces questions...
En revanche, l’éditorial de la page 20 pontifie avant de prescrire : "Là comme ailleurs, il n’y a pas de formule simple ou toute faite". Or, pour faire face à la complexité, il faudrait, notamment, tenir compte de "l’argumentaire" du gouvernement américain : "les brevets, d’une durée de vingt ans, sont le stimulant (financier) nécessaire à la recherche". A quoi l’éditorial réplique : "Peut-être. Mais...". Mais quoi ? Vient alors la prescription libérale sociale : " Mais il devrait revenir aux gouvernements du Nord de consacrer une part de l’aide au développement au rachat des brevets ou à un système de compensation des sociétés pharmaceutiques". On est confondu par l’audace de la proposition. Si elle est brevetée, demandons aux gouvernements du Nord de la racheter au Monde immédiatement pour la transformer en médicament générique : supprimer toute aide au développement pour offrir des "compensations" aux multinationales qui pillent les pays du Sud ou qui se protègent contre leur misère…
(Première publication : 6 mars 2001 - H. M.)