" A l’école, à la maison : comment expliquer la guerre aux enfants ". Le 2 avril, La Dépêche du Midi se pique de pédagogie (guerrière) : Hervé Monzat, l’auteur de cet article, avec l’aide d’Edwige Antier, pédopsychiatre, nous aide à répondre à " la question des bons et des méchants ".
E. Antier confirme :
" Dans les cours de récréation, les enfants jouent à Saddam, à Ben Laden et à Bush pendant la récré sans vraiment savoir où est le mal, où est le bien. En fait, tout dépend de l’opinion des parents. Un enfant qui a entendu ses parents dire beaucoup de mal de Bush l’identifiera comme le méchant. "
Voyez comme c’est habile. Dire qu’ " un enfant qui a entendu ses parents dire beaucoup de bien de Saddam Hussein l’identifiera comme le bon ", eut été un procédé trop grossier. On préfère prêcher l’inverse pour le sous-entendre. Mais on fait reposer la responsabilité de l’amalgame sur le dos des parents alors même que c’est La Dépêche du Midi qui crée cet amalgame [1] en réduisant le problème aux " bons " et aux " méchants ".
" Confusion sur les personnages principaux de cette guerre, mais aussi sur sa proximité ",
Hervé Monzat reconnaît ici son partis-pris. Si considérer que Bush est " méchant " est une confusion, c’est que La Dépêche du Midi juge qu’il est " bon " (selon le procédé simplificateur qu’elle emploie elle-même).
Un second article, signé mystérieusement P.J., nous explique qu’un directeur d’école élémentaire et ses enseignants furent " surpris " par
" des réflexions du type "quelle connerie la guerre" ou encore "Bush est un salaud qui va bombarder des enfants" ".
Il est vrai que la guerre est une chose formidable et que le bombardement, hors de toute légalité de la population civile irakienne - provoquant la mort de femmes et d’enfants comme on le déplore ces derniers jours - devraient provoquer chez nous une immense gratitude.
Puis La Dépêche du Midi de surenchérir :
" Julien a déjà une opinion : "Saddam Hussein menace les gens de les tuer s’ils ne votent pas pour lui et Bush veut augmenter la richesse et la puissance de son pays". Une guerre entre méchants ? "
Cette question et le doute qu’elle suscite confirment, après avoir lu l’article d’Hervé Monzat, la prise de position pour Bush, même si La Dépêche du Midi se cache derrière son " objectivité ".
Et mieux que de la prôner elle-même, elle le fait dire au directeur de l’école :
" Dans les classes de cours moyens, on a discuté des notions de respect et de droit à la différence, évoqué la dictature et la démocratie qui figurent au cours d’instruction civique. En revanche, les questions sur les détails morbides de la guerre, les avions et les chars d’assaut ont été évacués. "Le plus difficile, c’est de rester neutre tout en évitant de banaliser la guerre" estime Christian Pech. "
Cela me rappelle la commémoration du 11 novembre dans ma commune, où la mairie a imposé à la bibliothèque -municipale- une exposition de photographies de la première guerre mondiale. Des images de cadavres, asphyxiés par l’hypérite, des gueules cassées, défigurés par les éclats d’obus ? Pas du tout, on nous montre des soldats souriants, des officiers à cheval sur des canons, des soldats se photographiant entre eux, des tranchées bien propres, des costumes impeccables, la fierté de notre nation. Plusieurs fois par semaine, la majorité des enfants de l’école municipale sont passés devant cette exposition.
La propagande n’est pas réservée au temps de guerre, elle continue longtemps après pour légitimer le sacrifice de civils et de militaires. La question que l’on devrait se poser, ce n’est pas comment expliquer la guerre aux enfants mais quelle image de la guerre veut-on donner à nos enfants ?
Il est certain que le bourrage de crane dépend de sa couleur. Selon le directeur,
" il n’existe pas de méthode plaquée. Tout dépend de l’age des élèves, des caractéristiques de la classe. J’ai exercé dans des quartiers à forte population maghrébine. Je n’aurais sans doute pas abordé le sujet de la même façon qu’ici. "
Effectivement, sur la photographie qui illustre l’article, le directeur est entouré de quatre élèves blancs. On remarquera la finesse dans le choix du mot " caractéristiques " pour distinguer socialement et selon leur origine les élèves. Et que la solution proposée en pareil cas est l’auto-censure.
Lors de la guerre du Kosovo, les médias nous ont désinformés (exagération du nombres de mort, par exemple) en inventant ce qu’ils nous montraient ; pendant la guerre du Golfe, ils ont servi la propagande nous montrant ce que leur donnait le commandement américain ; maintenant que beaucoup ont pris position contre la guerre, ils ne peuvent plus employer des méthodes aussi grossières : dorénavant leur meilleur atout est l’amalgame. Il leur permet de se cacher derrière l’objectivité en discréditant les personnes et arguments contre la guerre.