Accueil > Critiques > (...) > Sondologie et sondomanie : Sondages en tous genres

L’opinion selon BVA : Marine Le Pen progresse... en régressant

par Antoine Léaument,

L’opinion que prétendent mesurer et refléter les sondages est une construction des sondages eux-mêmes [1]. Et les sondeurs professionnels ne reculent décidément devant rien : tout est bon pour aller le sens du vent médiatique et politique, quitte à se contredire à quelques mois d’intervalles, comme nous le rappelle le texte publié sur son blog que nous a fait parvenir un correspondant. Nous le reproduisons ci-dessous, sous forme de tribune [2] et sous son titre original. On savait les sondeurs capables de faire dire à peu près n’importe quoi aux chiffres qu’ils construisent. Au mépris des résultats de leurs propres « études d’opinion » et pour mieux fabriquer cette dernière, ils n’hésitent pas non plus à en choisir certains, pour mieux en occulter d’autres. Que le Front National progresse politiquement est une chose, affirmer que les sondages enregistrent ces progrès dans l’opinion sondée en est une autre ! (Acrimed)


Pour BVA, Marine Le Pen progresse… même quand elle régresse  !



Cette semaine, BVA a fait fort. Dans un article publié sur son site le 10 mai, et qui sert de résumé à un sondage effectué à la fin du mois d’avril, l’institut titre, au mépris de la réalité : « Marine Le Pen : toujours impopulaire… mais toujours en progression ». Pour l’impopularité, c’est vrai ; en revanche, pour la « progression », c’est parfaitement faux si on se base sur les chiffres de… BVA !

En effet, l’institut avait déjà effectué un sondage similaire en septembre 2013. On y retrouve les mêmes grandes questions : « Pourriez-vous voter pour Marine Le Pen à la prochaine présidentielle ? », « Vous personnellement, avez-vous une très bonne, plutôt bonne, plutôt mauvaise ou très mauvaise opinion de Marine Le Pen ? » et « Feriez-vous tout à fait, plutôt, plutôt pas ou pas du tout confiance à Marine Le Pen pour gouverner le pays ? ». La méthode de sondage est la même (par téléphone et par internet) et l’échantillon est semblable (1 049 personnes en septembre, 1 102 en avril) ; ces deux enquêtes d’opinion sont donc très largement comparables.

Sur toutes les questions posées sans exception, Marine Le Pen enregistre une très nette baisse de sa popularité. Le chiffre de bonnes opinions baisse de quatre points, celui de mauvaises opinions augmente de trois points (et même de neuf points pour les « très mauvaises » opinions). Le nombre de personnes disant pouvoir voter pour elle à la présidentielle est en baisse de six points et celui du nombre de personnes affirmant qu’ils ne pourraient « en aucun cas » voter pour elle est en hausse de six points. On retrouve les mêmes chiffres sur la confiance : une baisse de quatre points de ceux qui lui font « confiance pour gouverner le pays » et une hausse de quatre points de ceux qui ne lui font pas confiance. Vous pouvez retrouver ces données dans le tableau ci-dessous :

Pourquoi BVA a-t-il choisi de présenter Marine Le Pen comme étant « en progression » alors que, selon ses propres chiffres, elle est en très nette baisse ? Pourquoi aller chercher des données de 2011 pour faire un comparatif alors qu’il existe des chiffres de 2013 ? S’il s’agit de parler du temps long, pourquoi parler de « progression » alors que toutes les variations enregistrées sur le long terme se situent dans la marge d’erreur du sondage (établie à 2,5 points) ? Surtout, pourquoi taire cette nette et brutale chute de Marine Le Pen ?

Serait-ce qu’à quinze jours de l’unique tour de l’élection européenne, il ne faudrait pas gâcher le récit médiatique qui présente quasi systématiquement le Front National comme le futur grand gagnant de ce scrutin ?

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[1Comme l’analysait Pierre Bourdieu dans un célèbre article « L’opinion publique n’existe pas » reproduit ici même.

[2Les articles publiés sous forme de « tribune » n’engagent pas collectivement l’association Acrimed, mais seulement leurs auteurs.

A la une