Le 18 avril, le JDD est en interview programmatique avec Guillaume Peltier, le vice-président délégué des Républicains : « "En cent jours, nous romprons avec le macronisme" ». Illico presto, l’AFP en reproduit une partie du contenu et joue la carte du choc en titrant sa dépêche « 2022 : Peltier (LR) propose une augmentation de 20% des salaires ». Même le JDD n’avait pas osé.
« Choc » donc… et désinformation. Car comme le précise Guillaume Peltier lui-même – cité dans la suite de la dépêche – ce « choc de pouvoir d’achat » prend tout bonnement la forme d’une suppression de « toutes les cotisations sociales, pour les salariés comme pour les employeurs » [1]. Les salaires nets augmenteraient, mais ce ne serait donc pas du tout le cas des salaires tout court.
Et ce serait rien de moins que… la mort du salaire socialisé. Ce qui n’empêche pas l’AFP, dans un bel élan de suivisme et sans aucun recul vis-à-vis de la communication de député, d’affirmer que « Guillaume Peltier propose […] d’augmenter les salaires de 20% dans son "programme de rupture radicale avec le macronisme" ».
Pointant en outre de lourdes erreurs de calculs, L’Humanité (23/04) traduit plus justement : la proposition revient à « s’attaquer au salaire socialisé et différé, et à couper tout lien entre le travail et la protection sociale ». Le tout selon une logique bien connue des réformes macronistes, qui « visent à écarter toute mutualisation des richesses selon les moyens de chacun permettant de financer la Sécurité sociale, les pensions de retraite et allocations familiales et chômage », précise encore L’Humanité. Voilà qui valait bien un tapage sur une « augmentation des salaires »… qui ne demande rien au patronat.
Et comme à l’accoutumée, les errances de l’AFP ne restent pas à l’AFP. Le jour-même, « l’information » est reprise au Figaro, au Point, dans Sud Ouest et sur BFM-TV, sans que les rédactions ne jugent utiles d’en modifier le titre :
Jusqu’à atterrir dans La Charente Libre le 19 avril (« La proposition : Peltier (LR) pour une augmentation de 20% des salaires ») et chez Valeurs actuelles trois jours plus tard le 21, qui titre une nouvelle fois « "Augmentation de 20% des salaires" : la proposition de Guillaume Peltier divise LR ». Si Libération (18/04) ne verse pas dans la même mascarade de titraille, on lit tout de même dans son compte rendu que Guillaume Peltier propose « d’augmenter de 20 % tous les salaires par la suppression de l’ensemble des cotisations sociales. » Les cotisations sociales étant du salaire, il ne s’agit donc pas d’une « augmentation des salaires ». Et pour quelques éléments de contradiction quant aux moyens proposés afin de pallier la suppression de ces cotisations, on repassera.
On ne sera guère plus informés sur France Info (19/04), ni chez Marianne (22/04). Dans l’hebdomadaire, on critique surtout la « faisabilité » du projet, « en soit fort louable ». De même dans L’Opinion (22/04), on se borne à juger la proposition « abracadabrantesque » sans plus d’explications. Sur la radio publique, Jean-François Achilli – qui reçoit Guillaume Peltier pour un petit SAV au lendemain de son interview au JDD – se contente lui aussi de donner la réplique : « Vous augmentez les salaires de 20% en supprimant les taxes sur le travail ». Les « taxes »…
Idem sur France 3, lorsque Francis Letellier propose « de revenir sur une proposition que vous avez faite il y a quelques jours, qui est d’augmenter – enfin d’augmenter... » Alléluia ? « ... Si ! On va dire ça comme ça pour faire simple. D’augmenter tous les salaires de 20%. » [2]
Mais ne faisons pas la fine bouche : c’est tout de même mieux que la question posée à Julien Bayou (EELV) sur le plateau du « Grand Jury » (LCI/RTL/Le Figaro) le 18 avril : « Pour ou contre l’augmentation de 20% des salaires comme le propose Guillaume Peltier ce matin dans le JDD ? ». In extenso.
Bref, un beau vernis médiatique pour celui qui propose également une « règle d’or budgétaire : zéro déficit à l’horizon 2030 », soit une réduction de « 100 milliards d’euros [des] dépenses publiques ». En attendant, on guette pareille publicité pour les propositions visant à (réellement) augmenter les salaires, sans massacrer la protection sociale de l’autre main. Et elles existent : allez les médias, un petit effort !
Pauline Perrenot