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Des passagers inattendus sur France Inter (2) : réactions confraternelles

Une soixantaine de militants d’AC ! (Agir ensemble contre le chômage) et de la Coordination nationale des intermittents et précaires d’Ile-de-France, se sont invités le 18 janvier 2005 dans les locaux de France Inter, à l’occasion du 7-9. Transcription et analyse : « Des passagers inattendus sur le vaisseau de France Inter ».

Pour rendre compte de cette intervention, les agences de presse furent les premières à l’affût, suivies du Monde et de Libération... et du silence presque total des autres médias. Des récits approximatifs, généreusement conduits du point de vue des « responsables ».

 Du coté de l’AFP, les dépêches se succèdent. A 7h53 : « Interruption du journal de 07H00 de France Inter suite à une manifestation ». A 8h17 : « Reprise du journal de 07H00 de France Inter [...] » A 8h 53 : « Le "7-9" de France Inter perturbé par des manifestants ». Une dépêche qui se borne à reproduire ... ce que les responsables de la station ont dit à l’antenne. A 11 h 34  : « Le journal de France-inter interrompu par des intermittents ». L’AFP résume : « [...] Patrice Bertin, directeur adjoint de la rédaction de France Inter, a indiqué également à l’antenne qu’il avait décidé de ne pas faire appel aux forces de l’ordre, mais également de ne pas donner immédiatement la parole aux manifestants. Par la suite, trois des manifestants, invités à s’exprimer à l’antenne dans le cadre du journal, ont dénoncé l’absence de progrès sur l’indemnisation des chômeurs et des intermittents en situation précaire.[...] » Suit un résumé de quelques lignes de leurs interventions. Service minimum. On retiendra que, pour minimiser le changement d’attitude de la direction de France Inter, le refus brutal de Bertin est présenté comme un refus délibérément provisoire. Et les manifestants sont placés dans le rôle d’invités. L’agence Reuters, comme on va le voir, s’est montée moins obligeante.

 Du côté d’Associated Press (AP), à 10h22 : « Des intermittents du spectacle perturbent la "matinale" de France-Inter ». On peut lire ceci : « Les négociations entre les manifestants et les journalistes ont finalement permis d’organiser un débat entre eux à la fin du "7-9", au moment réservé habituellement au dialogue avec les auditeurs . » Première perfidie. Ce n’est pas la seule. Suite : « Stéphane Paoli a souligné à cette occasion que "France-Inter est une radio qui ouvre son antenne à tous les points de vue". Les manifestants se sont présentés comme appartenant à la "coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France" et à l’organisation de défense des chômeurs et précaires AC !. Ils ont expliqué leur opposition à "la politique du MEDEF", affirmant que leurs revendications ne sont habituellement pas prises en compte par les médias.[...] ». Ainsi Paoli « souligne » (ce qui est certainement exact...) tandis que les manifestant affirment (mais on peut en douter...)

- Du côté de l’agence Reuters : à 10 h30. « Des intermittents perturbent les émissions de France Inter ». « [...] Le "commando", selon la formule de Patrice Bertin , directeur adjoint de la direction, a envahi l’étage où se trouve ces studios peu après 7h00, puis le studio du "7 - 9" de Stéphane Paoli - la tranche matinale de France Inter. ». Présentée ainsi la « formule » de Bertin, c’est évidemment l’approuver... Mais Reuters résume : « [...] La direction a refusé de faire appel à la police mais aussi, dans un premier temps , que les manifestants prennent le micro. [...]. La direction a finalement accepté après 40 minutes de négociation que trois représentants des manifestants puissent s’exprimer après la revue de presse de 8h30 [...] ». Ce démenti infligé par avance à la dépêche de l’AfP est suivi d’un résumée des interventions des deux membres de la coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France et d’une « représentant de l’association AC ! Agir contre le chômage. ». « Agir ensemble contre le chômage ». Mais Nadia n’était pas là pour rectifier, comme elle le fit à l’antenne de France Inter.

 Enfin Le Monde parut... Pour compléter les dépêches d’agence, Bénédicte Matthieu, comme à l’accoutumée [1], s’est exclusivement informée du côté des « responsables ». Deux lambeaux de phrase - « Ils voulaient "annoncer une journée d’action contre le Medef », « "On est arrivés à un stade où on ne nous écoute pas", a expliqué une représentante d’Agir contre le chômage. » - et 145 caractères (espaces non compris) sont concédés aux objectifs des manifestants. Et c’est tout. L’article est entièrement rédigé du point de vue de la direction et des journalistes de la station, auxquelles il est généreusement donné la parole : 1086 caractères (espaces non compris) pour des citations en style direct de Patrice Bertin, Gilles Schneider, et Stéphane Paoli. L’événement, c’est « l’invasion », mais sans exposé de ses motifs ; c’est le « débat » à l’antenne, dont le contenu est réduit à presque rien. Quant au récit même de « l’invasion » et à son commentaire, ils sont presque entièrement contenus dans le témoignage et les propos des « chers confrères ». Les « envahisseurs » ont été victorieusement repoussés par la journaliste du Monde...

 Et Libération fut encore plus sobre. En 1600 signe environ (espaces non compris), Annick Peigne-Giuly est parvenue à adapter les dépêches d’agence. C’est ainsi que l’on apprend une fois de plus que « Patrice Bertin, directeur adjoint de la rédaction, a indiqué qu’il avait décidé de ne pas faire appel aux forces de l’ordre, mais de ne pas donner immédiatement la parole aux manifestants. ». Comme si, lors de son intervention, il avait spontanément envisagé de leur donner ensuite... On appréciera particulièrement la fin bienveillante de cet articulet conciliateur : « Les intermittents ont pourtant laissé le mot de la fin au spécialiste de la chose [sic], Alain Rey. Toujours aussi intuitif, le maître d’oeuvre du Petit Robert avait choisi hier de disserter sur le mot « perturbation ». Et le 7-9 s’est terminé sous les applaudissements des intermittents. » Ouf !

Silence, à l’exception de quelque « brèves » de-ci delà, du reste de la presse écrite nationale et régionale, ce fut - provisoirement ? -, le silence. Quant à David Pujadas (à 20 heures sur France 2, en souvenir sans doute de sa mésaventure du 10 novembre 2004 [2], il se tut...

[Il est possible que cet article soit ultérieurement complété]

 
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Notes

[1Lire par exemple, comment Bénédicte Mattieu rendait compte des écrans sécuritaire en 200 dans « Les mains pures ? (3) Le Monde ».

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