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Critique des médias sur le web (septembre-octobre 2011)

par Franz Peultier,

N° 16 de notre sélection bimestrielle d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement [1] . Présentation thématique des articles publiés en septembre et octobre 2011.

La rigueur : rigueur des grandes entreprises, des patrons de presse, des sondages et de leurs défenseurs, des effrayés de l’islam, des sexistes, des commentateurs sportifs... et pour finir, le rire de rigueur.

Rigueur des grandes entreprises

 Le poids d’Air France sur la presse française (Télérama.fr, 19/10) : « Peu de gens le savent, mais Air France est la première acheteuse de presse en France. Chaque année, elle diffuse environ vingt-cinq millions de quotidiens et de magazines, une ’’attention’’ qui lui coûte, selon nos estimations, une vingtaine de millions d’euros. Mais ce ’’service’’ ne sert pas qu’à agrémenter la vie de milliers de voyageurs. Il profite aussi aux journaux eux-mêmes. Même vendus à prix d’ami (la ristourne est de 50% du prix public, les pros appellent ça la ’’vente par tiers’’), tous ces exemplaires se traduisent en espèces sonnantes et trébuchantes : les 25 000 exemplaires du Monde achetés chaque jour par Air France, c’est 7,5 millions d’euros par an qui tombent dans les caisses du quotidien du soir ; les 30 000 duFigaro, c’est 6,9 millions d’euros. »

 Vuitton/collaboration : censuré à Géo Histoire (Arrêt sur images, 14/09) - « Mais les lecteurs de Géo Histoire n’auront pas la chance de lire ces "cinq pages passionnantes de Géo histoire [qui avait pourtant] été montées, relues par un historien et validées par la rédaction en chef du magazine", explique Le Canard, car l’article a été censuré. La faute à la notice sur Louis Vuitton qui a fait tiquer le service publicité de Prisma : LVMH est l’un des gros annonceurs du groupe. »

Rigueur des patrons de presse

 Fronde aux "Echos" contre Nicolas Beytout" (Télérama.fr, 26/10) - « ’’On ne veut pas empêcher Nicolas Beytout de s’exprimer, on veut juste qu’il le fasse ailleurs.’’ Cette phrase d’un journaliste des Echos en dit long sur le climat de tension qui règne dans la rédaction. Débarqué de la direction du quotidien économique le 29 septembre (au profit de Francis Morel), le patron est vite retombé sur ses pattes. Quelques heures plus tard, il a été nommé – ou s’est auto-désigné, les circonstances sont floues – éditorialiste pour... Les Echos. Une décision qui est très loin d’emporter l’adhésion des journalistes. »

Rigueur des sondages...

 Push-test : une coproduction OpinionWay-Le Figaro-AFP-l’Elysée (Les blogs du Diplo, 03/11) - « Ici, Le Figaro lance l’information : ’’Face à la crise, les Français convaincus par Sarkozy’’ (Le Figaro, 31 octobre 2011). L’AFP reprend : ’’Sarkozy à la télé jugé convaincant pour 55% des Français’’ (AFP, 31 octobre 2011). Combien de médias ont reproduit l’’’information’’ ? Le Parisien et d’autres médias ont aussi évoqué l’opinion positive des ’’Français’’. Simplement, cette information est fausse. On ne peut en effet attribuer cette opinion aux Français mais seulement aux internautes ayant répondu, et encore, à seulement 58 % des 1 005 exhibés dans la fiche technique, soit environ 580 personnes qui sont essentiellement des sondés favorables à Nicolas Sarkozy. »

 Sondages sur la primaire socialiste : attention Libération ! - « Mais le quotidien devrait aussi faire très ’’attention’’ aux livres qu’il cite pour appuyer son raisonnement. En page 3 de son édition de ce jeudi, il est par exemple fait référence au ’’formidable petit livre’’ du ’’politiste Rémi Lefebvre’’. S’il est cité, c’est pour expliquer que si ’’des socialistes (…) se sont faits les promoteurs d’une primaire ouverte’’, c’est pour ’’contrer’’ la logique sondagière qui aurait conduit Ségolène Royal à la désignation en 2006. À l’évidence, il ne doit pas s’agir du même livre qu’a lu Marianne . Dans Les primaires socialistes, la fin du parti militant, Rémi Lefebvre montre au contraire qu’en se convertissant au système de la primaire le PS a tout bonnement cédé à la dictature de l’opinion et à la logique mortifère des sondages. »

 Question existentielle du média de droite (Les jours et l’ennui de Seb Musset, 31/10) - « Ces dans ces moments où la nation est fragilisée par une poignée de bolcheviques privilégiés que le média français d’investigation en lèche gouvernementale passe au second niveau du meilleur de lui-même : le sondage à la con qui ne coûte rien, à haute portée idéologique, mais sans aucune valeur scientifique, visant à conforter le lectorat cible dans ses préjugés et contribuer à "l’avancée du débat" des idées socialement rétrogrades qui font triquer quelques UMP avariés. »

… et de leurs défenseurs

 Corruption du journalisme d’opinion (Les blogs du Diplo, 17/10) - « Laurent Joffrin dénonçait ’’l’obscurantisme antisondages’’ sur France Info (15 septembre 2011), Thomas Legrand, les ’’critiques démagos et faciles’’ dans un édito des Inrockuptibles (’’Sondages, halte au feu’’, 12 octobre 2011) après l’avoir fait sur France Inter (10 octobre 2011). Il reste une chose de l’ancienne stratégie : le cimetière. La critique des sondages ne vient jamais que de politiciens mauvais joueurs, comme si elle ne pouvait venir d’autres que de personnages malhonnêtes. On ne saura donc jamais qui sont ces critiques des sondages qui s’expriment pourtant publiquement — mais peu dans la grande presse — et inspirent les politiciens mauvais joueurs puisqu’ils semblent avoir le don de ne fréquenter que les perdants. »

Rigueur des effyés de l’Islam

 Tunisie, les éditocrates repartent en guerre (Les blogs du Diplo, 27/10) - « Autre éditorialiste, Jean Daniel, toujours mal à l’aise quand il s’agit de l’islam et qui a mis si longtemps à dénoncer la dictature de Ben Ali. Son texte publié le 26 octobre, ’’Tunisie. Victoire programmée pour les islamistes’’ (Nouvelobs.com) est un mélange d’erreurs factuelles – que signalent d’ailleurs ses lecteurs sur le forum – et des préjugés qui animent une bonne partie de la gauche française. »

 Pour la défense de la liberté d’expression, contre le soutien à Charlie Hebdo (Les mots sont importants, 05/11) - « qu’il n’y a pas lieu de s’apitoyer sur les journalistes de Charlie Hebdo, que les dégâts matériels seront pris en charge par leur assurance, que le buzz médiatique et l’islamophobie ambiante assureront certainement à l’hebdomadaire, au moins ponctuellement, des ventes décuplées, comme cela s’était produit à l’occasion de la première « affaire des caricatures » - bref : que ce fameux cocktail molotov risque plutôt de relancer pour un tour un hebdomadaire qui, ces derniers mois, s’enlisait en silence dans la mévente et les difficultés financières. »

Rigueur du sexisme

 La thèse d’Ivan Levaï (et des autres) (Les Entrailles de Mademoiselle, 06/10) - « Voici l’histoire de la relation sexuelle consentie et non tarifée de 7 à 9 minutes de la suite du Sofitel. C’est une thèse qui me semble tout à fait tenir la route, à moi, personnellement. Surtout depuis que ce matin, sur France Inter, Monsieur Ivan Levaï a asséné un véritable coup de grâce argumentatif : un homme sans couteau ni pistolet NE PEUT PAS violer une femme. »

 Elle, la case princesse en trop ? (Les Nouvelles News, 24/10) - « Une éditorialiste de "Elle" prend la défense du terme ’’Mademoiselle’’. Plume bien connue du magazine féminin, Alix Girod de l’Ain signait, le 19 octobre, un éditorial engagé contre la campagne ’’Mademoiselle, la case en trop’’, lancée il y a un mois par un collectif d’associations féministes. Une campagne pour dénoncer le sexisme ordinaire véhiculée par ce terme. ’’Il faut défendre mademoiselle’’, explique au contraire Alix Girod de l’Ain. Qui aime entendre ’’Mademoiselle’’ pour le plaisir de se faire draguer, ’’parce que quand le marchand de primeurs de la rue Cadet m’appelle comme ça, je ne suis pas dupe, mais je sens que je vais avoir droit à mon basilic gratuit’’. En somme, vive le paternalisme lubrique ! »

Rigueur du mépris de classe

 Quand Ruquier, Pulvar et Onfray font le coup du dîner de cons à un ouvrier (Bruno Roger-Petit, 31/10) - « Entre arrogance et condescendance, le philosophe réussit même le tour de force de peser les arguments de Poutou non pas à raison de ce qu’il avait dit, mais en fonction des mimiques que ce dernier avait arborées tout au long de sa prestation. "On l’a vu sur votre visage !" lanca Onfray au candidat du NPA à plusieurs reprises, terrible procédé, qui consiste à débattre avec l’autre non pas en fonction de ce qu’il dit, mais en fonction de ce que vous décrétez qu’il pense mais ne dit pas. »

 La mise au point de Philippe Poutou sur Facebook après son passage dans « On n’est pas couché » - « Bien sûr, il y avait de la condescendance, du mépris social, du paternalisme, un regard hautain sur cet ouvrier candidat. Oui mais il fallait s’y attendre. Onfray a le droit de faire le prof et de profiter de sa maitrise de la parole pour "enfoncer" un ouvrier avec qui il n’est pas d’accord politiquement. Pareil pour les journalistes et animateurs qui n’éprouvent pas beaucoup de sympathie pour les idées du NPA. Je suis inexpérimenté, un novice et c’est logiquement, malheureusement, que je n’ai pas réussi à "rivaliser", à "faire le poids" dans cette confrontation. Je le regrette mais sans plus. Je dois apprendre, je dois trouver une place. Cela devrait venir petit à petit. Mais quoiqu’il arrive par la suite, je ne deviendrai pas le "super-candidat" comme certains aimeraient que je le devienne. »

Rigueur des commentateurs sportifs

 Canal+, le hors-jeu permanent (Une balle dans le pied, blog hébergé par LeMonde.fr, 04/10) - « L’éreintement des arbitres est le fonds de commerce du télé-journalisme sportif, en peine de parler d’autre chose – ce qui exigerait de comprendre autrement mieux le jeu et s’avérerait moins rentable en matière de démagogie ordinaire. Ces dérapages sérient tolérables s’ils étaient suivis de rectifications, sinon d’excuses. Ils sont trop fréquents pour l’être et nos imprécateurs continuent d’œuvrer en toute bonne conscience avec la bénédiction de leurs chefs »

- Christian Jeanpierre double notre peine (Une balle dans le pied, blog hébergé par Le Monde.fr, 11/10) - « Il y a une part de mystère dans certaines trajectoires professionnelles, certes pas la portion congrue dans celle de CJP. Autrefois assis sur le plateau de Téléfoot avec une redoutable brochette qui comportait Vincent Hardy, Pascal Praud et Frédéric Jaillant, auxquels TF1 finit par montrer la porte, notre spécimen est un survivant, que personne n’imaginait voir un jour présenter cette institution dominicale et encore moins devenir le commentateur des matches de l’équipe de France. »

Rigueur des chaînes d’information

 LCI, i>Télé, BFM TV, trois chaînes d’info au banc d’essai (Télérama.fr, 29/10) - « A chaque instant, ces trois chaînes déversent un flot de nouvelles mises à jour en permanence et rabâchées ad nauseam. « Elles ne nourrissent pas, elles abreuvent au risque de l’oubli », affirme le coprésident d’Ipsos, Jean-Marc Lech. C’est d’autant plus vrai qu’elles hiérarchisent moins l’information que les autres médias, l’actualité imposant seule son diktat en guise de ligne éditoriale. Pour tenir leur promesse d’informer en temps réel, BFM TV, i>Télé et LCI ont également transformé les conditions de production du journalisme audiovisuel. L’exigence de rapidité, servie par une technologie de plus en plus performante, a mis à mal celle de la vérification. »

 LCI pris en flagrant délit de désinformation (Agoravox, 24:09) - « Ce soir là, j’étais donc officieusement journaliste pour LCI. Nous étions alors sur le trottoir opposé, en compagnie des touristes et parisiens curieux et des sympathisants du mouvement là pour soutenir leurs camarades qui s’étaient mis en position de la « tortue » pour rendre leur interpellation plus fastidieuse. Ce n’est qu’après de longues discussions antipathiques (et les encouragements des Indignados : ’’Libertad de prensa  !’’) avec les forces de police qu’elle a pu exercer son droit de filmer la scène, et seulement de loin. »

Rigueur des conflits d’intérêts

 Le couple Busnel-De Vigan, conflit d’intérêts de la semaine (Rue89, 01/11) - « Celui qui qualifia alors l’ouvrage d’’’absolument extraordinaire’’, et qui ’’sort totalement du lot’’, n’est autre que le compagnon de la romancière, a révélé Charlie Hebdo qui a décerné son ’’Conflit d’intérêts de la semaine’’ au couple."

Rigueur de la fausse critique des médias

 Une leçon d’irrespect de Laurent Joffrin (Vive le feu, 29:10) - « On pressent que le président de la République en serait ressorti en lambeaux, knock-outé par le barbichu boss de L’Obs, qui sait, lui, ce que doit être le journalisme, en de telles circonstances, et qui l’aurait relancé sans tièp, s’il avait eu l’effronterie d’éluder une question - et qui n’aurait pas du tout hésité, quant à lui, à contredire sans timidité le chef de l’État français, si le chef de l’État français avait eu l’effronterie de lancer une affirmation hasardeuse. »

Rigueurs en vrac...

 Polémiques en cascade autour de « La Gueule de l’emploi (Télérama.fr, 28/10) - « Dans la note de présentation du projet, Didier Cros explique ’’qu’il s’agit certes d’offrir une parole aux candidats à l’emploi, mais aussi aux professionnels du recrutement, premiers observateurs de cette étape majeure : la mise en relation d’un candidat et d’une entreprise’’. Le réalisateur mentionne ’’l’originalité’’ du ’’positionnement’’ de RST Conseil, et précise : ’’Sa technicité ainsi que le dynamisme de ses dirigeants nous ont séduits’’. Mais au final, il s’intéresse en fait surtout aux candidats. ’’Le film a évolué au cours du projet, explique t-il. Un documentaire, c’est le regard d’un auteur. Je n’ai pas fait un film informatif. Je ne suis pas journaliste. Mon film, c’est principalement le point de vue des candidats’’.

 A la tête d’un média, il y a souvent un HEC (Rue89, 26/09) - « Même si les HEC des médias ne constituent pas une mafia homogène, ils sont liés par une certaine connivence. ’’On se connaît tous, à force de se côtoyer dans les instances professionnelles et le réseau des anciens’’, témoigne Xavier Romatet. Le groupe qui les réunit s’appelle opportunément ’’Médias et Entertainment’’. Rassemblant près de 1 400 diplômés travaillant dans le secteur de la presse, la radio, la TV, l’internet, le cinéma et l’édition, il est dirigé par Louis Vaudeville, le producteur de la série documentaire ’’Apocalypse’’ sur la Seconde Guerre mondiale. »

 « Apocalypse Hitler », une impression de déjà-vu (Télérama.fr, 26/10) - « Selon Matthias Steinle, maître de conférences en cinéma à Paris III, ’’le documentaire d’Isabelle Clarke et de Daniel Costelle s’inscrit dans la tradition des "compilations films" qui, depuis la fin des années 50, traitent de l’hitlérisme par le biais d’archives supposées en garantir la validité historique. Je pense à Mein Kampf d’Erwin Leiser (en 1959), ou à des films ouest-allemands comme La vie d’Adolf Hitler (…) de Paul Rotha (en 1961), qui commencent généralement par expliquer que tout est vrai, que les images qu’on va voir montrent précisément ce qui s’est passé. De cette époque date le discours quantitatif accompagnant ce type de documentaires et qu’on retrouve dans le dossier de presse d’Apocalypse Hitler.’’ »

… et pour finir, un rire de rigueur

 Me raconte pas ta vie dans le JHM - De l’art d’accorder les photos et leurs légendes sur des sujets aussi lourds que des vasques cassées ou un barbecue... Ce qui fait le charme de la presse régionale est ici poussé à son paroxysme avec l’exemple du Journal de la Haute-Marne, dont ce blog collectionne les coupures de presse...

 
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Notes

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