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Critique des médias sur le web (juillet-août-septembre 2014)

par Franz Peultier,

N° 31 de notre sélection (exceptionnellement) trimestrielle d’articles de critique des médias parus sur le Web et disponibles gratuitement. Où l’on verra (entre autres) que la pratique du fact-checking semble enfin vouloir s’étendre aux bêtises des journalistes ; que certains regrettent Le Monde d’avant ; que les propriétaires de compétitions sportives auraient intérêt à se montrer plus souples avec leurs droits ; que (surprise !) le sexisme et l’islamophobie n’ont pas disparu ; que Le Grand Journal est devenu marxiste ; et que la précarité continue de menacer les journalistes…

 Faut-il fact-checker les journalistes ? (Libération.fr, 16/09) – « Faut-il fact-checker les journalistes ? Depuis six ans, la pratique du fact-checking (vérification des faits) s’est développée dans les médias français. On vérifie au quotidien les paroles du personnel politique. Dans les journaux papier, sur le Web, sur Twitter, à la télé, à la radio. Avec une limite : la vérification se borne la plupart du temps aux élus, elle s’aventure parfois à titiller d’autres acteurs du débat public (syndicalistes, patrons, chefs d’entreprise)… mais épargne les journalistes. Jamais les interviewers - pas plus que les éditorialistes ou les commentateurs - n’entrent dans le radar. »

70 ans du Monde

 « Les gens du Monde » sont sympa (Blog d’Yves Faucoup sur Mediapart, 18/09) – « Et justement, le documentaire nous donne à voir comment se perçoivent les journalistes : Arnaud Leparmentier se dit "seul journaliste de droite dans un journal de gauche" (!), lui qui affiche avec fierté sa photo auprès d’Angela Merkel. Il confie qu’il aurait bien aimé que son journal tape plus fort sur Hollande. Plus tard, il rectifie : "je suis libéral mais ils ne peuvent pas me traiter de droite parce que je suis très tolérant sur les mœurs, les libertés individuelles". On semble s’accorder dans cette maison sur le fait que le quotidien est finalement de "centre gauche" (tandis que Libération, lui, serait de "gauche"). »

 Au revoir, Le Monde ! (SNJ Ile-de-France, 11/09) – « Candidat à la direction du Monde [...] j’étais reçu par MM. Bergé, Niel et Pigasse. Après l’exposé de mon programme, Xavier Niel m’a dit : "Tout cela est bel et bon, mais aurez-vous le courage de faire partir les mauvais journalistes, car nous voulons les meilleurs ?" Je lui ai répondu : "Qu’est-ce qu’un mauvais journaliste ? J’étais considéré comme bon sous les directions de Jacques Fauvet et d’André Fontaine. Puis comme mauvais durant la période Jean-Marie Colombani-Edwy Plenel et donc mis au placard. Quel est le Faujas dont il aurait fallu se débarrasser ?" »

Accros à leur droits sportifs

 Vine, Gif : le football n’a plus une seconde à perdre (Latta.blog.lemonde.fr, 30/09) – « On voit, dans ces controverses, s’opposer le droit à l’information et les droits commerciaux, et en même temps se mélanger le commerce et l’information. Les médias qui exploitent des droits ne produisent plus tout à fait de l’information : ils commercialisent, directement avec des abonnements ou indirectement avec la publicité, un produit qu’ils ont acquis. Et ne font qu’ajouter à une confusion qu’ils entretiennent déjà avec les interviews sponsorisées, les publirédactionnels qui ne disent pas leur nom ou l’exposition complaisante des sponsors. »

Du sport au sexisme

 L’homme qui a offert le « plan meufs » aux retransmissions sportives (Slate.fr, 10/07) – « On attribue généralement à Roone Arledge, légendaire producteur d’ABC Sports et cerveau de l’émission Monday Night Football, l’invention des "plans meufs" (honey shots en anglais), ces images de jolies spectatrices émaillant les retransmissions sportives. Mais c’est Andy Sidaris, le réalisateur avec qui il a longtemps collaboré chez ABC, qui a fièrement revendiqué le mérite d’avoir associé sport télévisé et objectivation des femmes. […] Et en 1974, Sports Illustrated écrivait que Sidaris "a des idées bien tranchées sur l’apparence des femmes qu’il a vues à travers le pays." »

 Etre jeune, femme et journaliste politique : bienvenue à macholand ! (Grazia.fr, 09/09) – « Dans le bureau exigu de son ministère, l’homme qui me fait face se fiche de ce que je lui raconte et préfère farfouiller dans ses tiroirs. "Ah, je l’ai ! Regardez, c’est Guillaume cet été sur la Côte basque. Beau garçon, hein ?" Silence gêné. Du bout de l’index, mon interlocuteur pousse vers moi la photo cornée du fameux Guillaume, enveloppé dans un short de bain hawaïen du plus bel effet. Et finit son raisonnement : "À votre âge, on n’a pas encore de mari, hein ?" Être jeune, femme, et exercer le métier de rubricarde politique vous confronte parfois à des situations… étonnantes. »

 En quoi la relation qu’entretiendrait Aurélie Filippetti avec Arnaud Montebourg changerait quoi que ce soit à ses choix politiques ? (Slate.fr, 10/09) – « C’est quoi un article sexiste ? […] Un article sexiste, c’est par exemple un article qui explique, comme celui du Point : "On voit désormais sous un jour nouveau le soutien inattendu de l’ancienne ministre de la Culture à Montebourg, après ses déclarations lors de la fête de la Rose à Frangy […]" Oui, la socialiste qui a fréquenté un chiraquien, ne partageant sans doute pas un certain nombre de ses convictions, ne serait plus capable, soudain, de ne pas partager les idées de l’homme qu’elle fréquente. Et ne le soutiendrait que parce qu’elle couche avec lui. Il ne peut s’agir de l’inverse. »

Les musulmans, encore et toujours

 Les musulmans priés de condamner des terroristes : quelle folie ! (Rue89.com, 25/09) – « Folie contre folie, voici une liste des désolidarisations qui auraient pu être exigées, et ne l’ont pas été, va savoir pourquoi. On n’a pas demandé aux chrétiens de se désolidariser du Ku Klux Klan ; […] on n’a pas demandé aux Caennais de se désolidariser de Michel Onfray ; […] on n’a pas demandé aux philosophes de se désolidariser de BHL ; […] on n’a pas demandé aux photographes de se désolidariser de Pascale Clark. »

De la précarité persistante des journalistes

 James Foley : ces journalistes pigistes qui risquent leur vie sans le soutien des médias (lesechos.fr, 26/08) – « En Syrie, le conflit le plus dangereux au monde pour la presse, nombre de chaînes de radio, de télévision et de journaux ont cessé d’envoyer leurs journalistes salariés. En dépit de l’importance de la guerre en Syrie, les médias n’ont pas alloué plus de moyens de couverture, se contentant d’acheter des reportages à meilleur marché et sans prendre de responsabilité. »

 Pour Radio France, un CDI, c’est vraiment trop compliqué (Rue89.com, 15/07) – « Pauline – le prénom a été modifié – est productrice à plein temps à France Culture depuis 2004, en contrat de grille depuis cinq ans. […] Lorsqu’elle était permittente, elle signait un contrat par semaine ; aujourd’hui, elle n’en signe plus qu’un seul par saison. Cette situation reste très perfectible. »

Et diverses choses

 Surenchère marxiste au “Grand journal” (Télérama.fr, 29/08) – « Antoine de Caunes fait cruellement remarquer que cette communion n’est pas universelle. "Il n’empêche que les Français ont toujours un problème relationnel avec les patrons." Ils devraient voir un psy. "Je voudrais bien comprendre pourquoi, Jean-Michel. Pourquoi cette mauvaise image ?" "Les patrons apparaissent souvent de manière négative dans l’actualité, explique l’éditorialiste. Les grands patrons, par exemple, quand on en parle, c’est les salaires." Et que fait Jean-Michel Aphatie ? Justement ce qu’il vient de condamner ».

 Buzzfeed en France : des clics et du toc ? (erwanngaucher.com, 02/09) – « Mais le buzz n’est pas l’alpha et l’oméga de Buzzfeed nous promettait-on. Le journalisme, le vrai, y a sa place, sous l’adage bien connu (et qui se vérifie parfois) qu’il peut être légitime de faire de l’audience avec des chats et du LOL, si cela permet aussi de financer et d’exposer de vrais articles. Des scoops même. […] Alors, presqu’un an après, quel bilan ? […] On cherche toujours les articles, voir le journalisme tout court. »

 Paris Match aime (beaucoup) la « princesse » du président (Marianne.net, 31/08) - « "La plus aimée des tops", la "plus chic des Parisiennes", "icône planétaire"... Paris Match n’a pas assez de superlatifs pour qualifier l’ancien mannequin Inès de la Fressange, grande rivale d’une Claire Chazal "reine et sereine" ou encore d’une Sophie Marceau "belle et sereine" (elle aussi !). Non, Inès de la Fressange est bien plus que ça : elle est la femme du patron, mais ça, Paris Match ne le dit pas. »

 La France moche ou « défigurée » selon Valeurs actuelles (adriensaumier.fr, 09/07) – « En fait, les lotissements urbains à perte de vue ou les zones commerciales et le bétonnage sont bien évoqués, dans l’édito vidéo d’Yves de Kerdrel, mais les feux sont concentrés sur les éoliennes, les panneaux photovoltaïques et la transition énergétique, si "inutile" puisqu’elle représente une part "négligeable" de notre électricité. »

 Chez M6, question bidon, tout va bien (Klaire.fr, 08/07) – « Légèrement agacée par la teneur de cette "Question du jour" – une sorte de sondage en ligne dont le résultat est révélé au journal de 19:45 sur M6 le soir -, je farfouille sur le site et me retrouve à visionner quelques extraits du 19:45 de M6. […] Surprise, au milieu du flot d’âneries à coté de la plaque ou haineuses, (ou de l’absence totale de commentaire)… fleurissent des salves de questions parfaitement calibrées, correctement orthographiées, et miraculeusement adaptées à l’angle du journaliste. »

 OPÉRATION CORREA 1re partie : Les ânes ont soif (cp-productions.fr) – « Après Pas vu pas pris, Enfin pris ?, Fin de concession et Hollande, DSK, etc, Pierre Carles et son équipe poursuivent leur critique radicale des médias. Ils se proposent à présent d’explorer la question du traitement de l’hérésie équatorienne dans la presse française. Il s’agira bien sûr de confronter la chefferie éditoriale à ses choix idéologiques, et de comprendre par quel enchantement l’impasse borgne et insalubre du monétarisme européen se présente à elle comme un horizon indépassable. Il s’agira aussi d’enquêter sur place, en Équateur, afin d’élucider ce que le journal d’affaires colombien Dinero ("argent") qualifie avec incrédulité de "miracle économique". L’alternative qui se joue là-bas est-elle un simple mirage ou alors un modèle susceptible d’allumer quelques flammèches à notre horizon ? »

 Finissons, une fois n’est pas coutume, avec un site en anglais, Emergent.info, qui classe les rumeurs parcourant internet selon qu’elles soient « vérifiées », « non vérifées » ou « confirmées fausses ».

Franz Peultier

 
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