Si le titre donne le ton, le reste de l’article est à l’avenant : « il transportait de nombreuses armes dans ses bagages », « un véritable arsenal dans sa valise », « en fouillant sa valise, les fonctionnaires ont découvert un véritable arsenal d’armes de maintien de l’ordre ». Et de citer le renseignement intérieur, qui le tiendrait même pour « un leader de la mouvance anarcho-autonome susceptible d’inciter ou de se livrer à des actes subversifs violents contre les institutions ou les forces de l’ordre. »
En somme, un scénario digne... d’un vrai film !
La France a peur.
Pourtant, d’après Reporterre, le « fiché S d’ultragauche » est en fait un « spécialiste reconnu des armes utilisées par les forces de l’ordre » :
Il est à ce titre consulté par des avocats ou par des journalistes. Il donne souvent des conférences et est par exemple intervenu lors du meeting sur les violences policières organisé à Paris le 20 mars. Le collectif auquel il participe documente les armements de répression ainsi que le nombre de blessés que ceux-ci provoquent. […]. Dans ses conférences, il montre souvent des douilles ou des maquettes de grenades, mais pas d’armes fonctionnelles.
Le même jour, CheckNews indique : « Le collectif « Désarmons-les », auquel l’intéressé appartient, a confirmé l’arrestation, mais assuré que les armes saisies étaient des munitions vides utilisées dans le cadre d’une conférence sur le maintien de l’ordre. L’intéressé a été libéré avec un simple rappel à la loi. »
« L’intéressé » expliquera en effet, concernant le port d’arme prohibée de catégorie A qu’il s’agissait d’ « un échantillon de chaque munition utilisée par les forces de l’ordre pour réprimer les foules, que j’utilise dans des conférences-débats sur les violences d’État et les armements du maintien de l’ordre. [1] »
En plus de cette dramatisation poussée à l’extrême, Le Point nous donne un nouvel exemple de « journalisme de préfecture ». Ainsi c’est le point de vue des « services de renseignement » (deux fois), des « pouvoirs publics », du « renseignement intérieur », de la « police » et des « forces de l’ordre » qui est présent à chaque paragraphe. Sauf en fin d’article, où une autre version sera introduite de façon succincte et allusive, et via des propos rapportés :
Contactée par Le Point, son avocate maître Lucie Simon assure que son contrôle judiciaire a été levé il y a deux ans. « Il est dans son droit en venant à Paris. Mon client est connu du grand public pour ses connaissances en matière de maintien de l’ordre. Il intervient en tant que spécialiste dans de nombreuses conférences sur l’armement de la police », explique-t-elle.
Le 27 mars, l’auteur de l’article du Point en publie un second, dans lequel la vision de l’affaire est bien plus nuancée :
Si lors de son interpellation Cédric D. n’avait pas voulu indiquer la provenance de ses grenades, ainsi que cela est noté dans le PV d’interpellation, il a pu démontrer lors de sa garde à vue qu’il était connu sous un pseudonyme comme militant effectuant des conférences sur le maintien de l’ordre auprès d’ONG de défense des droits de l’homme. Raison pour laquelle, il détenait cet arsenal.
Mais pas un mot d’autocritique sur le premier article, toujours en ligne à cette heure…
Maxime Friot