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Trois exercices de journalisme de recopiage

par Henri Maler,

En attendant les suites de l’inculpation de Dominique Strauss-Kahn et sans faire diversion, trois faits divers : France-Soir et la garde-robe de DSK, L’Express et les mariés du siècle, et le clonage de Charles Pasqua.

France-Soir et la garde-robe de DSK

Jeudi 12 mai, France-Soir publiait un article intitulé «  Des costumes à 35 000 dollars  » On pouvait y lire notamment : « DSK s’est aussi offert les services du tailleur d’Obama. Sans doute sur le compte des frais de représentation liés à ses fonctions, il a acheté trois costumes sur mesure chez Georges de Paris. Un gris foncé, un bleu rayé et un noir. Prix pratiqués ? Entre 7 000 et 35 000 $ le deux-pièces. Dans sa boutique située à dix minutes de la Maison-Blanche, ce Marseillais de 75 ans habille tous les présidents américains depuis Lyndon B. Johnson. Celui qui a vu neuf présidents sous toutes les coutures pense que le socialiste est taillé pour le job. “Il en a l’étoffe. Il est calme et charismatique. Et s’il met mon costume, il va gagner !” »

Le lendemain à la « une » de France-Soir, on pouvait lire (image piquée à Arrêt sur images) :

Qu’un tailleur estime que DSK est taillé… pour le job de président de la République ne concerne pas la critique des médias. Que DSK, par l’intermédiaire de ses avocats, ait décidé de porter plainte pour publication de fausses informations ne nous concerne pas non plus, d’autant que nous n’avons ni les moyens de demander les factures au couturier, ni l’intention de livrer la garde-robe de DSK à nos journalistes d’investigation.

En revanche, plutôt troublant est le fait, relevé par Nouvelobs.com (« Costumes de DSK : quand France-Soir recycle VSD », 14 mai) que « la même journaliste écrivait les mêmes mots dans VSD »… un an plus tôt... Et Nouvelobs.com de citer VSD [1] :

« DSK s’est aussi offert les services du tailleur d’Obama. Il a acheté trois costumes sur mesure chez Georges de Paris. Un gris foncé, un bleu rayé et un noir. [...] Dans sa boutique installée à dix minutes de la Maison-Blanche, ce Marseillais habille tous les présidents américains depuis Lyndon B. Johnson. Son style ? ’Moderne classique’ pour un prix variant entre 7 000 et 35 000 dollars le deux-pièces. Celui qui a vu neuf présidents sous toutes les coutures pense que le socialiste est taillé pour le job. “Il en a l’étoffe. Il est calme et charismatique. Et s’il met mon costume, il va gagner !”  »

Tailler deux fois le même costard à DSK, passe encore... Du moins si l’information est exacte. Mais l’auto-plagiat de la journaliste serait moins gênant si la première version – VSD – était mentionnée dans France-Soir.

L’Express et les mariés du siècle

Remercions « Arrêt sur images » d’avoir continué de suivre la médiatisation des mariés du siècle que nous avions négligée depuis notre précédent et unique article – « Mariage princier et journalisme de cour » – sur ce sujet bouleversant.

Observateur attentif des frasques de L’Express et de Christophe Barbier, Arrêt sur images relève ceci : « Christophe Barbier, patron de la rédaction, annonce à la une du site, "Exclusif : L’Express a retrouvé Kate et William !" en voyage de noces sur une île hôtel des Seychelles, mais le Guardian a publié l’information (et le numéro du bungalow) il y a trois jours, signale Christophe Carron, journaliste people. »

Pour preuve cette comparaison, photographies d’une originalité ébouriffante à l’appui :

  L’Express, 13 mai

  The Guardian, trois jours plus tôt

Ou encore cette intrusion dans l’intimité princière :

L’exclusivité tapageuse de L’Express n’en était pas une. Compte tenu du sujet, pas de quoi s’alarmer ? Soit. Mais cette promotion mensongère de L’Express par L’Express peut être transposée sans mal à d’autres domaines (moins anodins) et à d’autres médias (aussi « sérieux »).

D’autant que l’auteur de cette exclusivité n’est autre que… Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire et fringant bavard qui dispense ses leçons à la terre entière.

  L’Express, 14 mai

Et c’est là que l’on mesure l’impact (flagornerie, quand tu nous tiens…) d’Arrêt sur images : le lendemain, 14 mai, l’exclusivité-bidon s’affiche encore à la « une » du site, mais plus en tête de l’article, modifié entre temps !

L’Express a retrouvé Kate et William et Christophe Barbier a – provisoirement, qu’on se rassure… – égaré sa superbe.

Le clonage de Charles Pasqua

Cette fois, c’est Renaud Revel qui a venu la mèche, le 13 mai, sur son blog… de L’Express, sous le titre « Presse : Pasqua doublement furax ».

France-Soir a publié une interview de Charles Pasqua dans laquelle il annonce son intention de porter plainte contre « Alain Juppé, Hervé de Charette, Charles Millon, Dominique de Villepin et consort, qui ont menti sous serment ».

Renaud Revel précise :

« Ces propos au canon extraits d’une longue interview – qui a fait sensation –, réalisée pour France-Soir par le journaliste Ayri Routier, ont déclenché la fureur de l’ancien patron des Hauts-de-Seine, qui les a démentis en bloc, affirmant qu’il ne les avait jamais tenus en ces termes, exigeant, du coup, la publication, le lendemain, d’un rectificatif dans les colonnes du quotidien.

Or la colère du vieux sénateur redouble depuis hier, avec la publication, dans les colonnes de VSD cette fois-ci, d’une interview, à l’exacte même tonalité et dont le signataire – abrité cette fois-ci sous un pseudonyme – se trouve être le même journaliste, Ayri Routier, qui s’illustra en 2007 en publiant sur le site du Nouvel Observateur le vrai-faux SMS de Nicolas à Cécilia Sarkozy : ténébreuse et croquignolesque affaire.

France-Soir et VSD ont ainsi hébergé – sans le savoir ? – un entretien du même tonneau, quasi cloné, d’un Charles Pasqua qui, remonté comme un ressort, compte adresser également à l’hebdomadaire un démenti du même ordre. »

Et Revel de s’étonner du « caractère exotique du procédé, qui consiste à dupliquer pour ainsi dire un entretien d’un haut responsable politique », avant de se placer au-delà...

Peccadilles ?

Un exercice d’auto-plagiat non sourcé, une exclusivité-bidon, la duplication masquée d’une même interview : peccadilles que tout cela ? Sans doute. Mais quand on sait que la moindre inexactitude factuelle ou et la plus légère approximation déontologique alimente la défiance de lecteurs, les sourires peuvent se transformer rapidement en grimaces.

Henri Maler

 
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Notes

[1Nous n’avons pas été en mesure de vérifier. Pour une fois, faisons confiance…

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