D’innombrables priorités au direct insignifiantes, pour suivre un journaliste politique de France 2 embarqué sur une moto aux trousses du convoi présidentiel (Anne Sophie Lapix : « On retrouve Jeff Wittenberg, regardez ! Emmanuel Macron a ouvert sa fenêtre ! ») [1], ou pour glaner trois mots de Brigitte Macron au pied de la tribune du Champ de Mars ; des duplex en direct d’un « pub de Londres avec des Français expatriés » puis avec un correspondant à Rome ; d’interminables bavardages en compagnie d’éditorialistes du Monde, de L’Express ou du Figaro ; des exposés du futur calendrier présidentiel par Nathalie Saint-Cricq ; quelques exégèses du discours d’Emmanuel Macron et des pronostics sur les élections législatives… Bref, une soirée électorale superflue sur France 2.
En clôture d’émission, Anne-Sophie Lapix se félicitait d’un dispositif « de terrain » conséquent mis en place par le service public : « Nous remercions toutes les équipes qui étaient partout ce soir, dans les QG, dans les différentes villes de France, du nord au sud, de l’est à l’ouest de l’hexagone, et aux Outre-mer ». Partout ? Ou presque… Car en trois heures de direct, aucune image de rassemblement ou de manifestation n’a percé les écrans. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, dans les villes où étaient présents les reporters du service public, ils ont pourtant eu lieu. Marginaux peut-être, mais ils ont eu lieu. La majeure partie du temps, rapportés par la presse locale, les médias et les reporters indépendants, qui firent également état de violents dispositifs et interventions de police (charges, nasses, gazage, etc.) [2]. Mais rien sur France 2, visiblement plus prompte à recueillir les « réactions » à chaud d’éditorialistes qu’à faire une place au reportage.
En fin d’émission sur le plateau, Anne Rosencher (L’Express) critiquait « l’autarcie intellectuelle, l’autarcie de pensée » des « élites » – politiques et médiatiques notamment – qui, disait-elle (dans la même phrase) « par nature et par fonction, ont un rôle plus important à jouer dans le fait de prendre en compte le diagnostic des autres »... Trouvant ce paternalisme de classe intéressant, Laurent Delahousse, dans une posture toute sienne, tirait une leçon de la première partie : « C’est très important ce que vient de dire Anne Rosencher. Elle vient de faire un cercle sur ces élites qui regarderaient avec mépris, depuis trop d’années, une partie du pays qui exprime des choses. Ça ne veut pas dire valider, mais ça veut dire au moins écouter, ne plus mépriser et à un moment donné, tenter de comprendre pourquoi autant de Français, quelle que soit leur couleur politique, ne sont pas en adéquation avec une partie de cette élite. »
Dans le cas de France 2, ça aurait précisément pu (dû) avoir lieu hier soir : moins d’éditorialistes bavards, moins de journalistes embarqués suspendus à la vitre de la voiture d’Emmanuel Macron… et des reportages donnant à voir un mouvement de contestation. Allez Delahousse, ce travail s’appelle « le journalisme », et il n’est jamais trop tard !
Pauline Perrenot