Patrick Besson, écrivain talentueux - aux engagements politiques contestés -, livre depuis une quinzaine d’années des chroniques littéraires et télévisuelles à de multiples organes de presse. Le 17 octobre 2003, il se penche dans Le Point sur le récent livre de Daniel Schneidermann Le Cauchemar médiatique (Denoël). Sous le titre " Le cauchemar Schneidermann ", Besson écrit :
" Les donneurs de leçons finissent toujours par balancer leurs copains. C’est une règle absolue quand on a une bande : dès qu’on le peut, se débarrasser de sa conscience morale ! Moi, dans le conflit Schneidermann-Le Monde, je suis du côté du Monde. Le journal avait tout fait pour ce garçon. D’abord, on lui donne la critique télé, le truc le plus facile à écrire. C’est inratable, puisque la télé parle de tout, que tout le monde y passe et que tout un chacun la regarde. Succès de lecture assuré. C’est ainsi qu’on passe à peu de frais pour un grand journaliste. On a ensuite laissé Schneidermann faire une chose qu’aucun critique télé n’avait osé faire avant lui : de la télé. C’est un peu comme si François Simon, Maurice Beaudoin ou Gilles Pudlowski ouvraient un restaurant et continuaient d’ironiser à longueur de colonnes sur leurs nouveaux confrères. Certes, " Arrêt sur images " est une émission de critique de la télévision, mais c’est quand même de la télévision, et c’est surtout de la critique.
Cette passion de critiquer, c’est louche. Pendant la semaine, Schneidermann critiquait la télévision pour Le Monde. Le week-end, il critiquait la télévision sur France 5. Et à ses moments perdus, que faisait-il ? Sans doute critiquait-il chez lui la direction du Monde ! Il est à craindre qu’après cet article il ne passe une bonne partie de son temps libre à me critiquer ! Ses livres sont eux aussi des critiques : de Bourdieu (Du journalisme après Bourdieu), de la justice (Où vont les juges ?) et encore de la télé (Où sont les caméras ?). Daniel, il y a autre chose dans la vie. (...)
Ce bouquin, Le cauchemar médiatique (Denoël, 18 euro), j’ai essayé de le lire, franchement. Je m’y suis pris comme avec Marc Levy : le soir, tranquillement, dans le silence total. Ce n’est peut-être pas la bonne méthode. La prochaine fois, j’irai en boîte avec une lampe de poche, je boirai cinq gin tonics à la file (ma crise de goutte est terminée !) et je me mettrai à lire. Peut-être que ça se passera mieux, que je trouverai ça intéressant. Le cauchemar médiatique est une condamnation du pathos journalistique qui dramatise les événements, même les plus anodins, pour en faire une raison de lire ou de regarder le journal. Ça tient en une phrase. Le problème, c’est qu’on ne peut pas vendre une phrase en librairie. Il faut en écrire plusieurs milliers autour. Ce qu’a fait Schneidermann. Il nous explique, par exemple, qu’il a aimé " Loft Story " et qu’il a aimé aimer " Loft Story ". Ça lui fait un paragraphe. Ce n’est pas mal écrit, sauf qu’il y a des raccourcis bizarres : des " bouches emballées ", par exemple. Emballées dans quoi ? D’une façon générale, Schneidermann est très emballé : " Et cet emballement emporte Bill Maher... ". " Mais cet emballement a été... ", " Dans cet emballement... ", " L’emballement des ruines... ", " L’emballement sur l’insécurité... " " (...)
(Lire toute la chronique.)
Patrick Besson fait grief à Daniel Schneidermann de passer sa vie à critiquer ; on pourrait lui retourner le reproche. Mais, grâce au service de documentation d’Acrimed, nous pouvons produire la critique de Patrick Besson par... Daniel Schneidermann !
" Patrick Besson court derrière des formules tendres ou impitoyables, mais qui sonnent toujours juste ", écrit Schneidermann.
Dans Le Monde Télévision (22-23 avril 2001).
A propos du livre de Patrick Besson Le Plateau télé (ed. L’Archipel).