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Contre-réformes et mobilisations de 2003

Raffarinades contre les enseignants : revue de presse du 28 mai 2003

Mercredi 28 mai. Le lendemain de la réunion du Comité interministériel qui a accouché de propositions qui figurent déjà dans le projet de loi sur les retraites et d’une offre de discussion sur les modalités d’une décentralisation que refusent les enseignants en lutte, la presse écrite nationale semble ouvrir un peu l’éventail de ses titres et de ses commentaires. Apparences.

Tandis que quelques uns soulignent que la mobilisation continue, la plupart tout à la fois s’inquiètent de son durcissement et croient constater ce qu’ils espèrent : son essoufflement. Bien que Raffarin n’ait rien concédé, la plupart des quotidiens ont découvert un « geste » de Raffarin (Le Figaro) qui ouvre « sa porte » (France-Soir) ou « le dialogue » (Les Echos).

Porte ouverte ou porte fermée ?

Libération à la « Une » tranche brutalement : « Raffarin ne lâche rien ». Mais comme toujours dans Libération les articles qui suivent sont d’une tonalité fort diverse : de l’enquête compréhensive à l’insinuation un tantinet malveillante pour les syndicats.

France soir est sur le point de défaillir. Titre à la « Une » : « Raffarin ouvre la porte », avec ce commentaire qui élude l’essentiel « Le Premier ministre a déclaré qu’il comprenait « les inquiétudes » des enseignants » et leur a proposé la tenue de négociations sur la décentralisation et les métiers de l’éducation, ainsi qu’un grand débat suivi d’une loi d’orientation ». Un petit encadré annonce « Grèves : systèmes D et bons plans pour contrer leurs nuisances.  » « Nuisances » : un mot politiquement choisi. Donc, les pages 2 et 3 sont consacrées aux « nuisances ». Avec ce surtitre : « Elles ont là pour gêner les usagers et notamment ceux des transports, mais les Français ont déjà prouvé qu’ils n’étaient pas à court d’imagination pour contrer leurs nuisances ». Ainsi, les grèves n’ont pas pour objectif de s’opposer aux contre-réformes gouvernementales, « elles sont là pour gêner les usagers » !

Après ces deux pages dédiées aux « usagers », deux pages consacrées aux contre-réformes et aux mobilisations sociales. La porte, qui était « ouverte » à la « Une », l’est beaucoup moins page 4 : « Raffarin entrouvre la porte aux enseignants ». Quant à l’article consacré à la contre-réforme des retraites, il s’intitule : « Chose promise... » Aux lecteurs de compléter.

Le Parisien, lui, s’interroge à la « Une » : « Raffarin : Trop peu, trop tard ? ». Curieux titre en vérité, dont on ne sait de quoi il parle et à qui il s’adresse. Tout juste bon à introduire le thème, non de l’intransigeance du gouvernement, mais du « durcissement » des grévistes. Le commentaire qui suit explique que « le Premier ministre a tenté, hier, avec application, de déminer le conflit (...) ». Raffarrin ? Un élève « appliqué » face à des enseignants peu compréhensifs... dont « la colère n’est pas retombée », et cela « malgré le début d’ouverture à l’issue du comité interministériel » (p. 2).

Le Figaro titre à la « Une » : « Ecole : Raffarin fait un geste, les syndicats disent non ». « Un geste », vraiment ? L’éditorialiste du jour - Jean de Belot -, sous le titre « Exemplarité » - explique cyniquement que Raffarin a ouvert la porte pour la fermer : « Jean-Pierre Raffarin a joué gros hier soir. En ouvrant la porte aux enseignants, il espère désamorcer la crise dans l’Education nationale. Afin que la réforme des retraites puisse aller à son terme. »

Et de décliner plus loin les raisons qui plaident en faveur de « l’exemplarité » de la l’action gouvernementale : « La France s’est installée dans l’idée que le pouvoir politique ne peut mener de véritable réforme. Ou il esquive ou il cède. En tenant, Raffarin peut atteindre la psychologie collective des Français. Démontrer qu’un gouvernement peut, au-delà d’oppositions catégorielles, imposer l’intérêt général. De ce point de vue, la mobilisation des enseignants est une chance. L’Éducation nationale, symbole de l’archaïsme syndical , est l’archétype du mal français. S’ils défilent contre les retraites, les enseignants se mobilisent aussi parce qu’ils savent que leur univers est l’un des plus enkystés . Qu’il a un urgent besoin de réformes. En intervenant dès hier, Raffarin a peut-être pris le risque de parler trop tôt. Mais il aime à répéter que le pays a besoin d’une crise sociale gagnée par le pouvoir . »

Il suffit de souligner, car on ne saurait être plus clair : le passage en force est pour la droite la condition de nouvelles offensives. C’est Raffarin qui le dit à sa façon, selon un propos rapporté par Le Canard Enchaîné : « il est temps qu’un gouvernement de droite remporte une victoire sociale importante ».

C’est pourquoi La Tribune (éditorial de Phillippe Mudry, p.3) jubile « Jean-Pierre Raffarin a adressé une fin de non-recevoir aux ultimatums syndicaux, et il faut lui en savoir gré [...] on ne déteste pas en France les élus qui tiennent leur promesses ».

Fermez le ban.

Durcissement ou essoufflement ?

Pour présenter l’avenir prévu ou escompté, deux règles suffisent :

- Inverser l’ordre des causes et des effets : alors que le gouvernement provoque le « durcissement » du mouvement, l’attribuer, explicitement ou implicitement, à un libre choix des grévistes et des syndicats.

- Prendre ses désirs pour des réalités ; et alternativement ou conjointement évoquer un durcissement et un essoufflement du mouvement. Alors que Libération soutient (page 2) que « la mobilisation ne faiblit pas...  », Le Parisien, titre : «  La mobilisation continue, mais ... ». Le sous-titre précise : « Mais les grèves de mardi à la SNCF s’annoncent moins dures que prévues ». Ouf ! Moins de « nuisances », comme dirait France Soir qui se garde du moindre pronostic !

Un éditorialiste compréhensif - un certain Favilla, des Echos - se penche alors sur les manifestants pour leur porter le coup de grâce au nom de l’avenir radieux dont il détient les clés : « Les manifestants d’aujourd’hui, eux, sont inquiets et refusent de penser à l’avenir. Ils cherchent à conserver, à protéger. En un mot à arrêter le temps  ». Car le temps est libéral et qui s’oppose à ce temps-là est évidement réactionnaire...

Et Le Monde  ? Le Monde constate, Le Monde décrit, Le Monde se tait. Le Monde ne sait plus quoi prescrire ni à qui... Pour le moment.

 
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