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Acrimed en débat

Pour un Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique et Audiovisuelle

par Guy Pineau,

« Acrimed en débat » : Nous publions et publierons sous cette rubrique des contributions des adhérents de notre association pour participer à la relance du débat public sur des propositions de transformation de l’ordre médiatique existant. Ces contributions, revues, amendées, complétées, serviront à la rédaction ultérieure de notre plate-forme. Sous leur forme actuelle, elles n’engagent que leurs auteurs. (Acrimed)

Pour un FSERA (Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique et Audiovisuelle) alimenté par une taxe sur l’ensemble des dépenses de communication publicitaires.

Cette contribution pose quelques principes et indique certaines modalités précises ; l’ensemble étant appelé à être travaillé avec les acteurs et la tutelle du champ concerné. Ce travail s’appuie sur différents apports, contributions et échanges avec, notamment, les amis d’Acrimed [1], de l’OFM et des Vidéos de Pays et de Quartiers (VDPQ) et je le livre afin d’ouvrir - il en est grand temps - un débat sur ce mécanisme attendu de beaucoup de militants associatifs. (Guy Pineau)


I. Un FSERA, pour quoi ?

 Une reconnaissance hypocrite

Si le mouvement des télévisions associatives locales et nationales a pu obtenir une reconnaissance juridique (loi du 1er août 2000) il n’a pu, pour autant, gagner droit de cité, tant les conditions d’émergence d’un possible modèle économique, à l’instar des radios associatives avec le Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER) n’ont pas été réunies.

Un des arguments du CSA pour refuser le droit de vivre aux associations à vocation audiovisuelle est celui de l’absence de « solidité des ressources financières ». À cet égard, il faut rappeler que la création d’un fonds de soutien en faveur des télévisions associatives - indispensable même s’il doit être renforcé par d’autres ressources - est passé à la trappe, laissant la voie libre aux seules sociétés commerciales fortes d’un business-plan « réaliste » et adossées à de puissants groupes industriels et aux notables locaux. Comme il était prévisible, la puissance de ces groupes, notamment avec leurs régies publicitaires, écrase tous les projets à visée non commerciale. Plus que jamais l’intervention du législateur est indispensable pour mettre en place une politique publique efficace de soutien aux médias alternatifs et démocratiques, dans l’optique de renforcer le pluralisme, principe constitutionnel auquel le législateur doit donner un contenu [2].

 Le mensonge de la gratuité

Beaucoup de médias se présentent par un abus de langage intéressé comme « gratuits ». Il s’agit en fait d’un financement indirect par le consommateur. Ce modèle économique pèse de plus en plus sur la liberté de nombreux médias. La publicité devient insupportable, envahissante, poussée vers une surenchère sans fin ; elle s’étend à de nouveaux secteurs, de nouveaux moyens de diffusion de culture, d’information, d’entertainement (TNT, haut débit filaire et téléphone mobile etc.), mélangeant, sans vergogne, la sphère de l’information et du débat, avec le marketing et la communication hautement intéressée.

Notons que la télévision commerciale est la seule télévision que l’on paye sans le savoir (« avec le paquet »), même si on ne la regarde pas, même si le foyer n’est pas équipé de récepteur (contrairement à la redevance). C’est en fait un impôt indirect fortement injuste qui frappe, proportionnellement plus, les plus modestes.

 La nécessité d’un correctif

Ce véritable droit de « battre monnaie » que constitue l’exploitation commerciale d’une fréquence (généreusement attribuée par l’État, via le CSA), avec les contenus « rassembleur » de large d’audience appelle de façon urgente un correctif important en faveur de l’espace et du débat public, de la démocratie participative des citoyens. Cette proposition intervient au moment où la reprise publicitaire est forte (plus 10,2 % sur 2004).

Cette politique publique de soutien à la télévision associative peut, pour partie, se construire avec la création d’un système de redistribution au bénéfice de médias radios et télévisuels alternatifs. Ce mécanisme s’appuyant sur un prélèvement sur la consommation donc sur le marché, ne grève pas le budget de l’État. Ce financement ainsi réuni au bénéfice d’acteurs non commerciaux engagés dans des projets culturels et sociaux est utile à l’ensemble de la collectivité.


II. Un FSERA, comment ?

Quelle peut être l’assiette de cette taxe ? Quel prélèvement et quelle gestion ? Quelles recettes escompter ? Quelles transformations de ce qui existe ? Quels bénéficiaires ?

 Quelle assiette pour la taxe ?

S’il existe déjà des taxes sur la publicité, il est possible et souhaitable d’étendre ce mécanisme.

- La taxe proposée est assise sur le montant (HT) de tout investissement publicitaire effectué par les entreprises-annonceurs dans les médias et le « hors médias » soit au total sur un flux de l’ordre de 30 milliards d’euros.
- Des exemptions pour certains secteurs doivent être prévues. Les investissements réalisés à des fins de santé publique, de causes humanitaires, d’intérêt général ou sociales non-marchandes, notamment ceux des associations reconnues d’utilité publique, sont exemptés de cette taxe.

 Quel prélèvement et quelle gestion ?

Il s’agit d’une taxe sur les dépenses de communications des entreprises prélevée à la source.

- La loi Sapin qui oblige de faire remonter toutes les facturations des différentes prestations à l’annonceur d’où la possibilité de cerner l’assiette de calcul et de prélèvement de la taxe au niveau des annonceurs prescripteurs de publicité (à la source de l’engagement de la dépense).
- Dans un souci de simplification, la structure déjà existante du FSER, nécessairement renforcée, devrait, en s’élargissant à l’expression télévisuelle, se transformer en FSERA.

 Quelles recettes escompter ?

Le principe est une taxe d’un taux faible (0,3 % à 0,5 %) sur une large assiette (environ 30 milliards d’euros). Cette taxe rapporterait environ environ 90 à 150 millions d’euros.

 Quelles transformations de ce qui existe ?

Ce qui existe :

- Une taxe sur la publicité sur le « hors presse » alimente un fonds de modernisation des entreprises de presse.
- Le CNC gère un Compte de Soutien aux Industries de Programmes, c’est un fonds de soutien au cinéma et à l’audiovisuel, alimenté par une taxe sur les billets des salles de cinéma et sur le chiffre d’affaires des chaînes de télé, incluant donc les recettes de la publicité.
- Le Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER) pour le financement des radios locales associatives accomplissant une mission sociale de proximité. En 2002, le montant du FSER s’est élevé à 25 millions d’euros, notoirement insuffisant et qui devrait être doublé par notre proposition.

- Une taxe (peu importante) sur les écrans publicitaires diffusés à l’antenne, abonde le budget général.

Ce qui peut exister :

Le FSERA doit s’organiser en une double section : celle de la radio et celle de la télévision.
Les mécanismes existants doivent être maintenus ; le montant de la collecte de la taxe sur les écrans seraient intégrés au fonds à créer alimenté par l’extension de la taxe proposée Le FSER devenant une des deux sections du FSERA, avec un budget abondé, devrait être largement augmenté (doublé dès la première année).
Le mécanisme de répartition (critères d’éligibilité, montant), de gestion, de représentativité des membres des commissions d’attribution, devront faire l’objet d’un travail d’élaboration en commun (tutelle, associations) qui pourrait s’inspirer du mécanisme existant pour le FSER Les aides seraient attribuées par des mécanismes automatiques et sélectifs, selon des critères et sur proposition d’une commission où, outre des indépendants qualifiés, devraient être représentées les associations bénéficiaires et la tutelle.

 Quels bénéficiaires ?

Les bénéficiaires de la taxe sont des associations à but non lucratif ou structures de type coopératif (donc sans distribution de dividende) intervenant dans le domaine de la radio et de la télévision en faveur du fonctionnement, d’installation et d’équipement, de diffusion :
1. La création avec l’aide aux projets de création de structure associatives radiophoniques et audiovisuelles (notamment premiers équipements).
2. Le fonctionnement (avec la question des emplois aidés qui doit être traitée dans le cadre général des associations d’utilité sociale et culturelle) et la diffusion, soutien à la diffusion (sachant que la question du « must carry » doit être traitée en urgence).
3. La formation pour favoriser l’accès et l’éducation aux médias et leur appropriation par des citoyens actifs qui souhaitent s’impliquer.

À noter que le champ des bénéficiaires (presse alternative...) peut varier si le législateur décide de l’étendre. Il conviendrait alors de faire varier le curseur de prélèvement (taxe) alimentant le fonds créé.

Quels effets ?

Associé à d’autres réformes, ce FSERA, jouant un effet levier, devrait contribuer à l’émergence de télévisions associatives, pour construire un espace public, culturel et social qui ne soit pas un espace publicitaire. Selon, « la taille » de la réforme, ce financement pourrait en se joignant à d’autres ressources, rendre possible une économie des télévisions locales face à la montée en puissance d’un espace local publicitaire tout azimut. 100 à 150 télévisions associatives pourraient ainsi voir le jour en France, agrégeant autour d’un noyau dur de permanents, des collaborations complémentaires, avec des formations, des coopérations diverses, créatrices d’emplois (500 à 600), de sens, d’intégration et de solidarité.

En conclusion, il s’agit moins de créer une nouvelle taxe que d’étendre le mécanisme du FSER et donc la taxation existante du point de vue de son assiette et du point de vue de ses bénéficiaires.


 
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Notes

[2Voir, sur le site de l’OFM, de Ludovic Chevalier « CSA contre TSA » (lien mort, août 2013).

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