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« Médias : vecteurs de l’idéologie dominante » (Union syndicale Solidaires)

A l’occasion de son Congrès qui s’est tenu du 3 au 5 juin 2008 à Saint-Jean-de-Monts en Vendée, l’Union syndicale Solidaires a introduit dans ses orientations et revendications un long chapitre sur les médias. Nous le publions ici intégralement (avec l’autorisation du bureau de l’Union) [1]. (Acrimed)

Médias : vecteurs de l’idéologie dominante

 L’emprise médiatique sur le quotidien est de plus en plus présente dans notre société. Lire la presse ou passer plusieurs heures devant la télévision ne peut qu’avoir une influence sur le comportement général, les choix de mode de vie et de consommation quotidienne des individus. Il s’agit bien de formater les esprits pour réduire leurs capacités d’analyse autonome et leur faire admettre plus facilement les choix politiques comme de simples réponses techniques et sans alternatives. Les médias dominants formatent également le paysage politique en le personnalisant à outrance. Ils participent ainsi d’une simplification dommageable pour la démocratie. Dans le même temps, les instituts de sondage sont aussi vecteurs de l’idéologie dominante.

 Pour remplir une fonction démocratique, les médias devraient être diversifiés et soustraits à l’emprise directe des pouvoirs économiques et politiques. De par leur position dominante, ce sont avant tout les médias “ établis ” qui “ forgent l’opinion ”. Or, du point de vue économique comme éditorialiste, les principales entreprises médiatiques sont des vecteurs de l’idéologie dominante et des acteurs de la mondialisation néolibérale – ceci au mépris de la diversité des opinions et des aspirations de leurs lecteurs/trices, auditeurs/trices et téléspectateurs/trices. Pour autant, si de part la place qu’ils occupent dans la vie quotidienne des individus, les médias dominants ont une capacité d’influence significative (notamment par la voie audiovisuelle) sur leur comportement général, leur mode de vie et de consommation quotidienne, celle–ci n’est certainement pas absolue. L’exemple de la campagne référendaire sur le Projet de Traité constitutionnel européen en a été une parfaite illustration. Les médias sont donc souvent moins puissants qu’on pourrait le croire et la surface de leur pouvoir est aussi la conséquence du niveau de concessions que nous nous sommes finalement imposés nous mêmes jusqu’ici.

 Malgré une apparente surabondance de médias, la concentration de ceux-ci entre les mains d’une poignée de groupes industriels et financiers ne cesse de s’accentuer. Cette concentration intervient non seulement au sein de chacun des secteurs concernés (télévision, presse, édition…) mais aussi de façon transversale de par le développement de grands groupes multimédia eux-mêmes intégrés à de puissants groupes industriels (Lagardère, Bouygues, Bolloré, Dassault ...). Les conséquences de cette évolution sont toutes aussi lourdes pour les salarié-e-s concernés que dangereuses pour le pluralisme et la qualité de l’information. Ces rachats ne peuvent que renforcer un contexte général où dérives déontologiques et pressions sur le contenu se multiplient. Pour l’Union syndicale Solidaires il est manifeste que les propriétaires des entreprises qui accaparent les médias et les "instituts de sondages" ne le font pas pour améliorer la diversité éditorialiste et favoriser le débat démocratique mais plus sûrement pour mieux imposer aux esprits comme inéluctables les contre-réformes sur mesure que lui tricote le gouvernement.

 Même si ce constat n’est pas nouveau, il a été exacerbé ces derniers mois sous l’effet d’une convergence d’intérêts entre le nouveau chef de l’Etat et celles et ceux qui détiennent les entreprises médiatiques. Les interventions intempestives, les pressions insistantes sur les patrons de chaînes, de radios, de journaux ou d’agences de presse et les placements de proches de N. Sarkozy, sont devenus des pratiques courantes. Dans le même temps, jamais l’information n’a été aussi uniformisée, calibrée dans un seul sens : celui du conformisme, de l’obéissance au patronat et de servilité à l’égard du pouvoir politique.

 Le secteur public de l’audiovisuel ne fait pas exception. Face aux chaînes et stations privées, il se borne à la concurrence dans la course à l’audience instantanée. L’annonce de la suppression de la publicité doit entraîner un débat sur la finalité et le fonctionnement du service public de l’audiovisuel.

 Aujourd’hui, en France comme dans la plupart des pays européens où régnait une certaine liberté des médias, la multiplication des pressions économiques, sociales et politiques, la marchandisation de l’information, le développement de l’autocensure rédactionnelle par des directions qui sont "dans la ligne", les dérives déontologiques, la remise en cause de la protection des sources, la précarisation de nombreux/ses salarié-e-s des médias, journalistes et non journalistes… font peser une réelle menace sur le droit pour tout-e citoyen-ne à pouvoir bénéficier d’une information pluraliste, indépendante et fiable.

 Au nom du respect de ce droit fondamental, notre Union syndicale porte un certain nombre de revendications relatives aux médias élaborées en lien avec ses organisations membres directement impliquées dans les champs concernés et avec divers réseaux engagés sur ces questions, tels l’Acrimed (Action critique médias) et les Etats généraux pour une information et des médias pluralistes.

 A ce titre, l’Union syndicale Solidaires revendique notamment l’adoption de dispositions visant :
- à lutter contre les effets conjoints de la concentration et de la financiarisation des médias avec en particulier un renforcement de la législation contre la concentration dans les médias ; une refondation des aides publiques à la presse, pour que celles-ci bénéficient en priorité aux médias sans but lucratif, aux médias d’information généraliste et à faibles ressources publicitaires… ;
- à soustraire les médias aux différentes pressions et chantages d’où qu’ils viennent avec en particulier l’interdiction pour des groupes bénéficiant de marchés publics de posséder des entreprises médiatiques ;
la création d’une nouvelle instance de régulation des médias, quel que soit leur support de diffusion de l’information, plus démocratique que l’actuel CSA ; l’adoption d’une loi garantissant l’indépendance des rédactions et l’attribution de nouveaux droits collectifs aux rédactions et aux syndicats des salarié-e-s des entreprises médiatiques… ;
- à préserver et à développer un pôle public des médias et de l’AFP, avec en particulier un financement indépendant de la publicité à la hauteur de ses missions et des garanties démocratiques qui le soustraient au chantage politique des gouvernants ; l’arrêt de la concession des chaînes privées à des groupes dépendants de marchés publics ; la constitution d’un pôle public des médias… ;
- à favoriser l’essor des médias associatifs et à doter les médias à but non lucratif du statut et des moyens dont ils ont besoin. Les principales revendications portées par ces “ médias du tiers secteur ” doivent être satisfaites, en particulier leur représentation dans toutes les instances concernant les médias ; la pleine reconnaissance professionnelle des personnes contribuant à les faire vivre ; la protection du quota attribué aux fréquences associatives radiophoniques et l’instauration d’un quota équitable de fréquences hertziennes pour les télévisions associatives aux plans local comme national ; l’instauration d’aides spécifiques à la diffusion et la révision des conditions d’accès aux points de vente pour la presse écrite et l’édition indépendante et sans but lucratif ; la mise en oeuvre de mesures visant au développement d’un Internet solidaire et non marchand et la promotion des logiciels libres et des formats ouverts…
- à conditionner les aides publiques à la presse par l’adoption d’une charte sociale visant à résorber la précarité des salarié-e-s des médias concernés.

 L’Union syndicale Solidaires et les organisations qui la composent sont confrontées aux problèmes que soulève leur médiatisation. Pour permettre une appropriation collective de cette question, l’Union syndicale Solidaires organisera un débat sur les conditions de cette expression.

 
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Notes

[1En supprimant la numérotation des paragraphes.

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