

Depuis 1993, au moins, LA réforme des retraites (et non pas « une » réforme ou « des » réformes parmi d’autres possibles, et donc discutables), médiatiquement déclarée « urgente », « unique » et « inévitable », s’impose ou doit s’imposer. Cela méritait bien un effort de mémoire et une plongée dans nos archives. Et pour clore triomphalement la « trêve estivale » de 2013, les mêmes audacieux mobilisèrent leurs arguments (à l’exception notable de tous les autres), avant de se déclarer déçus par le manque d’audace du gouvernement (p. 9 à 20).
Depuis Jules Ferry, au moins, LA réforme de l’école est médiatiquement déclarée « urgente, unique, inévitable » par des éditocrates pressés de « dégraisser le mammouth », d’en découdre avec le « corporatisme » des enseignants (p. 25-27) et, à l’occasion, d’admirer les méthodes de coaching patronal appliquées aux élèves (p. 28-29).
Depuis leur naissance (ou presque…), la présence de Bernard-Henri Lévy (voir p. 4-5) et de Bernard Tapie (voir p. 21-22), sans doute parce qu’ils sont « uniques », s’impose à tous les médias (ou presque). Est-ce vraiment « inévitable » ?
Depuis le Big Bang (ou à peu près), les astres subissent leur destin et, depuis leur apparition, font le destin des hominidés… les plus crédules et, depuis moins longtemps, celui des rubriques d’« information » (p. 23-24). Est-ce vraiment « inévitable » ?
Les astrologues peuvent être rassurés : le secret de leurs sources est bien protégé. Celui des journalistes l’est beaucoup moins (p. 6). Les industriels du divertissement peuvent être également rassurés : leurs intérêts sont, eux aussi, protégés par le rapport Lescure sur « la politique culturelle à l’ère du numérique » (p. 7-8). Est-ce vraiment « inévitable » ?
Tant d’uniformité dans la présentation des problèmes sociaux, tant d’obstination dans le spectacle et la désinformation, tant de dérobades dans la transformation du monde des médias et du journalisme méritent que l’on rende celle-ci radicale et… inévitable !
C’est en tout cas, plus que jamais, dans cette perspective que s’inscrit Acrimed et son magazine Médiacritique(s), qui entame avec ce numéro sa troisième année d’existence. Que nos abonnés en soient remerciés… sans pour autant oublier de renouveler leur abonnement, vital pour la pérennisation de la revue. À bon entendeur…