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Lu, vu, entendu : « Contorsions »

… en tous genres : contorsions déontologiques, écologiques, politiques, etc…

Marianne  : contre la Poste privatisée et pour la « Poste Alternative » ?

Le site « Avenir du futur » (lien périmé) s’interroge sur la sincérité de l’engagement du journal Marianne contre la privatisation de La Poste, Marianne qui a initié une pétitionpour demander un référendum sur l’ouverture au privé du capital de l’entreprise. « Laurent Neumann, directeur de la rédaction de Marianne, y affirme être contre la privatisation de La Poste, au nom de son journal », précise l’auteur de l’article.

Qui poursuit : « Voilà pourquoi j’ai été étonné de recevoir dans ma boîte au lettre cette publicité d’abonnement pour le journal Marianne, distribuée par Alternative Post, une nouvelle entreprise postale privée. » Comme quoi, on peut semble-t-il « à la fois critiquer la privatisation de la Poste et utiliser les services d’une nouvelle société privée. »

La pétition de Marianne s’insurgeait : « l’État français, lui, est prêt à céder au privé une partie au moins d’un service public auquel les Français sont attachés. » Les Français, sans doute – Marianne, un peu moins, visiblement.

Jeu-concours de Bertelsmann : des cadeaux contre la « réduction des coûts »

C’est le Canard Enchaîné du 14 octobre 2009, qui le révèle dans un article intitulé « L’empire allemand des médias sous le signe de la balance », sous la plume de Dominique Simonnot : Bertelsmann lance un « grand concours international » envers ses employés qui « sont invités à remettre une idée de réduction des coûts ou de simplification des processus sur leur lieu de travail... » Et l’auteure de l’article de commenter : « Pour le bien de l’entreprise, donc, journalistes, secrétaires, cameramen, techniciens, assistants, documentalistes sont priés de réfléchir à des concepts qui fleurent bon le plan social. »

Ce concours est naturellement doté de récompenses alléchantes, que détaille Dominique Simonnot :

« Au plus zélé des collaborateurs, celui dont l’idée magique réduira les coûts de façon significative et simplifiera le mode de production, le premier prix. Un cadeau, qui l’emmènera « dans les hauteurs (...) au-dessus des nuages, à bord d’un appareil Bertelsmann (...) dans une métropole du monde (...), et cela en compagnie de quelques membres du directoire ». En clair, un voyage en avion avec les chefs, histoire de peaufiner le plan de restructuration. Très tentant, d’autant qu’une nuit d’hôtel est prévue, avec « petit déjeuner inclus ». Pour le deuxième salarié modèle, un « voyage à Berlin, avec une visite au siège de Bertelsmann », et des séances de cinéma en plein air, « sur le toit du siège ». Au troisième, la chance d’assister à une journée de tournage d’une série télévisée et d’« obtenir un rôle de figurant », dans cette série ou dans un show TV. Ce n’est pas tout, car une prime « du quart de la somme économisée la première année » sera remise pour chaque idée ayant permis à l’entreprise d’« épargner » au moins 1 000 euros. « Et c’est déjà une belle récompense », s’enthousiasme le dirigeant de Bertelsmann. En tout cas, ça fera une jolie cagnotte pour les pots de départ... »


Suicides à France Télécom : Contorsions verbales

Certains éditorialistes ne déçoivent jamais. Nouvelle démonstration [1].

 Un élégant jeu de mots

… De Jacques Camus dans La République du Centre, du 15 septembre 2009 : . « On ne peut que déplorer l’attentisme des dirigeants. Il ne saurait être question de les rendre responsables de tout, en ignorant les exigences de la compétition économique mondiale. L’immobilisme industriel serait lui aussi suicidaire... pour les entreprises. Reste qu’une "alerte" aurait dû s’exercer plus tôt. »

 Un délicat vocabulaire.

Daniel Ruiz, de La Montagne, résume la situation en empruntant une des formules bien connue d’un sociologue de combat : " À ne pas veiller à l’évolution des processus de transformation du service public des télécommunications en entreprise à faire du profit, l’État doit aujourd’hui revenir pour interrompre la dramatique spirale du mal-être. Pas facile d’intervenir dans cette problématique complexe où l’intime se mêle au collectif. Dans le cas particulier de France Télécom, les dysfonctionnements relationnels ont été poussés à leur paroxysme. Certes ils ne permettent pas de conclure à des comportements odieux mais ils témoignent d’une perte de responsabilité sociale de l’entreprise qui impose de repérer les gens fragiles.(…) Ce qui manque le plus aux managers c’est de savoir gérer l’humanité et ceux qui font la différence sont ceux qui ont l’intelligence émotionnelle . (...) L’échec de Xavier Darcos à comprendre les stress des enseignants, lui sera peut-être une expérience bénéfique pour gérer la situation complexe de France Télécom"(La Montagne , 15.9.09).

Il va sans doute falloir nous former encore à la complexité des relations sociales dans l’entreprise.

L’information du jour : retraite de Manaudou contre grève du lait

« Pour France Inter, Manaudou a « mérité » ses revenus astronomiques »

Lundi 21 septembre 2009, des téléspectateurs de TF1 écrivent à la rédaction de TF1. Jean-Marie Pillas, chargé de répondre, le fait avec un aplomb sans faille qui dissimule mal le mépris qu’il exhibe en d’autres occasions et sur lequel nous reviendrons.

 Extraits des courriers (lisibles sous le titre « Laure Manaudou et la crise laitière »).

- Bonjour,
Je suis éleveur laitier en Basse-Normandie et je ne comprends pas que vous ne parliez pas plus de l’actualité de la grêve du lait. J’ai reçu 2 fois vos journalistes (Armel Desouches ?) concernant l’évolution de la politique agricole européenne il y a 2 ans et l’an passé. Ils n’hésitent pas à m’appeler quand ils ont besoin et là, rien !!! Merci de relayer l’info et de venir faire un reportage... Merci de votre écoute.

- Bonjour ,
Début de votre JT 13h00 " Laure Manaudou arrête la compétition !!!!!!!!!!!!!!!!!! quelle catatrosphe !!!!!!!!!! oh la la , il est vrai que c’ est plus important que le conflit des producteurs de lait , de qui se moque-t-on ? quelle est la personne " sencée " ????? qui s’ occupe de la construction du journal de 13h00 et de l’ ordre de parution des reportages ? la rédaction prendrait-elle exemple sur " Ici Paris " ?
Fidèlement votre
Bernard

- Quelle provocation de commencer le 13 h par la retraite de Laure Manaudou à 20 an en relègant nos agriculteurs dans les faits divers.

 Réponse de Jean-Marc Pillas :

Bonjour,
Nous avons parlé de la grève du lait dans nos éditions de 20 heures de vendredi, du 13 heures et du 20 heures, samedi. En matière de désinformation, on fait pire ! Quant à la retraite anticipée de Laure Manaudou
il s’agissait de l’information du jour qui nécessairement prend le pas sur l’actualité déjà déclinée.

Impossible d’en douter. Vincent Parizot à 7h12 sur RTL, le matin même de l’annonce de la retraite sportive de Laure Manaudou assène cette vérité première : « c’est évidemment l’information de la journée ». Et ce le sera, en effet, toute la journée sur la plupart des radios généralistes.

Le Monde propose : du kérosène écologique ?

Dans ses pages « planète », Le Monde des 27/28 septembre distribue les bons et les mauvais points écologiques, dans deux brèves surmontant le titre d’un article sur « l’impact du réchauffement en France » :

La « forêt argentine coupée » se voit logiquement affublée du signe négatif. Tout aussi logiquement, l’inauguration d’un « refuge futuriste et économe en énergie » est saluée et se voit attribuer le signe positif. Même si, on l’apprend en fin de brève, « sa construction a nécessité 3000 rotations [écologiques…] d’hélicoptères » !

Brigitte Jeanperrin : au service des dirigeants, en toute indépendance

Brigitte Jeanperrin, chef du Service économique et social de France Inter de 1990 à 2003 a offert aux auditeurs jusqu’en mars 2008 une chronique intitulée « Entreprises et Stratégies », entièrement « au service des PDG et de l’entreprise privée », ainsi que nous l’avons montré dans un article portant ce titre de décembre 2005. Depuis le 5 septembre 2009 elle présente chaque samedi, de 9h46 à 10h00, « Carrefour de l’éco » un « débat sur la question d’actualité de la semaine. ».

Manifestement son talent a été reconnu par ses invités, puisque elle anime régulièrement des débats très sélects. Echantillon :

Le 10 décembre 2007, elle animait un colloque de « Positive entreprise » [2] qui réunissait au Sénat « Décideurs et dirigeants » dans le but de « Réconcilier les jeunes avec le monde de l’entreprise ».

Ouvrant les débats, Thibault Lanxade, Président de l’association, terminait ainsi son intervention : «  J’invite donc la jeune talentueuse, l’époustouflante, la vibrante, la toujours jeune Brigitte Jeanperrin à venir me rejoindre. » [3] N’en jetez plus !

Le 2 décembre 2008, elle partageait avec Bruno Fuchs, «  ancien journaliste télévisé, Président d’Image & Stratégie Europe », l’animation d’une première plénière la « journée de clôture des Etas généraux des CCI ». Les CCI ? Les Chambres du Commerce et de l’Industrie [4]… La seconde plénière était animée par Ruth Eklkrief, journaliste à BFM TV : les thèmes de la journée et ses participants ne réservent aucune surprise, sauf pour les naïfs, ainsi qu’on peut le vérifier en consultant le programme.

Le 8 octobre 2009, en qualité de « journaliste économique à France Inter », elle animait [5] la 2ème Convention nationale de l’Usgeres « Quelles dynamiques employeurs pour des emplois de qualité ?

Le 16 octobre 2009, toujours en qualité de journaliste à France Inter, elle a animé au Centre Pierre Mendès France à Paris, un colloque intitulé « Nos emplois de demain » qui réunissait presque exclusivement des experts de l’administration publique et des dirigeants d’entreprise, comme on peut le vérifier sur le programme.

Qu’elles soient rémunérées (« ménages ») ou pas, de telles prestations laissent songeur…

Le Monde veille sur l’info (mais pas sur l’info du Monde)

« Veilleur de jour », le blog d’Eric Azan, journaliste au Monde, hébergé par lemonde.fr, a « pour but de faire émerger certaines informations qui sont parfois noyées dans le flot de l’actualité ». Il est sous-titré : « Les infos que vous avez (peut-être) ratées ».

Ainsi, dans un billet en date du 24 octobre, intitulé « Un Français disparaît au Cameroun : le Quai d’Orsay fait le service minimum » (lien périmé), Eric Azan revient sur une histoire vieille d’un mois : « Ange Badou, 20 ans, a disparu le 14 septembre au Cameroun, la veille de son retour en France ». Depuis, pas de nouvelles, et des autorités françaises qui ne semblent pas faire tout leur possible pour élucider cette affaire.

Eric Azan en profite pour signaler, le même jour, la tenue d’un « rassemblement ce samedi 24 octobre à 15 heures, place de la République à Paris ». Et ironise-t-il, « Nul doute que Claire Chazal et Laurent Delahousse vont ouvrir leurs “20 heures” sur cette disparition d’un Français à l’étranger ».

Il est vrai que ce désintérêt médiatique est choquant, même s’il n’est pas total. Le billet du « veilleur de jour » s’appuie ainsi sur une dépêche « AFP reprise par Le Figaro », une interview de la famille du disparu sur RTL, des précisions données par L’Express, Métro, le nouvelobs.fr… Mais il ne cite pas Le Monde. Et pour cause : le moteur de recherche du monde.fr ne donne, pour « Ange Badou »… « aucun résultat ». Le « Veilleur de jour » pourrait commencer par réveiller ses propres collègues [6].

Débat pluraliste sans débat… ni pluralisme

Dans un communiqué de presse daté du 20 octobre (intitulé « Budget, fiscalité, grand emprunt : le Gouvernement fuit le débat dans les médias »), Didier Migaud, député PS et Président de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, indique qu’il a constaté « à plusieurs reprises ces dernières semaines […] l’impossibilité de débattre, dans les médias audiovisuels, avec les membres du Gouvernement ou les responsables de la majorité sur les questions budgétaires et fiscales. » La technique dénoncée semble assez simple : « à chaque fois, faute de participant de la majorité, le débat a été annulé, les médias subissant la plupart du temps cette situation et renonçant à laisser l’opposition s’exprimer seule ».

Dernier exemple en date : Didier Migaud indique avoir appris « à la dernière minute qu’un débat prévu dans la matinale de France Inter est purement et simplement annulé au motif de la défection de tous les contradicteurs pressentis. Du coup, les auditeurs sont privés de débat et écouteront demain matin Jean Nouvel monologuer sur le grand Paris alors même que le débat budgétaire commence dans l’hémicycle ». Et conclut : « le débat démocratique, ce n’est pas seulement l’équilibre quantitatif des interventions, c’est également la confrontation directe des opinions, des critiques et des arguments, y compris dans les médias ».

Nicolas Demorand, au moment d’interviewer son invité, mercredi 21 octobre, ne se donnera pas la peine d’informer les auditeurs que Jean Nouvel remplaçait au pied levé Didier Migaud, ni d’expliquer les raisons de ce remplacement. Des raisons d’autant plus contestables qu’il est d’usage, dans le 7/10 de France Inter, de n’avoir qu’un seul invité politique – cette semaine-là, les auditeurs de France Inter auront pu entendre aussi « monologuer » Laurent Wauquiez (lundi 19/10) ou Jean-François Copé (vendredi 23/10), ce dernier pour la deuxième fois en deux mois.

D’ailleurs, on ne saurait trouver trace de cet « équilibre quantitatif des interventions » évoqué par le député socialiste. Car, pour s’en tenir aux deux grandes formations, pour onze invitations UMP, on n’en compte que 5 PS depuis le 1er septembre. Le reste des partis devant se partager la demi-douzaine restante…

 
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Notes

[1Grâce à la Revue de presse du nouvelobs.com.

[2Une association que l’invitation au colloque présente ainsi : « Positive Entreprise est une association indépendante qui vise à favoriser le rapprochement entre les jeunes et les métiers de l’entreprise, par réalisation de publications, l’organisation de conférences, de séminaires, de réunions et d’actions d’informations. Promouvoir le monde de l’entreprise, des commerces, des professions libérales et de l’artisanat auprès des jeunes, insuffler aux jeunes l’esprit d’entreprise, agir pour une meilleure connaissance et une meilleure compréhension entre les entreprises et la jeunesse : tels sont les 3 fondamentaux de l’association. » (lien périmé)

[3A voir avec le programme du colloque sur le site de « Positive entreprise ». (lien périmé)

[4Réunies au sein de l’ACFCI, « établissement national fédérateur et animateur des Chambres de Commerce et d’Industrie ».

[5Ainsi qu’on peut le vérifier sur l’invitation.

[6Peut-être lemonde.fr a-t-il repris une dépêche AFP non signalée par le moteur de recherche. Ce serait bien le moins – mais il est acquis qu’il n’a pas fait plus.

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