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Un débat de mars 2001

France Culture, audiovisuel public, services publics (3)

Mercredi 7 mars, à l’initiative de l’association Rassemblement des auditeurs contre la casse de France Culture (RACCFC) s’est tenue une réunion d’information-débat à la Bourse du Travail de Paris sur les problèmes posés par le démantèlement de l’audiovisuel public. Devant une centaine de personnes très motivées sont intervenus plusieurs représentants d’associations et de syndicats.

Nous publions ici la troisième partie de la transcription réalisée par le RACCFC

Interventions de Laurent Lederer (du Syndicat des Artistes Interprètes), Michel Sidorov (du Syndicat National Libre des Artistes Force Ouvrière), Antonio Gomez (de la CGT de la SFP).

 LAURENT LEDERER, Comédien, Représentant du Syndicat des Artistes Interprètes :


Je ne vais pas raconter tout ce que je voulais dire parce qu’on n’a pas beaucoup de temps et ça a un petit côté anecdotique malgré tout, c’est très intéressant et très énervant mais c’est un peu anecdotique. C’est vrai que quand l’équipe de Cavada et de Laure Adler est arrivée à la tête de Radio-France et de France Culture, ils sont arrivés notamment au niveau de France Culture devant une chaîne qui coûtait assez cher finalement par rapport au fait que la radio peut être très très bon marché, ça coûte tellement rien de faire venir des invités et de les laisser causer, s’engueuler, autour d’un micro pendant une heure, ça ne coûte rien, alors que produire des documentaires élaborés, produire des émissions de fiction dramatique, c’est des choses qui coûtent cher, ça demande du travail de beaucoup de gens pendant longtemps, tout ça pour arriver à trois quarts d’heure d’une émission, parfois passionnante, parfois un peu moins, mais quelque chose d’enrichissant, et ça c’était embêtant, il fallait quand même pouvoir faire des économies et se débrouiller pour arriver, pour des raisons qui ont été évoquées à droite à gauche, à faire une radio qui, à terme, pourrait être moins chère à gérer. Il a donc fallu sabrer dans les documentaires et dans la fiction. Dans les deux cas il ne fallait quand même pas que cela se sache trop, il fallait essayer d’être discret, donc là tout a été bon, toute la mauvaise foi, tout le mépris, toute la violence, ont été utilisé par la Direction de France Culture pour virer les gens, pour supprimer des émissions tout en disant "non, non, on augmente le volume de documentaires, on augmente le volume de fictions", tout en les diminuant. Ils avaient la presse avec eux comme on l’a expliqué. Tous les grands responsables des media écrits étaient invités, nouvellement invités, embauchés par la chaîne, mais ils n’étaient pas libres de dire toute la vérité. J’ai peut-être un peu alléché tout le monde au début en parlant des méthodes, mais on n’a plus beaucoup de temps [protestation dans la salle]. Bon vous avez besoin de savoir ...

En résumé pour ce qui est de la fiction, je vais parler essentiellement de la fiction parce que c’est ce que je connais le mieux, mais ce n’est de loin pas le seul problème, et il s’est passé des choses à peu près similaires pour le documentaire. Vous le savez ou vous ne le savez pas, il y avait environ une petite vingtaine de réalisateurs qui réalisaient des fictions. Il y en a six à qui on a dit "vous ne travaillerez plus", dans certains cas on ne le leur a pas dit mais il a été décidé qu’ils ne travailleraient plus. Dans le même temps, on s’est mis à tout mélanger, à dire "oui, oui, on fait de la fiction, on fait beaucoup de fiction", alors qu’en fait on mettait tout à coup sous la dénomination "fiction" des émissions qui existaient déjà bien avant, des émissions littéraires, des lectures de textes, voire des émissions qui auraient pu être classées dans le documentaire, des lectures de textes non fictionnels, des lectures de lettres de Jean Racine par exemple, qui étaient présentées comme un feuilleton, comme de la création de fiction radiophonique, ça n’est pas le cas, cela n’a pas vraiment sa place dans ce genre-là, mais on tient mordicus à dire à tout le monde, et la presse éventuellement se fait le relais de ça, "si, si, l’accent est donné sur la fiction, nous avons ça à cour". Il y a toute une série de méthodes pour essayer de faire disparaître sans qu’on s’en rende compte ces choses-là. On a modifié complètement la régularité pour essayer de perdre les auditeurs, ça vous vous en êtes rendu compte. Les émissions, c’est une fois par-ci par-là. Dans "Surpris par la Nuit" il y a une fiction mais on sait pas trop quand. On a obligé les "Ateliers de Création Radiophoniques" à faire une fiction par mois, on ne sait pas trop quand, on ne sait pas ce que c’est. Avec la disparition de "La Semaine de Radio France", ça devient impossible de savoir où est la fiction. Tous les noms ont changé, "Perspectives Contemporaines" c’est de la fiction. Les feuilletons, ce n’est plus forcément de la fiction mais "Perspectives Contemporaines", ça en est ! Il y a toute une série de choses un peu plus graves, qui sont notamment la suppression des moyens techniques qui permettaient d’arriver à faire de la fiction correctement. On a supprimé des heures de studio, des heures de mixage. La Direction l’a un jour avoué au cours d’une réunion à Radio-France, "même si on voulait, on ne pourrait plus maintenant arriver à produire autant de fictions qu’il y a trois ans", il n’y a plus les moyens techniques pour le faire, ils ont été supprimés. Il y a de plus en plus une baisse de la qualité de ce qui est produit, pour des raisons diverses. Soit on produit sans réalisateur pour diriger les comédiens, les comédiens sont dirigés par des gens dont ce n’est pas forcément le métier et qui ne se débrouillent pas forcément bien pour le faire, cela ne donne pas forcément de bonnes choses.

Il y a une chose qui est très grave, c’est la mise à l’écart du "bureau de lecture". Vous le savez peut-être, il y avait un comité d’une douzaine de personnes qui étaient chargées de lire les pièces qui étaient proposées à Radio France, à France Culture, qui émettait un avis favorable ou défavorable pour la réalisation, et cet avis était généralement suivi par la chaîne. Depuis deux ans ce n’est plus le cas, les avis favorables ne garantissent absolument plus une réalisation, ça n’a jamais été garanti mais 9 fois sur 10 c’était le cas, et n’est quasiment plus jamais le cas, les avis favorables du bureau de lecture ne sont pas réalisés. En revanche les avis nettement défavorables, si l’auteur est un proche de quelqu’un de bien placé, sont malgré tout réalisés. Tout ça a tendance à dégrader la qualité de ce qui se fait, à dégoûter éventuellement les auditeurs qui continuent à écouter et à terme c’est sensé permettre de supprimer ce genre-là. Il y a un exemple qui en ce moment nous énerve prodigieusement, on fait passer pour de la fiction ce qu’ils appellent les "avant-premières", on fait passer ça pour de la création de fiction radiophonique. Les "avant-premières", vous savez, c’est un spectacle qui va se donner dans un théâtre à Paris ou en banlieue. Quelques jours avant la première, on fait venir les comédiens en studio et on les enregistre. Alors c’est des comédiens qui depuis quelques semaines, ont travaillé pour s’adapter à un travail scénique, ils savent bouger sur scène, ils ont une mise en scène en tête, ils parlent en vue de la scène, avec un niveau sonore adapté, et on leur demande tout à coup de tout faire pour la radio alors qu’ils n’ont peut-être jamais fait de radio, alors que le spectacle n’est pas prévu pour la radio, n’a jamais été conçu pour la radio, c’est un spectacle qui a été conçu pour un autre lieu, on leur demande de le faire. Laure Adler trouve ça génial. Quelle idée géniale de faire venir le théâtre à la radio au lieu d’emmener la radio enregistrer le théâtre ! C’est une idée fabuleuse. Là où cela devient très, très gênant, alors que bien souvent pour les vraies créations de fiction radiophoniques on est obligé de travailler à toute vitesse parce qu’il n’y a plus les moyens techniques, on nous demande de faire très très vite ce que, avant, on avait un peu plus de temps pour faire. Là, pour ces avant-premières, il y a des moyens considérables. Ils ont énormément de temps et on les paie très grassement. Je ne comprends pas pourquoi. On leur paie, en plus, des répétitions qui n’ont pas lieu à Radio France, qui ont lieu dans le théâtre, qui sont déjà payées par le théâtre. Tout ça permet, l’air de rien, de dépenser le budget normalement alloué à la fiction sans plus rien produire comme fiction radiophonique proprement dite.

Peu à peu, on habitue la chaîne à ne plus avoir de productions du tout. On habitue France Culture à ne plus chercher à créer quoi que ce soit. C’est vrai pour les documentaires, c’est vrai pour la fiction. Il y a quelque chose que j’ai du mal à dire parce que je défends les intérêts des artistes et en général je défends également leur droit à être bien payés quand ils travaillent. Il arrive qu’on nous embauche pour une émission qui s’appelle fiction mais qui, en général consiste en de simples lectures de textes et qu’on nous paie mais cinq fois trop ! On nous fait lire un texte pendant un quart d’heure, on nous paie huit heures, et le lendemain on nous fait revenir pour lire un autre morceau de texte pendant un quart d’heure et on nous paie huit heures, et ainsi de suite, cinq jours de suite. Ca m’est arrivé plusieurs fois, je ne sais pas si on a voulu m’acheter ou quoi, mais je n’étais pas le seul en cause. Ça aussi c’est extraordinaire, ça permet de dépenser le budget de façon parfaitement inutile, sans rien produire. Alors voilà, c’est un peu ce qui se passe en ce moment à France Culture. Il faut le savoir, c’est des méthodes qui n’ont rien d’honnête, qui n’ont rien de constructif. La direction des programmes de Radio France dit aux organisations syndicales d’artistes, "vous n’avez rien à dire sur le contenu, ça n’est pas votre affaire, notre liberté éditoriale passe avant tout, vous avez le droit, parce que vous êtes des syndicats, vous avez le droit de vous intéresser au volume d’emploi des artistes, ça, oui, c’est normal, on ne peut pas vous en empêcher, d’ailleurs on va vous garantir un volume d’emploi excellent. Je vous ai dit comment ils le font, ils truquent. Ils truquent, il y a de la gabegie, il y a de l’emploi fictif. Je suppose que d’ici deux, trois ans, il se trouvera bien quelqu’un pour faire un audit à France Culture et pour dire "Qu’est-ce que c’est que ce truc qui coûte si cher là, pour un résultat aussi médiocre ? on supprime, terminé !". C’est ce que je crains. Je passe la parole à Michel Sidoroff.

 MICHEL SIDOROFF, du Syndicat National Libre des Artistes Force Ouvrière

Je suis Secrétaire Général du Syndicat National Libre des Artistes Force Ouvrière qui avec le Syndicat Français des Artistes Interprètes CGT, le Syndicat des Ecrivains de Langue Française, SELF, le Syndicat National des Auteurs et Compositeurs, SNAC, et la CGT Radio-France, a participé à la mobilisation des artistes, comédiens, musiciens, compositeurs, auteurs, réalisateurs, bruiteurs, pour la défense de la production dramatique radiophonique l’année dernière à Radio France, mobilisation qui a été très importante vous le savez, je ne vais pas revenir dessus maintenant. Mais c’est vrai que cette mobilisation a permis ce que Patrick Champagne a expliqué tout à l’heure, c’est-à-dire un recul provisoire de la direction de Radio France sur la production de fictions, recul partiel et provisoire. Mais je partirais de ce qu’a dit Laurent à l’instant à propos de la différence qu’il faut noter, qui est très importante, entre le budget alloué aux comédiens à Radio France et les moyens techniques.

On peut effectivement voir diminuer considérablement les moyens techniques et, pendant quelques années, voir maintenu un budget destiné à payer les comédiens et on aboutit à ce qui a été très bien décrit par Laurent et qui permet effectivement de gonfler artificiellement les chiffres de l’emploi des artistes à Radio France. Nous nous attendons, dans nos syndicats, à ce qu’au mois de mars, il y ait quelques problèmes, au niveau du bilan annuel, avec les chiffres, bien sûr. Mais cela permet aussi, quand on parle de moyens techniques, d’aborder une question très importante qui est celle de l’appareil technique général de Radio France. Je suis réalisateur, j’ai appris dans mon métier, avec Georges Peyrou qui est là, que la force de la production, qu’il s’agisse de documentaires, qu’il s’agisse de fictions, à France Culture dépend des moyens de Radio France, c’est-à-dire de l’ensemble de ces moyens énormes du service public de radio qui sont apparus après la deuxième guerre mondiale, après la Libération. Comment, dans quelles conditions, cela est-il apparu ? Probablement pas, parce que le patronat et ce que l’on appelle les élites à cette époque étaient plus généreux qu’aujourd’hui, mais il y avait, ce qu’on appelle, il faut l’appeler par son nom, la lutte des classes, c’est-à-dire que, au sortir de la guerre, ce fut un véritable raz-de-marée révolutionnaire, dans le monde et en Europe. En France, cela s’est traduit par des avancées sociales considérables, en particulier par exemple les conventions collectives des années 1947, souvenons-nous en, et on a vu dans ces conditions se développer des services publics très importants et un patronat concéder un certain nombre de choses, être obligé, oui, de faire des concessions très importantes et d’admettre que ses profits seraient, pour un temps, limités. Et cet ensemble d’appareils de production de tous les services publics, pas seulement dans l’audiovisuel, a été sous-tendu par quoi ? Par la force de travail. Et c’est ce que représentent ici des syndicalistes comme Charlie Kmiotek qui est intervenu tout à l’heure, ou Antonio Gomez de la SFP. Cette force de travail organisée, et soudée grâce à une convention collective, la convention collective de l’audiovisuel, qu’on appelle de l’audiovisuel public, effectivement parce qu’il n’y a que des entreprises de service public qui l’aient signée. Cette convention est aujourd’hui encore, dans des conditions très difficiles (des tentatives de remises en cause absolument scandaleuses auxquelles nous assistons depuis des années), est encore le ciment de tous les personnels de l’audiovisuel public et je crois que Jean-François Parrot, dont on a lu une lettre tout à l’heure, a bien exprimé la conscience du lien qui existe entre le besoin, l’attente des auditeurs et ce ciment, cette force des professionnels.

Qu’est ce qui se passe quand la convention collective est mise à mal ? Eh bien, on voit des professionnels, et d’abord les plus exposés, comme les producteurs, les réalisateurs aussi, écartés par la direction de Radio France, parce que ce sont des personnels effectivement fragiles. Alors, je ne pense pas qu’il y ait de contradiction entre ce qu’a expliqué Charlie Kmiotek tout à l’heure à propos de la politique nationale de l’audiovisuel et les décisions qui sont prises au niveau de l’OMC et de l’Union Européenne. Entre ce qu’ont expliqué Annie Poure et Charlie il y a une rencontre, c’est que les gouvernements appliquent en fait les directives qui sont édictées dans ces organismes, et ils les appliquent avec beaucoup de zèle. Vous savez, récemment, il y a quand même eu un certain nombre de directives qui sont passées, qui ont été votées à l’Assemblée Nationale, parfois à quinze députés la nuit. Quinze députés, la nuit, ont voté le rétablissement du travail de nuit des femmes, ont voté l’introduction du travail des enfants dès l’âge de treize ans, ont voté la diminution des congés de maternité ! S’il y avait un Victor Hugo aujourd’hui, il serait horrifié, ou s’il y avait un Zola aujourd’hui, il y aurait des "J’accuse" en pagaille qui circuleraient. Ce n’est pas le cas, parce qu’il y a effectivement une faillite du milieu intellectuel qui a été très bien décrite tout à l’heure, et que la force de résistance ne se situera probablement pas du côté de ceux que les médias encensent mais certainement avec les intellectuels obscurs dont Charles Alunni a parlé tout à l’heure et qui sont les plus importants dans le pays et qui participent à la mobilisation. Il n’y a rien d’irréversible. Apparemment, c’est le rouleau compresseur, mais on pouvait penser, au mois de décembre, après le vote qu’il y avait eu à l’Assemblée Nationale, en particulier sur les congés maternité - c’est absolument effroyable du point de vue de la santé des enfants et des femmes, des travailleuses, c’est insensé ! On pouvait penser que c’était fichu, et puis, parce qu’il y a eu une mobilisation (vous en avez entendu parler avec le Professeur Papernik), il y a eu un premier recul - à ce propos, je signale un meeting demain soir à la Mutualité. Nous sommes condamnés à cela, à la résistance pied à pied, tant pour France Culture que pour l’ensemble de l’audiovisuel public. Les choses doivent se relier, mais on ne peut pas les relier, disons, à mon sens, sur un à priori idéologique, elles peuvent se relier quand matériellement la résistance s’organise dans un secteur et dans un autre et, qu’à ce moment-là, les contacts et les convergences sont organisées.

Il est certain que si, aujourd’hui, la mobilisation des personnels pour la défense de la radio publique peut rencontrer celle des personnels de la SFP, cela peut changer la situation à la SFP, pour stopper les licenciements. Si ensemble, les personnels de l’audiovisuel public, dans une situation où des directeurs sont payés des millions et des millions, et où les personnels voient leurs salaires baisser, si ensemble ils se mettent d’accord, par exemple, pour réclamer dans le cadre de la convention collective, pour la faire respecter, l’augmentation de la valeur du point d’indice, c’est-à-dire l’augmentation générale des salaires, parce que c’est une chose dans ce pays que les salaires sont bloqués, c’est absolument incroyable ! pour nous, pour nous tous n’est-ce-pas ils sont bloqués, pas pour d’autres, eh bien à ce moment-là, les choses pourraient effectivement changer. Alors, sur le lien entre les personnels et le public, il me semble qu’il y a une tentative qui est intéressante et qui mérite certainement d’être discutée entre nous par la suite, c’est le projet de charte d’auditeurs de France Culture, de voir aussi comment cela pourrait s’articuler peut-être avec un mouvement, sans que cela perde sa spécificité, bien sûr, car il faut répondre à ce besoin de spécificité qui a été exprimé ici. Les gens veulent défendre France Culture, bien sûr cela ne les empêche pas de vouloir défendre la télévision publique bien entendu, mais que cette spécificité puisse exister, ce projet de charte, c’est un début, c’est quelque chose d’intéressant, à travailler entre nous, à la lumière de tout ce qui a pu être dit jusqu’alors et peut-être le relier à un même type de travail par rapport à l’ensemble de l’audiovisuel public . Je vous remercie. [applaudissements]

Charles Alunni et Patrick Champagne interviennent à nouveau, puis :

 ANTONIO GOMEZ, Responsable CGT pour la SFP :

Oui, moi je voudrais intervenir très rapidement. Ce que je veux dire, c’est que tout est lié, sauf que le problème qui se pose à nous, à la SFP, c’est un problème de survie, c’est un problème de vie ou de mort. Ce que je veux dire par là, c’est que depuis le mois de mai de l’année dernière, on a commencé une lutte pour la survie de l’entreprise et de ses 430 emplois. Aujourd’hui, le gouvernement répondra sur la survie de l’entreprise, à la fin du mois, alors qu’on aurait dû nous répondre en janvier. La seule chose que l’on peut dire, c’est que tout est lié. La SFP, c’est le service public sauf qu’aujourd’hui on a dévié son activité vers les producteurs indépendants. Tout à l’heure, j’entendais mes collègues artistes, en 1977, je ne sais pas si vous y étiez, il y avait la grève des artistes à la SFP. Tout est arrêté, aujourd’hui, la S.F.P. n’a plus d’artistes sous contrat, n’a plus de réalisateurs sous contrat, tout est à l’extérieur, tout l’argent public part à l’extérieur. J’ai cru entendre que c’était à la radio, comme c’est à la télévision. Et aujourd’hui, le problème que posent les 430 de la SFP, c’est leur intégration dans France-Télévision en tant qu’individus, parce qu’ils considèrent que la SFP est morte. J’entends parler de conventions collectives, à la SFP, on n’applique plus le code du travail, à la SFP, c’est trois morts depuis quatre ans, à la SFP, c’est un président qui est arrivé à la suite de l’autre, qui n’a fait que continuer la casse de l’entreprise, un président dont aujourd’hui on peut se poser la question s’il n’a pas mis la S.F.P. dans la situation où elle se trouve pour pouvoir effectivement après la racheter après au franc symbolique, ça veut dire qu’on a affaire à des voyous ! Des voyous défendus par une politique, au niveau français peut-être, mais au- delà même. Donc nous, on est obligés de répondre d’une manière urgente et rapide, mais j’attire l’attention ici pour les gens qui sont là pour défendre France-Culture, c’est pas que France Culture qu’il faut défendre, mais c’est Radio-France comme le disait Marie-Hélène, c’est la télévision publique comme le disait Charlie tout à l’heure, c’est tout cela qu’il faut défendre, sinon demain qu’est-ce que ce sera ? C’est déjà aujourd’hui, hélas ! M. Elkabbach, il est tombé sous le fait qu’il payait des animateurs-producteurs à des prix mais vraiment défiant toute concurrence. Aujourd’hui, M. Delarue, c’est quoi ? M. Delarue a fait une société de production avec l’argent prêté par le service public, prêté par le service public ! C’est à dire qu’avant qu’il ait donné une heure d’émission, il avait déjà touché des millions. C’est quoi, M. Delarue aujourd’hui ? Il est en train de créer une chaîne numérique hertzienne. Alors qu’il est payé par le service public, il va créer une chaîne concurrente au service public. Le service public est en train d’engraisser en son sein ceux qui sont en train de le tuer. La SFP n’est pas encore morte, et je crois que les 430 de la SFP se battront, mais il y a quand même des attitudes très spéciales. Nous, dans notre entreprise, on s’est mis en grève pendant trois semaines, on a occupé pour défendre notre outil et notre emploi. Qu’est-ce qui s’est passé ? Notre président, mis en place par un gouvernement dit de gauche, qu’est-ce qu’il a fait ? Il a cité dix salariés de l’entreprise devant les tribunaux ! dix salariés de l’entreprise pris au hasard ! Ces mêmes 10 salariés, il les a dénoncés à des clients de la SFP pour que ces clients citent ces mêmes dix devant les tribunaux ! Vous parliez tout à l’heure de 45 mais ça, c’est des méthodes d’avant 45 ! C’est scandaleux que le pouvoir politique n’ait pas réagi. Mais c’est normal, puisqu’ils sont pour la casse du service public, donc ils ont pas à réagir.

Donc, ce que je voulais dire, c’est que nous, nous on est dans une situation d’urgence, et que s’il y a pas une réaction plus importante et au-delà de ce que - le but de la réunion de ce soir de France-Culture, il est vrai qu’effectivement en peu de temps, tous les arguments, d’après tout ce que j’ai entendu, tous les arguments, depuis vingt ans on les connaît ces genres d’arguments, tous les arguments sont déjà mis en place pour effectivement casser France Culture demain, demain qu’est-ce que je dis ? C’est déjà en cours, c’est tout de suite, et après France Culture, ça sera une autre chaîne et ça sera la radio publique et ça sera la télévision publique etc, etc... Aujourd’hui, il faut donc que tout le monde se mobilise. Moi franchement, avant qu’on m’envoie par mail effectivement, toutes les informations sur ce qui se passe, c’est vrai que je ne connaissais pas l’association, je pense que l’association ne connaissait pas les problèmes de la SFP, etc, donc c’est vrai, qu’aujourd’hui, il faut se mettre tous autour d’une table, il faut essayer de réunir un maximum de personnes, il faut combattre, on est pour défendre quelque chose, mais on défend chacun dans son petit coin, et tant qu’on sera 430 à la SFP à défendre notre emploi, tant qu’il y aura, je ne sais pas combien ils sont à France Culture, et combien ça fait travailler de personnes, chacun dans son coin, France 2, France 3, il y a une grève, il y a une grève à la SFP encore hier. Bon je veux dire, c’est vrai que les journaux ne parlent pas de nous, on a énormément de mal à faire sortir ça dans les journaux. Ne vous inquiétez pas, si demain la SFP, on décide demain de mettre au milieu de la cour de Brie sur Marne un car vidéo et qu’on dit tout autour, on met des bombes, ils vont en parler, mais pas dans le sens qu’on souhaite malheureusement. Parce que nous, notre problème, c’est un problème de fond qu’on pose, et le problème de fond, ils ne le reprennent jamais. A tel point qu’il a été présenté la grève d’hier à France 2 et France 3, comme une grève de soutien de la SFP, alors que les camarades de France 2 et de France 3 posent le problème global de la télévision publique, avec le financement, le numérique terrestre, comme ce que disait Charlie etc, Donc c’est vrai, on a affaire à un mastodonte et que si on ne se regroupe pas entre nous, ben le mastodonte, on n’est pas près de l’abattre, voilà ! [applaudissements]

 
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