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Amour estival, civisme vénal du Courrier Picard

par François Ruffin,

Un article paru dans Fakir n°21 (septembre/octobre 2004 ; lien périmé, octobre 2013), reproduit ici avec l’autorisation de l’auteur (Acrimed)

Le Courrier picard s’engage à faire la publicité du ministère des Transports, et par la bande de son ministre. En prime, la complaisance rapporte gros.

« Gilles de Robien avait une chance d’entrer au ministère, nous avons voulu lui donner un coup de pouce. » C’est ainsi que le chef de la locale expliquait, lors de notre procès, la politique éditoriale du Courrier picard - et le choix d’interviouver (avec son agressivité habituelle...) l’alors maire d’Amiens. Depuis, notre quotidien régional assure, pour le moins, le service après-vente...

Début juin, en effet, on découvrait ce titre en page 2 : « Le Courrier picard s’engage... » (7/06) Et sur quoi la rédaction s’engageait-elle ? contre la pénurie de logements sociaux ? contre la consommation de tabac ? contre les discriminations à l’égard des handicapés ? etc. Les causes ne manquent pas mais le hasard voulut que « Le Courrier picard s’engage sur la sécurité routière. » Quelle merveille d’harmonie lorsque l’agenda médiatique s’accorde, si parfaitement, avec la priorité ministérielle...

[Photo de famille, pouvoir et contre-pouvoir unis après leurs fiançailles.]

« Un truc sans importance »
Une photographie illustrait cet article. Elle éclairait bien sur le rôle de contre-pouvoir qu’occupe, ici et maintenant, le Courrier picard : le président et le directeur du journal posaient, avec fierté, aux côtés du ministre, de la maire d’Amiens, des représentants de la préfecture, du Crédit agricole (actionnaire du quotidien). « Très régulièrement, avertissait le CP, les lecteurs de notre journal seront informés des dispositions prises en matière de sécurité routière grâce à deux pages qui seront publiées pendant une durée d’un an » (25/05). Et jamais, bien sûr, les rédacteurs ne s’interrogeront sur l’efficacité ou la pertinence de ces mesures. Comment mieux dévoyer l’information en communication ? Le prix Albert Londres récompensera, bientôt, cet engagement courageux et pas du tout complaisant.

Titre après titre, nous observions donc, émus, cette idylle estivale. Jusqu’à apprendre, déçus, qu’il s’agissait d’un amour vénal : le Courrier picard a, selon nos sources, reçu 30.000 E de la Préfecture pour cette opération. Le civisme est à ce prix...

Nous avons joint Marc Delemotte, directeur du Courrier picard : « Pourquoi ne pas avoir informé vos lecteurs de cette contrepartie financière ? » D’après lui, qui ne dément pas, qui ne confirme pas non plus, ce serait une « non information » : « Vous me téléphonez pour me parler d’un truc sans importance  », commente-t-il.

Que le seul quotidien du département soit rémunéré pour faire, sous couvert d’une bonne cause, la publicité du ministère des Transports, et donc, par la bande, de son ministre, si actif, président de la Métropole amiénoise, homme fort de la droite locale, voilà qui relèverait de la « non information »...

Une garantie supplémentaire d’indépendance.

François Ruffin

Fakir n°21 (septembre/octobre 2004 ; lien périmé, octobre 2013)

Lire l’article sur le site de Fakir (lien périmé, octobre 2013)

 
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