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Affaire Delevoye : les plantages en série de Christophe Barbier

par Frédéric Lemaire,

Où il est question des prophéties déçues de Christophe Barbier…

L’affaire se déroule en plusieurs épisodes. Le 8 décembre, Le Parisien révélait que Jean-Paul Delevoye, nommé au gouvernement en septembre 2019 pour conduire la réforme des retraites, avait omis de signaler ses liens avec le monde de l’assurance dans sa déclaration d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il occupait en effet un mandat bénévole au sein de l’Institut de formation de la profession de l’assurance (IFPASS).

Le 10 décembre, c’est Capital qui soulignait que Jean-Paul Delevoye avait gardé une fonction rémunérée dans le privé après son entrée au gouvernement, en tant que président du think tank Parallaxe – une activité cette fois déclarée, mais qui constitue un cumul interdit par la Constitution.

Le haut-commissaire aux Retraites a cependant pu compter sur la magnanimité proverbiale des éditocrates à l’égard des puissants – et en particulier celle de Christophe Barbier. Interrogé sur cette affaire dans son éditorial du 12 décembre, l’éditorialiste minimise la faute : « il n’a pas cherché à le cacher, Jean-Paul Delevoye, puisqu’il l’a écrit lui-même dans sa déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ».

Patatras, deux jours plus tard Jean-Paul Delevoye rectifie sa déclaration à la HATVP en déclarant… 13 mandats dont dix avaient été oubliés dans sa déclaration initiale. Qu’à cela ne tienne : Christophe Barbier évacue toute mise en cause de la probité ou de la bonne foi du haut-commissaire. Et d’enfoncer le clou : « Oui il est évident que Jean-Paul Delevoye n’est pas vendu au lobby de l’assurance ou au lobby des fonds de pension, les quelques chroniqueurs d’extrême-gauche qui l’accusent de ça font fausse route. »

Et de conclure, s’agissant d’un possible départ : « On ne change pas de cheval pendant la bataille, Jean-Paul Delevoye doit mener jusqu’à terme cette négociation difficile ».

Un couplet réentonné dans son éditorial le matin du 16 décembre. À la question « Jean-Paul Delevoye doit-il quitter le gouvernement », l’oracle Christophe Barbier répond de manière catégorique : « En pleine crise, quand l’adversaire réclame le scalp du ministre, on ne lui donne pas […] Delevoye partira, mais il partira quand le texte sera terminé, ficelé, et transmis au Conseil des ministres, c’est prévu pour le 22 janvier ».

Patatras (bis), le ministre démissionne quelques heures plus tard. Mais il en faut plus pour perturber un éditocrate qui, en fin de journée dans « C dans l’air », évoque doctement toutes les raisons pour lesquelles Jean-Paul Delevoye n’avait en réalité d’autre choix… que de démissionner : « Une pression très forte, l’attente encore d’épisodes encore plus embêtants » ; mais aussi une manœuvre politique : « Matignon et l’Elysée ont décidé qu’il pourrait porter peut-être le chapeau des renoncements qu’on va peut-être voir demain, ce fameux âge pivot dont la CFDT veut le retrait ».

Patatras (ter), le lendemain, nulle trace de renoncement ou de recul du gouvernement évoqué par Barbier. Qu’à cela ne tienne ! Dans un nouvel édito matinal, l’éditorialiste refuse obstinément d’admettre la moindre erreur face à l’animateur Christophe Delay [1] :

- CD : Christophe Barbier, hum, Jean-Paul Delevoye a donc démissionné… Vous vous êtes complètement planté hier.

- CB : Mais pas du tout !

- CD : Mais si, si, mais si, vous avez dit qu’il ne démissionnerait pas tout de suite.

- CB : Je vous l’ai dit à 6h50.

- CD : Et alors ?

- CB : Il a démissionné à midi.

- CD : Un éditorialiste peut se tromper… et surtout il doit le reconnaître.

- CB : Non, non, non, la vérité de 6h50 n’est pas celle de midi.

[...]

Bref, Christophe Barbier a toujours raison, même quand il a tort... C’est juste une question d’horaire ! Une nouvelle séquence édifiante de l’impunité dont bénéficient les éditorialistes abonnés aux plateaux des chaînes d’info. Mais aussi de la conception toute particulière que se fait Christophe Barbier de son propre rôle. Comme nous l’avons déjà écrit plusieurs fois, un éditocrate, ça ose tout...


Frédéric Lemaire

 
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