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AFP : Le PDG annonce un nouveau tour de vis (Sud-AFP)

Nous publions ci-dessous un communiqué de Sud-AFP (Acrimed)

Pierre Louette [PDG de l’AFP] a fait le point des négociations sur le prochain Contrat d’objectifs et de moyens (COM-2) entre l’AFP et l’Etat, lors du Comité d’entreprise du 12 septembre. Interrogé sur des rumeurs de plan social, il a préféré parler de « redéploiements » mais n’a pas formellement démenti l’éventualité de mesures plus drastiques, soulignant la nécessité de « dégager des marges supplémentaires ». De quoi renforcer nos inquiétudes pour l’avenir de l’Agence, au moment où la situation financière reste plus que fragile et que les amis politiques du PDG, au pouvoir, ont déclenché une offensive générale pour réviser à la baisse l’ensemble des dépenses de l’Etat.

Où en est la négociation avec le gouvernement ?

Selon le PDG, la direction a envoyé au gouvernement une lettre de synthèse mettant en valeur les atouts de l’AFP, rappelant les « efforts de gestion » accomplis dans le cadre du COM-1 et demandant des moyens supplémentaires afin de pouvoir accomplir la numérisation totale de l’Agence. Cependant, « nous n’avons pas encore de réponse » .

Ce silence radio du gouvernement n’est pas forcément rassurant. Pierre Louette a précisé que la DDM (Direction du développement des médias, sous la responsabilité de la ministre de la Culture et de la Communication) était le « pivot » de l’actuelle négociation. Or, la lettre de mission adressée par Nicolas Sarkozy à Christine Albanel charge la ministre d’élaborer des propositions sur la crise de la presse quotidienne et d’organiser la « rationalisation » de l’audiovisuel extérieur. Dans cette missive, pas un seul mot sur l’AFP ! Est-ce parce que l’Elysée n’a pas encore tranché la question fondamentale, qui revient régulièrement mais qui prend une nouvelle dimension sur fond de sarko-libéralisme triomphant ? A savoir : « Est-ce que la France a besoin d’une agence de presse mondiale » ?

La « Revue générale des politiques publiques » menace-t-elle l’AFP ?

Alors que les principaux syndicats nationaux de journalistes attendent depuis juin d’être reçus par Christine Albanel, des réunions de concertation ont commencé avec les syndicats présents au sein du ministère de la Culture, afin de mettre en place l’une des grandes priorités du gouvernement : la « Revue générale des politiques publiques » (RGPP).

Selon le « guide méthodologique » de la RGPP, remis aux organisations syndicales (dont SUD Culture Solidaires), il s’agit « de s’interroger face à chaque dépense publique, pour la réorganiser de façon méthodique et intelligente et pour la rendre plus productive et plus efficace ». Première question énoncée : « La politique peut-elle être assurée plus efficacement par d’autres acteurs ou sous d’autres formes ? Peut-on décentraliser, externaliser ou déléguer la gestion à un opérateur public ou privé ? Est-ce à l’Etat de conduire cette politique ? A quel niveau ? Avec quelles coopérations et articulations avec d’autres acteurs publics ou privés ? » Appliqué à l’AFP ou à certaines de ses activités, chacun peut s’imaginer ce que cela signifierait.

Cependant, est-ce que l’AFP est directement concernée ? Le texte précise que la RGPP ne vise pas seulement la Fonction publique et les entreprises publiques mais, « de manière plus large, des organismes bénéficiant d’un financement majoritairement public , tels que, par exemple, les chambres consulaires, les organismes audiovisuels ou RFF » (Réseau ferré de France).

Pour l’AFP, les abonnements de l’Etat représentent plus de 40% des revenus ; il ne s’agit donc pas d’un financement majoritairement public. Toutefois, le rôle traditionnel de l’Etat (statut de l’AFP), conforté par la politique du COM, ne laisse guère de doute : l’Elysée appliquera à l’AFP les mêmes recettes qu’à l’ensemble des opérateurs publics explicitement concernés par la RGPP. Les propos de Pierre Louette lui-même semblent le confirmer et la rallonge demandée ne pourra qu’inciter la tutelle à être encore plus vigilante que par le passé.

« A la recherche d’économies »

Selon le PDG, la lettre que la direction a adressée au gouvernement relève entre autres le fait que l’AFP est « protégée par son statut » contre le phénomène des fusions-acquisitions qui ravage le secteur des médias. Elle argumente aussi qu’une agence mondiale comme l’AFP, qui « est toujours considérée comme un acteur de crédibilité », peut être « un atout » pour l’Etat. Comme si l’Elysée pouvait en douter !

Par ailleurs, il est « reconnu aussi que la gestion de l’Agence va dans le bon sens ». Le PDG a clairement indiqué qu’il allait poursuivre la politique de maîtrise des coûts définie par le COM-1. « Nous sommes à la recherche d’économies », a-t-il lancé.

Interrogé sur l’impact social de ses projets, il a précisé  : « si l’on veut obtenir des moyens supplémentaires (pour le développement multimédia) , il faut montrer qu’on est capable de dégager des marges supplémentaires ».

Le tout multimédia

Sur le plan rédactionnel et technique, cela se traduira par un objectif primordial : « numériser complètement l’agence ». Selon le PDG, chaque journaliste deviendra un producteur multimédia et à terme, le service multimédia disparaîtra (car tout sera multimédia).

Enfin, il a confirmé que la direction allait privilégier les services qui promettent une marge de progression importante. Dans le cadre de la gestion de la pénurie mise en place par le COM-1, les redéploiements promettent donc de se traduire par un nouvel affaiblissement de l’activité principale de l’AFP - la recherche d’informations – où les marges de progression sont limitées par rapport à celles de produits plus récents (vidéo, infographie animée, multimédia). Ainsi, dans l’optique du PDG, la traditionnelle fabrique d’informations de la place de la Bourse devra se transformer en fabrique « d’objets numériques ». « C’est l’évolution naturelle du métier », a-t-il dit comme s’il s’agissait d’une loi de la nature. On notera qu’au passage, le contenant devient plus important que le contenu.

Pour les salarié(e)s, tout cela ne promet rien de bien : absence de modèle de développement pour l’Agence, promesse de nouvelles restrictions (développement de la précarité, réduction des moyens de fonctionnement, stagnation des salaires), remise en cause des métiers (polyvalence à outrance) et de la mission première de l’AFP, définie par son statut : faire office de service public de l’information, qui « ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique » et qui doit « donner aux usagers français et étrangers, de façon régulière et sans interruption, une information exacte, impartiale et digne de confiance » (Article 2).

A l’AFP comme ailleurs, SUD cherchera l’unité de tous, pour se battre contre la casse libérale, pour la défense des services publics, pour la défense des droits des travailleurs.

Paris, le 17 septembre 2007

 
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