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Tribune

Presse alternative, presse d’opinion : innover ou mourir !

par Philippe Boure,

Nous publions ci-dessous, en tribune libre [*], une contribution au débat sur l’avenir de la presse d’opinion et de la presse alternative (Acrimed).

Collaborateur bénévole dans un hebdomadaire indépendant de la région niçoise depuis plus de deux ans, j’assiste impuissant à trépas de ce journal, incapable de se situer dans un espace médiatique sans cesse plus étroit, asphyxié par un géant de la communication, le groupe Lagardère et son « Nice-Matin ».

Cette situation locale est représentative des problèmes que rencontre la presse alternative et/ou d’opinion dans notre pays. Ainsi, se pose la question de savoir s’il existe dans notre pays une « niche informationnelle et commerciale » suffisante pour permettre à cette presse de survivre à ce siècle qui ne fait que débuter.

Or, plusieurs éléments nous incitent à répondre par la négative à cette question. Tout d’abord, en ce qui concerne la presse d’opinion, et notamment la presse communiste, il nous faut prendre en compte que le vote communiste se réduit comme « peau de chagrin » au fil des élections, tout comme se réduit le nombre de militants. A ce phénomène se rajoute le fait que très peu de ces militants sont abonnés aux différentes publications communistes nationales et régionales. Le militantisme a évolué. Désormais, le simple fait d’indiquer « journal communiste » sur un papier ne suffit plus à le vendre à l’ensemble des militants. Ces derniers, plus critiques envers le contenu du journal font preuve de moins d’abnégation que par le passé à soutenir leur mouvement. De militants, il sont devenus des consommateurs à séduire, ce que se refuse de prendre en compte la plupart des publications régionales [1].

La presse alternative, d’opinion reste une exception dans notre société libérale qui condamne à la disparition toute entreprise non rentable. Mais combien de temps durera cette exception « culturelle » ? Combien de temps les partis politiques, les associations, les acteurs alternatifs pourront maintenir leurs publications artificiellement en vie ?

Pour autant, notons que ces différents titres participent à l’exercice des libertés d’expression, de pluralité de la presse. S’ils advenaient à disparaître, les multinationales seraient les seules garantes de ces libertés fondamentales. Quoi de pire, dans une société démocratique, que la privatisation des Libertés publiques ?

Voilà pourquoi, il nous semble nécessaire que l’Etat se mobilise pour permettre aux représentants de cette presse alternative de survivre. Dans un premier temps, un « Observatoire régional sur le respect de la pluralité de la presse » pourrait être constitué dans chaque région. Cet organe serait composé d’un représentant de l’Etat (le Préfet par exemple), d’un représentant de chaque organe de presse régionale, d’un représentant de chaque réseau de distribution de la presse écrite, ainsi que de 10 citoyens tirés au sort, à l’instar de ce qui se fait pour la constitution des jurés de cours d’assise. Il pourrait jouer un rôle important, en assurant tout à la fois la répartition d’aides publiques à l’exercice du droit à l’information et à la pluralité de la presse, tout comme il pourrait être doté de la personnalité juridique qui lui permettrai d’ester en justice si des atteintes importantes à ces droits et libertés étaient avérées.

De même, une partie des recettes de la presse écrite pourrait être mutualisée, et ainsi redistribuée en fonction des besoins des différents acteurs régionaux. Cette solution d’entraide républicaine représente une contribution minime de la part des multinationales, sorte d’impôt de solidarité à la libéralisation économique de ce secteur.

Sans la prise en compte des difficultés de la presse alternative et d’opinion, sans intervention des pouvoirs publics ni mobilisation citoyenne pour la sauver, il est fort à parier que nos combats présents ne seront porteurs que nos désillusions futurs

Philippe Boure

 
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Notes

[*Les articles présentés commes des tribunes n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

[1Dans l’ édition du 20 au 26 juin 2003 de PCA-Hebdo, dans un article intitulé « PCAHEBDO : pas de vie sans militantisme », il est notamment indiqué : « le journal est tout seul, pas assez défendu » ou encore « une conclusion s’impose : le pca ne pourra s’en sortir sans une implication des militants communistes »...

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