Pour affronter ce grave problème la journaliste du Monde donne immédiatement la parole à un lecteur particulièrement représentatif, Eric Bleines, directeur général délégué de la société de gestion CCR-Actions qui regrette que « la crise soit colportée [sic] par les médias », « Des médias, précise-t-il, qui ne sont absolument pas faits pour habituellement parler de choses économiques ». Sa crainte ? Que « ce cumul d’informations […] entraîne un peu de panique ». Au point de vider ses fonds ?
Après le financier, forcément objectif et avisé, comme on peut le vérifier ces jours-ci, ce sont des journalistes qui sont interrogés.
Grégoire Biseau, rédacteur en chef du service Eco-terre de Libération et Alain Frachon, directeur de la rédaction du Monde (qui répond donc bien volontiers au Monde.fr) défendent ardemment la nécessité pour la presse généraliste de donner à la crise financière la place qui lui revient. Et Alain Frachon de s’indigner qu’on puisse un seul instant imaginer qu’il ne faudrait pas publier des nouvelles financières sous le prétexte fallacieux qu’elles alimenteraient la crise. Il a raison : d’ailleurs Le Monde ne se prive pas de noyer toutes les questions sociales sous un amoncellement de pages d’informations économiques et financières quand tout semble aller bien !
Et c’est tout : un financier, deux responsables de rédaction suffisent. Pour cette enquête, la note de téléphone n’a pas du être trop élevée.
Quoi qu’il en soit, la question d’une éventuelle inflation … de l’information est apparemment tranchée, Pourtant Grégoire Biseau ayant estimé, non sans raison que "le travail d’un journaliste, c’est de rendre compte d’une réalité", et que "si l’on pense aux potentielles conséquences négatives d’un papier, on arrête de faire ce métier", l’auteur de l’article s’entête : : « Reste que faire sa « Une » et consacrer plusieurs pages intérieures à cette crise financière depuis plusieurs semaines pourraient, à force, lasser le lecteur ».
Au financier qui ne veut pas inquiéter fait, finalement, écho le journaliste qui craint de lasser. Ou qui, du moins, s’interroge sur ce risque…. Evalué en fonction du nombre de pages et non du contenu de l’information.
Heureusement, les lecteurs versatiles et inconstants qu’il faut en permanence tenir en haleine ne seront pas déçus. L’article poursuit, citant les propos de Grégoire Bisseau : « L’analyse qu’on en fait à la direction de Libération, c’est qu’au contraire, il y a peut-être un effet addictif, […] Comme un feuilleton avec chaque jour des rebondissements. »
L’analyse de la direction de Libération est en effet très … analytique !
Et les chiffres de ventes la confirme : « Pour les deux rédactions, la confirmation de l’intérêt des lecteurs pour cette actualité vient des ventes."Si je m’en tiens aux chiffres de ventes, explique Alain Frachon, nous ne saturons pas nos lecteurs. Au contraire, nous gagnons des lecteurs en essayant d’expliquer par le détail et en donnant du sens à ces événements." Même constatation du côté de Libération : "Compte tenu de la situation difficile de la presse, rapporte Grégoire Biseau, Si on n’était pas suivi, on aurait tempéré notre couverture. Au contraire, on a vu une montée progressive des ventes à mesure que la crise s’approfondissait. A priori, c’était un pari plutôt payant". »
La crise de la presse oblige… à ajuster l’orientation aux chiffres de vente. Or la crise financière a fait remonter les ventes. Vive la crise ?
… Et si l’on parlait enfin de son traitement médiatique ?
À suivre…