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"La Gazette des précaires " n°4 : Radio actives - Précarité ou service public ?

Nous publions ci-dessous un article paru dans "La Gazette des précaires des radios françaises de service public" n°4, Suivi de l’intégrale de la Gazette en fichier PDF.(Acrimed)

Extrait de la Gazette n°4 :
Radio actives - Précarité ou service public : un choix.

Scénario A catastrophe : 27 décembre en fin d’après midi, la pluie tombe et le vent souffle. Une tempête s’abat sur tout l’ouest de la France... Les lumières s’éteignent, le chauffage se coupe, les tuiles s’envolent, l’eau commence à monter dans les maisons et sur les routes. Dans la centrale nucléaire voisine, branle bas de combat... La procédure d’alerte de niveau 3 est enclenchée. La Préfecture est sur le pied de guerre. Pour prévenir la population, elle compte sur la radio France Bleu Pétahouchnok pour faire passer l’information : rester confiné chez soi, calfeutrer les portes et fenêtres avec du papier journal, entreposer de l’eau et de la nourriture dans la pièce que l’on a choisie et attendre que la situation se stabilise.

Scénario B doublement catastrophe : 27 décembre en fin d’après midi, la pluie tombe et le vent souffle. C’est un journaliste en CDD qui présente le journal de 18h sur France Bleu Pétahouchnok. Le seul journaliste en reportage est un pigiste. L’animateur est lui aussi en CDD. Quant au technicien à la console ce soir, il est, devinez quoi, en CDD. Malheureusement, ce n’est pas que de la science fiction. Le scénario A, on l’a bien sûr vécu en 1999.

Depuis, les pouvoirs publics se sont rendus compte que le réseau France Bleu est devenu incontournable en cas de situation de crise. Qui, mieux que la radio, peut continuer à émettre quand les lignes électriques sont coupées et le téléphone saturé ? Tant et si bien que le 25 juin dernier, notre nouveau PDG, Jean-Paul Cluzel et le ministre de l’intérieur, Dominique de Villepin ont signé un accord pour renforcer et systématiser la coopération des pouvoirs publics et de Radio France. Dans un communiqué, Radio France souligne d’ailleurs que « ce partenariat est la reconnaissance d’une double vocation : proximité et service public. »

Sauf que le scénario B est lui aussi bien réaliste. Et dans ce cas, comment le technicien CDD trouvera-t-il le générateur qu’il est censé brancher pour relancer la radio ? A la pile électrique et avec beaucoup de chance. Comment joindre le rédacteur en chef, le responsable des programmes, ou n’importe quel cadre de permanence qui fait bombance en famille alors que le réseau téléphonique est saturé, ou tout simplement coupé ? Les services du Ministère de l’intérieur pensent peut-être que dans toutes les rédactions de France Bleu, sont affichées les informations d’utilité générale en cas de catastrophe naturelle et la procédure à suivre. La plupart du temps, le CDD est obligé de quémander les codes de l’ordinateur auprès des titulaires, de trouver une bonne âme pour lui expliquer comment brancher l’alarme ou faire marcher le KB... Des infos essentielles juste pour faire son métier. Alors en cas de crise... Comment un précaire, ni formé ni informé, peut-il prétendre assurer ce service public ? Peut-être qu’on se posera la question lorsqu’une centrale nucléaire décidera d’exploser un matin de Noël... Un matin où seuls des CDD et pigistes seront aux commandes alors que des milliers d’auditeurs attendront que Jenifer arrête de chanter qu’elle « attend l’amour » pour savoir comment durer en milieu radioactif.

 
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