Accueil > Critiques > (...) > Le journalisme précaire

Tribune

J’ai mal au journalisme

Réflexions sur les raisons d’une démission collective.

Des « Réflexions sur les raisons d’une démission collective », par Bruno, pigiste (suivies d’une réflexion de Jean, pigiste aussi), mettent en question, sous forme de tribune [*], les raisons sociales du « maljournalisme » que les élections de 2002 ont particulièrement et tristement illustré.

Vous l’avez remarqué ? Depuis le lundi 22 avril les faits divers (qui représentaient jusqu’à 2/3 du contenu des J.T.!) ont pratiquement disparu des médias : la France ne serait-elle plus ce pays à feu et à sang, en proie à l’insécurité ?

On est passé d’un extrême à l’autre : le sentiment de culpabilité semble avoir remplacé (pour combien de temps ?) la course effrénée à l’audience et au spectaculaire. C’est la preuve évidente de la faillite du journalisme français, qui paraît avoir définitivement renoncé à une des règles fondamentales du métier : HIERARCHISER L’INFORMATION.

Comment en est-on arrivé là ?

Pour échapper aux déplorables conditions d’existence du pigiste, les journalistes salariés ont accepté de renoncer à leur déontologie. En échange d’un certain confort économique et social, ils se sont docilement transformés en vulgaires relayeurs de clichés au service de la pensée unique. L’information est devenue un secteur économique parmi d’autres, avec ses impératifs de rentabilité, ses gardes-chiourmes, et ses exécutants de plus en plus précarisés. Eh oui, les O.S. n’ont pas l’exclusivité du chantage à l’emploi. Dans ces conditions, ceux qui osent aller à contre-courant se font de plus en plus rares ... ou tout simplement virer !

Ainsi, en répétant quotidiennement les âneries distillées par les instituts de sondages, et en entretenant jusqu’à l’obsession le discours sécuritaire de certains candidats à l’élection présidentielle, les médias d’information ont pour une large part favorisé un record d’abstention et contribué à la consolidation du vote lepéniste.

Si la profession souhaite conserver un tant soit peu de crédibilité, elle doit de toute urgence prouver à l’opinion publique qu’elle est capable de se mobiliser pour autre chose que la défense de son abattement fiscal. Nous sommes sur le point de perdre notre âme et notre raison d’être sociale... Mais peut-être est-ce déjà trop tard. Pour ma part, je persiste néanmoins à croire que le journalisme, de même que l’enseignement, la médecine ou la magistrature, n’est pas un métier comme un autre, que l’on exerce simplement pour percevoir un salaire à la fin du mois... Malheureusement je crains qu’il ne soit devenu quasiment impossible d’en vivre sans renoncer à son éthique.

Bruno, pigiste

"Si la profession souhaite conserver un tant soit peu de crédibilité, elle doit de toute urgence prouver à l’opinion publique qu’elle est capable de se mobiliser pour autre chose que la défense de son abattement fiscal", écrivait Bruno, sous le titre "j’ai mal au journalisme."

Eh ! bien c’est fait, la profession se mobilise aujourd’hui avec une touchante unanimité pour inciter ses « lecteurs-auditeurs-téléspectateurs » à voter Chirac au second tour. Je ne suis pas sûr que le crédibilité de la profession en sorte renforcée, ni que la déontologie y trouve son compte d’ailleurs.

Jean, pigiste

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

Notes

[*Les articles présentés comme des tribunes n’engagent pas nécessairement la responsabilité d’Acrimed.

A la une

Nathalie Saint-Cricq dans Libération : une « pointure » et beaucoup de cirage

« Nathalie Saint-Cricq vote », et Libération vote Saint-Cricq.