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Délires médiatiques après la mort de Marie Trintignant

par William Salama,

De la mort de Marie Trintigant, le traitement médiatique se répartit ainsi :
- sur les circonstances du décés de l’actrice : la relation (si possible vérifiée) des faits (information judiciaire, reportage sur l’enterrement, etc.) ;
- sur le contexte : des témoignages de proches, des commentaires sur les questions de droit international, et surtout des dossiers sociétaux justifiés d’utilité publique sur les femmes battues en France.

A quoi s’ajoutent, malheureusement, des « sorties » ou « sujets » à la limite du tolérable, que l’on doit à des journalistes délirants en mal de surenchère.

Délire symphonique au Figaro Magazine.

Ce que l’on craignait est arrivé sous la plume sournoise de Joseph Macé-Scarron, éditorialiste au Figaro Magazine (« La douleur des femmes »), le 9 août.

Il débute solennellement son édito sur le drame de Marie Trintignant qui « nous touche », qui est une « horreur profonde ». Evidemment, rien à redire.

Mais Macé-Scaron enchaîne : « nous éprouvons les plus grandes difficultés à ’’comprendre’’ le rappeur qui frappe à répétition sa compagne ». Quel rappeur ? celui des banlieues ? Ou bien Joey Starr, qu’il refuse de citer ? Et puis, notez ce « nous » fédérateur et complice. Macé-Scarron sait à qui il s’adresse, un lectorat captif et servile à qui il sert avec une délectation fielleuse la soupe : « Avez-vous remarqué combien ces hérauts des temps modernes, ces preux révoltés, ces docteurs en libertarisme (sic), ces desperados au grand cœur s’en prennent aux femmes ? ».

On se dit alors, suffit, il va s’arrêter là, mais la logorrhée continue jusqu’au bouquet final : « A-t-on vu Rimbaud défenestrer Verlaine ? Comment un artiste champion de l’antimondialisation, amateur des idées de José Bové, a-t-il pu en arriver à de telles extrémités ? ». La question inspire la réponse de Macé-Scarron qui administre aux « fans de Noir Désir » ce qu’il appelle un « bon conseil » :

« Un bon conseil : qu’ils retournent aux albums du groupe, qu’ils revisualisent ses clips. Ils comprendront. Quoique. ».

« Quoique » : ce mépris est méprisable.

Inutile de retourner aux éditos en folie de Macé-Scaron pour comprendre qu’il puisse, sans craindre le ridicule, en arriver à de telles extrémités, amalgames ou ringardises, en offrant de surcroît en pâture à ses lecteurs un José Bové décidément génant.

Délire partagé par Jean-François Kahn ?

Macé-Scarron pourfend les « docteurs en libertarisme qui « s’en prennent aux femmes ». Jean-François Kahn, dans Marianne daté du 11 août 2003 n’est pas vraiment en reste.

Ayant diagnostiqué chez Bertrand Cantat « une formidable capacité de violence mise au service d’un altruisme sans rivages », il ajoute :

« Mais - et c’est peut-être l’essentiel - le leader de Noir Désir, qui irradie sur scène sa propre fièvre de liberté en la projetant sur le public comme sur le monde, se réclame de l’anarchisme "libertaire". ».

Quand Jean-François Kahn nous promet « l’essentiel », on a toutes raisons de craindre le pire ... qui vient en conlusion de sa leçon :

« L’idéologie libertaire, dans l’histoire, est l’une de celles qui ont le plus détruit de corps au nom d’un irrépressible désir, pas touijours noir, de libérer les esprits pour faire le bonheur des intelligences. »

Le vrai responsable, voyez-vous, de la mort de Marie Trintignant et de la violence masculine, c’est ... l’anarchisme "libertaire" !

Bouffées délirantes ailleurs.

Cela dit, d’autres journalistes qui cherchent faire vivre ce triste événement au-delà des faits participent au délire médiatique.

Il en va ainsi du Parisien qui le 10 août a eu la riche idée de mener une enquête pour annoncer en Une que les disques de Noir Désir « étaient en fortes ventes ». Et de jouer les ingénus : « difficile de n’y voir que le fruit du hasard  » (sic).

On peut également reprocher à Libération dans son édition du 11 août de reprendre cette information en pages Culture.

Enfin, France-Soir (toujours le 11 août) décroche la palme du non-sens dans un encadré, tiré par les cheveux, intitulé « des chansons prémonitoires ». Ayant ainsi convoqu" l’irrationnel, le quotidien, en exégète du vide, décrypte de façon grotesque et complètement à côté de la plaque une chanson de Noir Désir « bouquets de nerfs » pour s’en prendre aux « effets de la drogue » et une autre de Vincent Delerm, qui, cela tombe bien, s’appelle « Deauville sans Trintignant ».

On attend la suite, malheureusement sans impatience...

 
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