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Au Parisien, la SDJ se mobilise pour « protéger l’indépendance de la rédaction »

par Maxime Friot,

Un nouvel épisode dans le conflit entre la rédaction du Parisien et sa direction.

« Nous avons vu changer sous nos yeux la ligne éditoriale, ligne qui semble aujourd’hui prendre pour boussole les convictions de notre actionnaire davantage que les attentes de nos lecteurs » : dans un communiqué publié sur X (ex-Twitter) le 5 décembre, la Société des journalistes (SDJ) du Parisien exprime son « inquiétude grandissante ». En question ? Les pratiques et les déclarations de la direction du groupe médiatique de LVMH (Bernard Arnault) [1] :

« C’est l’actionnaire qui valide la ligne parce que s’il paye un journal qui n’a pas la ligne qu’il souhaite, il va arrêter de payer », a assumé Pierre Louette, PDG du groupe Les Echos-Le Parisien, lors d’un entretien début novembre avec des représentants de la SDJ. Celui-ci a par ailleurs annoncé les trois axes qui structurent selon lui la nouvelle ligne éditoriale, « idéologique » et revendiquée comme telle : « pro-institutions », « laïque », et « anti-extrêmes ».

La SDJ dénonce un « positionnement […] qui s’est traduit ces derniers mois par des éditos et des Unes pro-exécutif », et tranche : « la rédaction […] constate et désapprouve cette dérive ».

Ce n’est pas la première fois que la SDJ du Parisien fait part de ses désaccords éditoriaux avec sa direction. En 2021, elle se « désolidarisait » d’un éditorial consacré à Nicolas Sarkozy ; en 2022, elle « s’inquiétait » de la déprogrammation d’une interview de Philippe Martinez et rappelait son « opposition à la publication quotidienne d’un édito qui engage […] l’ensemble d’une rédaction. » ; en mars 2023, elle « s’émouvait » du « traitement éditorial de la réforme des retraites et du mouvement social » et votait une motion de défiance dans la foulée.

Face à l’indifférence de sa direction, la SDJ a décidé de prendre les choses en main :

La société des journalistes du Parisien demande depuis plusieurs mois l’adoption d’une charte éthique afin de protéger l’indépendance de la rédaction. Face aux refus réitérés de la direction du groupe Les Echos-Le Parisien, la SDJ a décidé de mener ce travail elle-même. Ce mardi 5 décembre, près de 150 journalistes ont participé à une assemblée générale. Engagement a été pris d’élaborer un texte qui précisera les principes essentiels d’indépendance, de liberté et de fiabilité de l’information, indispensables à un travail serein. Cette charte fixera des règles pratiques, notamment quand des journalistes du Parisien traitent des sujets en lien avec les activités du groupe LVMH (propriétaire du titre). Ce texte sera finalisé d’ici quelques semaines et soumis à un vote de la rédaction.

Une démarche qui se révélera insuffisante ? C’est probable. Mais elle est la bienvenue, comme le sont toutes les initiatives visant à donner plus de pouvoir aux journalistes, et à limiter celui des actionnaires. D’autant que ce projet de « charte éthique » élaboré par la SDJ du Parisien dénote de fort louables intentions :

Le Parisien doit pouvoir tenir son rôle essentiel de contre-pouvoir. Il n’est pas un journal d’opinion. Il n’est pas le journal des institutions – quelles qu’elles soient. Et il n’est pas non plus un outil d’influence au service du groupe LVMH et de ses intérêts économiques. […] Les enjeux actuels et à venir, notamment la couverture des JO dont notre actionnaire est l’un des principaux contributeurs, exigent de clarifier au plus vite les règles du jeu.

Mais l’adoption de cette charte ne constituerait qu’un point de départ : il faudra aussi que la rédaction du Parisien se questionne plus largement sur sa façon de concevoir le journalisme politique, ou, au hasard, sur sa manière de traiter les mouvements sociaux et les violences policières. En ces matières, comme en d’autres, il existe en effet un certain passif.


Maxime Friot

 
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Notes

[1

(Extrait de la carte « Médias français : qui possède quoi ? », décembre 2023.)

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