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En Bref

La synergologie, discipline médiatique d’avenir ?

par Blaise Magnin,

La crise de la presse est en train de porter au devant de la scène médiatique une nouvelle discipline : la « synergologie », qui entend « décrypter le langage non verbal » et qui permettrait « donc » à qui en connait les principes de maitriser sa propre expression, comme de débusquer la dissimulation ou le mensonge chez un orateur ! Des pouvoirs extraordinaires qui ne pouvaient laisser indifférents des médias en quête d’audience et de contenus racoleurs et pas chers, ainsi que des journalistes politiques en mal d’imagination et « d’expertise »…

Mais nous pensions que les analyses saugrenues des « synergologues » (et autres « ethocryptologues ») resteraient confinées à des médias de moindre réputation, tels que Métronews et Le Dauphiné libéré dont nous raillions récemment « les voies impénétrables de l’expertise politique » proposée à leurs lecteurs.

Or quelle ne fut pas notre surprise (encore que…) lorsque nous avons découvert qu’un grand quotidien national comme Le Figaro se lançait lui aussi dans l’aventure synergologique en conviant à deux reprises, les 6 et 28 mai, le même « expert » que Métronews, à disséquer les prestations de François Hollande face à Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV et de Jean-François Copé dans le 20h de TF1. Haussements de sourcils, cillements de paupières, pincements de lèvres, déplacements de langue, gesticulations des mains (droite et gauche, bien entendu), et bien d’autres éléments de « langage non verbal » encore sont décortiqués par le savant, « arrêts sur image » commentés à l’appui :



Parce que ce n’est pas le rôle d’Acrimed, mais aussi par charité, on ne s’attardera pas sur le contenu de ces articles… Un billet paru sur « Big Browser », un blog du Monde, s’y est essayé mollement et superficiellement et s’avère finalement à peine circonspect, tandis que Slate, qui a fait appel à des universitaires en sciences de l’information et de la communciation, étrille la synergologie, lui dénie tout caractère scientifique et la qualifie même « d’arnaque ».

Le Figaro se ferait donc arnaquer… À moins plutôt qu’il n’essaie d’arnaquer les internautes et ses lecteurs… Quels que soient les méandres par lesquels ces analyses synergologiques ont pu se glisser sur le site d’un quotidien réputé« sérieux », ces productions éditoriales pathétiques sont le terrible révélateur de l’évolution d’un journalisme politique qui ramène toute chose sur les faits, gestes et déclarations de quelques figures nationales, ainsi que sur leurs stratégies de communication.

Autant d’« informations » dérisoires, qui traitent des aspects les plus superficiels et souvent les plus détestables de l’activité politique, tout en éludant le fond et les enjeux réels. Un journalisme qui ne peut que favoriser la dépolitisation en somme, et qui prépare le terrain aux entreprises politiques qui s’en nourrissent…


Blaise Magnin



 
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