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Violences contre les journalistes, silence dans les grands médias (Acrimed)

par Acrimed,

Un communiqué d’Acrimed.

Trois mois après la première journée de mobilisation nationale (le 9 mars dernier), la contestation de la Loi Travail se poursuit. Cette mobilisation est confrontée à des violences policières ciblant des militant-e-s, des manifestant-e-s, mais aussi des journalistes, violences que nous avons pu nous-mêmes constater et subir lors des manifestations et à propos desquelles les témoignages s’accumulent sur les réseaux sociaux et les médias alternatifs, mais fort peu dans les grands médias, qui préfèrent réserver leur « une » aux « échauffourées » et autres arrestations de « casseurs ».

Acrimed, partie prenante du mouvement contre la Loi Travail, dénonce ces violences et, en tant qu’association de critique des médias, tout particulièrement celles commises contre des journalistes qui essaient simplement de faire leur métier. Les violences contre des journalistes, notamment des photographes de presse, se sont en effet multipliées au cours des dernières semaines, notamment à Paris et à Rennes.

C’est ainsi qu’à Paris, le 26 mai dernier, comme l’a souligné le SNJ-CGT dans un communiqué, « cinq photographes des agences et titres de l’AFP, Panoramic, Hexagone, L’Humanité et Politis, journalistes et porteurs de brassards de presse ont été victimes de tirs tendus, coups de matraques et poursuites par les forces de police présentes ». Plus grave encore, le même jour, un jeune photographe, Romain Dussaux, a été grièvement blessé par l’explosion d’une grenade de désencerclement : il a passé plus d’une semaine dans le coma et pourrait souffrir de séquelles neurologiques.

À Rennes, le 2 juin, plusieurs journalistes ont également été délibérément pris-e-s pour cibles par les forces de police malgré les éléments permettant de les identifier (casques portant la mention « presse », brassards, etc.). Les violences ont été telles que le Défenseur des droits a été saisi de l’affaire par le Club de la presse de Bretagne, tandis que le préfet a dû faire face à une colère collective des journalistes lors de la conférence de presse qu’il a tenue le lendemain des événements.

Suite à ces nouvelles violences, le SNJ, le SNJ-CGT et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont publié le vendredi 3 juin un communiqué commun dans lequel ils dénoncent le fait que « les journalistes sont devenus des cibles privilégiées, pour une partie importante des forces de l’ordre, coupables depuis début mars de nombreuses exactions, dans le cadre des manifestations contre la loi travail ».

Nous nous associons aux protestations des syndicats de journalistes pour dénoncer ces violences. Les journalistes doivent pouvoir faire leur travail et n’ont pas à faire face aux pressions, intimidations (la Préfecture de police de Paris a ainsi tenté d’interdire à un photographe indépendant de se rendre à la manifestation du 17 mai au motif qu’il pourrait « participer à des actions violentes »), voire aux violences physiques des forces de police.

Nous ne pouvons en outre manquer de nous étonner du silence assourdissant des « grands médias », des principales rédactions et des éditorialistes multimédias, pourtant si prompts, ces dernières semaines, à dénoncer les « violences » commises contre les forces de police (ou contre des vitrines ou du mobilier urbain), sans même parler des crachats – réels ou imaginaires – dont aurait été victime un célèbre « philosophe » lors d’une incursion place de la République.

Combien de reportages, d’articles et d’éditoriaux au sujet de la voiture de police brûlée à Paris le 18 mai ? Combien d’éditoriaux, d’articles ou de déclarations outragées suite aux mésaventures d’Alain Finkielkraut lors de sa visite impromptue à Nuit Debout ? Des dizaines, voire des centaines, avec des chefferies éditoriales et des éditorialistes squatteurs de médias unanimes pour « condamner fermement » les agissements – réels ou supposés – des manifestants. Combien de reportages, d’articles et d’éditoriaux au sujet des violences contre les journalistes ? Un nombre dérisoire…

Les indignations à géométrie variable en disent malheureusement long sur l’hypocrisie à l’œuvre chez certains, et sur le peu de considération qu’ils portent au travail des journalistes de terrain, souvent précaires et mal payé-e-s. N’est-il pas paradoxal, en outre, que ceux qui se faisaient les chantres de la liberté de la presse après la tuerie de Charlie Hebdo regardent ailleurs quand des dizaines de journalistes sont empêché-e-s de travailler ou sont blessé-e-s, parfois grièvement, par les forces de police ?

Si Acrimed exerce une critique vigilante du traitement médiatique des mobilisations contre la Loi Travail, ce n’est pas pour s’en prendre au journalisme en tant que profession. Nous sommes ainsi aux côtés des syndicats et associations pour dénoncer les conditions de travail dégradées des journalistes, qui participent de l’appauvrissement généralisé de l’information. Et nous sommes donc logiquement à leurs côtés pour dénoncer les violences dont les journalistes sont victimes, a fortiori lorsqu’ils et elles sont ignoré-e-s, voire méprisé-e-s, par des médiacrates qui ont manifestement d’autres préoccupations.


Acrimed, le 8 juin 2016.

 
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