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En bref

« Violences à Rennes » : du journalisme à sens unique…

par Nils Solari,

L’intervention de la police contre des « fêtards » dans la nuit du 29 au 30 septembre 2022 à Rennes a fait l’objet d’un traitement médiatique bien particulier et à sens unique : celui du journalisme de préfecture.

Si ce qu’il s’est passé est loin d’être totalement inédit dans la capitale bretonne [1], il est à noter qu’en ce jour de grève et de mobilisations sociales, de nombreux titres de presse y ont vu un événement suffisamment significatif pour être relayé dans les colonnes nationales. Certains décrivent des « affrontements violents », d’autres, parmi lesquels Ouest France, Le Figaro, CNews, BFM-TV et RTL, n’hésitent pas à parler d’« émeutes ».



On peut compter sur France 3 pour donner la parole au procureur de la république :

« Trois policiers ont été légèrement blessés dans les affrontements qui font suite à la volonté des policiers de mettre fin à un tapage au square Ligot (dans le centre), à Rennes après avoir été sollicités vers 22H30 par des riverains », a indiqué M. Astruc.

Sur France Bleu Armorique pour creuser le même angle sécuritaire :

De source judiciaire, quatre jeunes hommes, nés en 2002, 2003, 2004 et 2007 ont été interpellés après ces violences. Ils sont ce vendredi matin en garde à vue pour des faits notamment de violences avec arme sur personnes dépositaires de l’autorité publique et participation à un attroupement armé. Trois policiers nationaux ont été légèrement blessés.

Sur Ouest France pour relayer la condamnation de la maire de Rennes :

Maire socialiste de Rennes et présidente de Rennes métropole, Nathalie Appéré a, très tôt ce vendredi matin, tenu à « condamner les violences insupportables et les dégradations commises par un groupe de casseurs dans la nuit de jeudi à vendredi, dans le centre-ville de Rennes » par le biais d’un communiqué qu’elle a également rendu public sur Twitter.

Sur France Info pour expliquer que « selon les syndicats de police, il s’agissait d’une action de militants d’ultra-gauche ».

Mais sur quel média peut-on compter pour relayer le point de vue des fêtards-manifestants ? Sur France 3, qui annonce faire la lumière sur « ces "black blocs" qui ont affronté la police ce jeudi soir » ? S’apprête-t-on à y lire un entretien avec un sociologue ou autre spécialiste des mouvements sociaux radicaux ? Ou encore un portrait de l’un de ces manifestants ? Ou peut-être encore allons nous en apprendre davantage sur d’éventuelles revendications, ou à défaut, sur les éventuelles motivations d’un tel « soulèvement » ? Que nenni ! Sur les un peu moins de 1500 signes que compte l’article, agrémenté de vidéos de Ouest France, d’images provenant de Snapchat et de Twitter, l’entièreté de ces « révélations » est à mettre au crédit d’une unique source policière, le secrétaire régional Bretagne de l’unité SGP Police. Et qu’apprend-on dans la compilation des propos du syndicaliste policier ?

« Ce sont des gens très bien entraînés, très mobiles » ; « Ce sont des personnes qui sont à l’arrière des manifs et qui veulent en découdre avec la police » ; « Beaucoup étaient masqués, grimés, vêtus de noir », « Entre 150 et 200 personnes » ; « On a visé mes collègues avec des mortiers d’artifice à tirs tendus. Ces black blocs ont aussi lancé des cailloux, des canettes. » ; « Les casseurs sont bien entraînés, mobiles, avancent avec des parapluies devant, ont des vêtements de rechange. » ; « Ce sont des casseurs professionnels. Ils sont bien entraînés, mobiles, avancent avec des parapluies devant, ont des vêtements de rechange dans leurs sacs à dos pour se fondre dans la foule. »

Encore une fois, c’est un triomphe pour le journalisme de préfecture. Au détriment des concernés qui n’auront donc pas la parole… et d’une information sociale et politique digne de ce nom.


Nils Solari

 
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Notes

[1Par exemple France Bleu rapporte qu’« au square Claude Ligot […] des fêtes sauvages sont régulièrement organisées depuis des années ».

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