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Jean-Pierre Elkabbach au service de Laurence Parisot

par Blaise Magnin,

Le 15 février 2013, Jean-Pierre Elkabbach recevait pour son interview matinale sur Europe 1, Laurence Parisot qui achevait alors les négociations sur la réforme du marché du travail. Une performance de haute volée, où chaque question est une perche tendue à la présidente du Medef invitée à vendre l’accord comme un cadeau de l’organisation patronale aux salariés et à la France… Une très cordiale complaisance et un parti pris certain (mais assez peu surprenant, il est vrai) qui prennent tout leur relief lorsqu’on les compare avec la morgue affichée face aux trois syndicalistes reçus moins de deux semaines auparavant sur la même antenne. Pour pleinement profiter de ce morceau de bravoure, la vidéo est disponible ici.

I. Face à la patronne des patrons

Un accueil de brosse-à-reluire

- Jean-Pierre Elkabbach : « Vous vous rendez compte Bruce [Toussaint], la dernière séance de la négociation avec les syndicats commence dans 40 minutes, Laurence Parisot merci d’être là avec nous, c’est assez exceptionnel. »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Merci, c’est vous qui conduirez la négociation pour le Medef, la négociation va échouer ou aboutir à un accord d’ici à 21 heures, ou éventuellement demain matin, est-ce qu’un délai supplémentaire est d’ores et déjà envisageable ? » (Elkabbach anticipe la réponse de Parisot en la mimant avec les mains !)
- Laurence Parisot : « Non. »
- Jean-Pierre Elkabbach : « Les 45 patrons… donc il y a un enjeu majeur, et un engagement majeur de tous les syndicalistes et du Medef. »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Les 45 patrons du conseil exécutif du Medef réunis hier soir vous ont auditionnée, d’après ce qu’on m’a raconté, on vous a applaudie, c’est vrai ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « C’est-à-dire qu’il y a unanimité patronale pour vous donner mandat, aux négociateurs du Medef, de réussir à un véritable accord. »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Un accord petit, a minima comme on l’entend, ou un vrai accord ? »

Les questions d’un passe plat

- Jean-Pierre Elkabbach : « Donc, sur les points de friction que nous allons voir tout à l’heure, le Medef peut bouger puisqu’il y a unanimité des patrons, et vous êtes prêts peut-être à d’ultimes concessions, mais déjà, voyons le contenu. Est-ce que vous acceptez les complémentaires des frais de santé pour les trois millions cinq cent mille salariés surtout des petites entreprises qui n’en bénéficient pas encore ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Mais votre réponse c’est oui, c’est-à-dire c’est trois milliards de coût, la moitié payée par les employeurs et applicable, pourquoi vous dites dans quatre ans, ça peut pas se faire plus vite ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Mais sur le principe il y accord et avancée du Medef. »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Olivier [Saben ?] disait tout à l’heure que la CFDT demande aussi des droits rechargeables qui permettent à un chômeur reprenant un emploi de ne pas perdre ses droits à l’assurance chômage. Le Medef est-il d’accord ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : «  Mais ça é-vo-lue là !  »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Le Medef accepte-t-il que des représentants des salariés siègent dans les conseils d’administration des entreprises mondiales qui font plus, d’après ce que j’ai lu dans le protocole, plus de 15 000 employés, et naturellement pas pour faire de la figuration, mais pour voter avec des voix délibératives ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « L’article 17 de ce protocole permet qu’en cas de crise, et de carnet de commandes qui se vide, les salariés accepteraient la baisse momentanée de la durée du travail et du salaire, avec en échange le maintien de l’emploi et des effectifs. Si c’est vrai, c’est un pas important vers la flexibilité, est-ce que c’est vrai ?  »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « C’est-à-dire les droits sociaux acquis ne sont pas touchés, mais est-ce que ça veut dire que l’employeur ne va pas en profiter justement pour prolonger des situations qui l’avantagent ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « En cas de conflit ou de séparation avec un salarié, l’accord prévoit de chercher aux prud’hommes en général moins le contentieux que la conciliation… Comment ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « D’accord, mais les salariés ont peur, eux, du licenciement… »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Laurence Parisot,il y a du contenu, mais il reste des incertitudes, des points de blocage, des conditions sine qua non des syndicats sur la taxation des contrats courts, est-ce que vous allez bouger ? »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Non mais ça veut dire est-ce que vous ne lâcherez rien, est-ce que ça veut dire… vous êtes si près du but, avec le contenu que vous venez de dire, Laurence Parisot, est-ce qu’à cause des CDD, taxer ou pas taxer, la négociation peut aujourd’hui capoter ? »

La conclusion d’un chargé de com’

- Jean-Pierre Elkabbach : «  Sur les CDD, l’État et les collectivités locales utilisent plus, ou est-ce qu’ils utilisent moins de CDD que vous les patrons ?  »
- Laurence Parisot : « Il y a eu une croissance tout à fait spectaculaire des contrats courts, notamment de moins d’un mois, ces dix dernières années. Or vous avez raison de mettre cela en avant, l’essentiel de cette croissance, 60 %, est de la responsabilité des administrations publiques […] »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Mais il faudra que ça bouge au dernier moment, sinon il y a échec. »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Dernière question : en quoi un accord conclu avec trois syndicats, même si ils sont réformistes a une dimension historique ? En quoi ? »

II. Test comparatif
Face à des syndicalistes (4 février 2013) : un gardien de l’ordre

Bref rappel de l’interrogatoire des syndicalistes.

Face à Jean-Pierre Mercier

- Jean-Pierre Mercier : « [...] Et ils ont décidé de voter la grève reconductible avec occupation. Et depuis hier, c’est zéro voiture qui sortent de l’usine… »
- Jean-Pierre Elkabbach (en père sévère) : «  Et vous en êtes fier ?
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : «  Mais est-ce qu’on ne peut pas, à l’intérieur de l’usine, utiliser moins de boulons, de pétards et d’œufs ?  »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « La contestation, Jean-Pierre Mercier… est utile. Mais les cris, les invectives, les menaces, les coups le sont beaucoup moins !  »

Face à Mickaël Wamen

- Jean-Pierre Elkabbach (pointant le doigt vers son interlocuteur) : «  Ça a l’air d’être facile de discuter avec vous ! Quand on vous entend et qu’on vous voit parler comme ça !  »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : « Et le 13 février, une fois que la manifestation aura eu lieu ? Qu’est-ce que ça aura changé ?  »
[…]
- Jean-Pierre Elkabbach : «  Quand vous entendez parler du mot compétitif, du mot compétitivité, vous pensez que c’est un gros mot ?  »

Et quand vous entendez « Elkabbach », vous pensez quoi ?

 
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