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EN BREF

À Nicolas Demorand, la culture et la politique reconnaissantes ?

par Denis Souchon,

Le-monde-de-la-culture est-il en deuil ? Nous avons appris le 15 janvier 2017 que Nicolas Demorand cesse de présenter l’émission à prétention culturelle « Drôle d’endroit pour une rencontre », diffusée sur France 3, après cinq numéros – dont le premier date seulement du 7 octobre 2016. Comment est-ce possible ? Que peut-on en penser ?

Il y a à peine plus de deux mois [1], à l’occasion du lancement de cette émission, le « supplément télé » de L’Obs consacrait sa « une » et une longue interview à Nicolas Demorand. Dans un article qui prenait appui sur cet entretien – « Nicolas Demorand, moi-je » – nous avions relevé à quel point ce (déjà) vieux routier des médias laissait libre cours à son narcissisme débridé. Mais nous avions omis de prendre en compte son insatiable boulimie et l’éloge de sa vision exaltée de la culture, dont il nous confiait qu’elle était pour lui un supplément d’âme octroyé à son activité de journaliste politique : « J’ai donc toujours porté un regard culturel sur la politique et inversement. Pour moi, la vie des idées et la littérature font partie de l’actualité au même titre que l’économie ou le social. […] La culture fait partie de la vie ». Cela méritait bien qu’on lui attribue une émission présentée comme « culturelle » et que L’Obs en prenne prétexte pour interroger le bénéficiaire : comme par hasard L’Obs est « partenaire » de… « Drôle d’endroit pour une rencontre ».

C’est assez dire notre désarroi quand nous avons appris le renoncement prématuré de Nicolas Demorand. Pour justifier son départ, Le Parisien s’est chargé de la communication du partant :

La raison de ce changement : le rythme de l’émission, qui passe de deux à trois numéros par mois, incompatible avec l’emploi du temps de Nicolas Demorand. Celui-ci souhaite se consacrer à la présidentielle sur France Inter, où il présente « Questions politiques » chaque dimanche. « Je connais mes limites, assure le journaliste. Quand je reçois un invité, j’ai besoin de lire son livre. Ce que je ne pouvais plus faire. Mais je suis content que l’émission perdure. » D’après nos informations, une nouvelle formule de « Drôle d’endroit pour une rencontre » est en préparation pour le 3 mars. Dorénavant, chaque numéro sera centré autour d’un seul invité et d’un seul lieu et non plus trois.

Jusqu’alors Nicolas Demorand avait justifié ce que la journaliste qui l’interrogeait pour L’Obs appelait son « hyperactivité » et il savait, lorsqu’il a décidé de s’infliger la mission de passeur de plats dans « Drôle d’endroit pour une rencontre » en octobre 2016, que 2017 serait une année d’élection présidentielle : une échéance qu’il évoquait non sans enthousiasme dans son interview dans L’Obs du 12 novembre 2016. Faut-il croire qu’il a soudain découvert qu’un accroissement temporaire de sa charge de travail lui faisait prendre un risque de « burn out », alors que la nouvelle formule de l’émission, désormais présentée par Ali Baddou, prévoit de passer de six à trois invités par mois ?

Ou bien est-ce, tout aussi prosaïquement, que l’audience de l’émission a déçu la direction de France 3 et, avec elle, Nicolas Demorand ? En effet, le 8 octobre 2016 le site du Parisien nous apprend que la veille « "Drôle d’endroit pour une rencontre" a convaincu 329.000 personnes (2,6% de pda [2]) entre 22h40 et 23h40 », c’est-à-dire des chiffres peu acceptables pour les « cerveaux » biberonnés au néo-libéralisme des dirigeants la chaîne dite de « service public ».

Le doute qui nous étreint nous interdit de trancher entre ces deux hypothèses qui ne sont pas incompatibles. À force de vouloir tout dévorer, on risque d’être victime d’indigestion et de ne produire que des miettes.


Denis Souchon

 
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Notes

[1Le 12 novembre 2016.

[2Pour les profanes, pda : part d’audience.

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